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des moyens rigoureux au redressement de justes griefs, il est du devoir de la chambre de déclarer qu'elle ne peut s'empêcher de considérer les mesures prises par les ministres comme une attaque violente contre les droits du peuple et ceux de l'assemblée; qu'elles sont de nature à affecter la sécurité des loyaux sujets de S. M. dans cette province, à altérer la confiance dans le gouvernement, à entraver des arrangements commencés, à affaiblir enfin les liens qui existent entre la colonie et la mère patrie... »

Les députés décidèrent ensuite qu'ils se sépareraient immédiatement après le vote de l'adresse. Le gouverneur, lord Gosford, ne pouvant que dissoudre ou proroger une chambre qui refusait de siéger, rendit, le 26 août, une ordonnance de prorogation, et le seul résultat de la réunion de l'assemblée législative fut de prouver sa détermination invariable de refuser l'impôt jusqu'à ce que pleine justice eût été rendue aux Canadiens par le parlement anglais. Le parti patriote tint aussitôt de nouveaux meetings dans lesquels on vota des remerciements aux défenseurs des libertés populaires, et où il fut décidé que toutes les personnes qui accepteraient, à l'avenir, des places du gouvernement seraient déclarées infâmes. Cette manifestation eut un immense retentissement; elle détermina un grand nombre de magistrats et d'of

ficiers de la milice à envoyer leur démission. Alors commencèrent des préparatifs sérieux de résistance. Plusieurs comtés se fédéralisèrent, et leurs délégués convinrent de se réunir au village de Saint-Charles afin de fixer les bases de l'alliance. M. Papineau, président de l'assemblée législative, fut choisi pour diriger le meeting qui allait s'ouvrir. C'était un honneur qu'il méritait à bien des titres personne, en effet, n'avait mis plus de dévouement ni plus d'énergie à servir la cause canadienne; personne non plus n'avait déployé d'aussi grands talents dans l'accomplissement de cette tâche difficile. La discussion fut longue et surtout passionnée : certains orateurs, amis trop fougueux de la liberté, voulaient courir aux armes et prendre immédiatement l'initiative de l'attaque; d'autres plus circonspects, envisageant mieux les conséquences terribles d'une agression, exhortaient le peuple à attendre encore et à laisser ses adversaires frapper les premiers coups; mais tous ceux qui prirent la parole furent unanimes sur la nécessité de résister au gouvernement, même par la force. Cette opinion était d'ailleurs parfaitement conforme aux sentiments des colons réunis à Saint-Charles, et un certain nombre d'entre eux ayant cru aller à une bataille ou jugeant ce dénoûment inévitable, avaient amené quelques pièces de canon afin de

rendre ainsi les chances plus égales. Cependant, grâce à la prudence des principaux chefs canadiens, cette multitude exaltée ne se livra à aucun excès; seulement, avant de se séparer, tous les assistants, rangés autour d'un autel élevé à la patrie, jurèrent de mourir pour la liberté, serment prêté au bruit du canon et de la mousqueterie, dont les salves allèrent annoncer aux autorités anglaises qu'une révolution venait de naître.

La lutte ne commença toutefois que le 6 novembre 1837, à l'occasion d'une procession des enfants de la liberté. Cette procession parcourait les rues de Montréal en portant un drapeau tricolore, ce qui fut considéré par quelques Anglais comme une insulte pour les couleurs nationales; Aussitôt des pierres sont lancées contre l'homme qui tient la bannière, et un combat corps à corps s'engage. Les troupes royales, consignées dans leurs casernes, reçurent l'ordre de parcourir la ville, mais les officiers n'avaient pas vu avec indifférence les tentatives des patriotes, et depuis longtemps on pouvait juger, à leurs discours, de la haine qu'ils portaient à la population française. Quand les soldats anglais s'aperçurent que les Enfants de la liberté, trop peu nombreux pour résister, devaient inévitablement succomber dans la lutte, ils restèrent l'arme au bras sans tenter de mettre fin à cette collision sanglante. Les vain

bri

queurs se répandirent ensuite dans Montréal, sèrent les fenêtres de la maison de M. Papineau, et se portèrent enfin vers l'imprimerie d'un journal réformiste dont ils détruisirent les presses avec un acharnement sauvage.

Les autorités se concertèrent aussitôt afin de prévenir, par des moyens prompts et énergiques, des représailles qui paraissaient inévitables. Sir John Colborne, lieutenant général et chef militaire du Bas-Canada, envoya des exprès à tous les commandauts placés sous ses ordres pour les avertir de concentrer leurs troupes sur certains points qu'il leur désignait. Ces mesures prises, lord Gosford décerna des mandats d'arrêt contre les chefs du parti patriote, et voulut, dans un but d'intimidation, que les magistrats chargés d'opérer ces arrestations, marchassent accompagnés de fortes escortes. Les habitants de Montréal et ceux de Québec n'essayèrent aucune tentative de résistance; seulement, quand les soldats se répandirent dans la campagne pour fouiller les villages, les paysans et les patriotes organisèrent une guerre de partisans qui devint funeste aux troupes anglaises. Sir John Colborne résolut alors de frapper un coup décisif, car il comprenait que ces combats de chaque jour devaient accroître l'audace du parti français et diminuer la confiance de l'armée. Il ordonna, en conséquence, au colonel

Gore et au lieutenant colonel Watherell, de se porter, le premier contre Saint-Denis, le second contre Saint-Charles, en combinant leur marche de telle sorte qu'ils pussent arriver au même moment devant ces deux villages, afin d'empêcher ainsi les habitants de se porter un mutuel secours.

Le premier fut repoussé dans ses attaques, l'autre emporta Saint-Charles après un combat terrible et l'incendia. Divers établissements importants tels que Saint-Denis, Saint-Eustache, situé sur les bords de l'Ottawa, et Saint-Benoît, furent également détruits par le feu. Sur quelques points une poignée de Français, commandés par le docteur Chenier, résistèrent longtemps contre de nombreux adversaires. Refoulés et cernés enfin au milieu des bois, ils essayèrent par un effort suprême de se faire jour à travers les colonnes ennemies. De ces Français, beaucoup trouvèrent la mort sur le chainp de bataille; les autres, pour la plupart atteints de blessures graves, alièrent mourir dans les retraites hospitalières qui les dérobaient à la vengeance de ceux qu'ils avaient combattus. Le docteur Chenier, tour à tour général et soldat, mourut en héros. Épuisé, sanglant, criblé de blessures, il refusa jusqu'au dernier moment de se rendre, et tomba glorieusement sous les baïonnettes anglaises.

Cependant le Haut-Canada presque entièrement

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