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adopté par les deux Chambres, après avoir, il est vrai, subi des modifications importantes. Il suspendait la constitution du Bas-Canada jusqu'au mois de novembre 1840; conférait au gouvernement anglais le droit d'organiser dans cette colonie un conseil spécial dont il nommerait les membres en nombre illimité, et donnait enfin au gouverneur de la colonie la faculté de décréter, à dater du mois de novembre 1840, que les lois et ordonnances rendues par ce conseil seraient obligatoires comme si elles avaient été votées par l'assemblée législative du pays.

V

La princesse Marie1, fille de Louis-Philippe, avait épousé le duc de Wurtemberg; c'était une racine de plus que la dynastie de 1830 avait voulu prendre sur le sol allemand et, au point de vue de la politique, cette union, due en grande partie aux efforts du comte Molé, avait une certaine importance relative. Mais un événement plus important et plus heureux encore pour la famille d'Orléans allait en se réalisant, combler les désirs du roi : Le 24 août 1838, à trois heures du soir, le canon

1. Née le 12 avril 1813, morte le 2 janvier 1839.

des Invalides annonçait la naissance d'un fils du prince royal auquel, d'après les ordres du roi, furent aussitôt donnés les noms de Louis-PhilippeAlbert, comte de Paris.

De grandes joies orléanistes accueillirent cette naissance; de grandes espérances entourèrent ce berceau. La transmission de la couronne se trouvait donc assurée de la sorte à la descendance directe du roi de 1830! L'archevêque de Paris vint aux Tuileries ondoyer l'enfant dont le baptême fut remis à une époque plus éloignée, mais un Te Deum solennel fut chanté en grande pompe à NotreDame; le roi y assista. La veille il avait envoyé de magnifiques ornements à la vieille basilique. <«< Sire, lui dit M. de Quélen, en le recevant sur le porche de la cathédrale, revêtue de riches ornements qu'elle doit à votre munificence, l'église de Paris se réjouit avec la France catholique, c'est presque dire avec la France entière, du solennel hommage aujourd'hui rendu à sa foi; elle accepte avec reconnaissance au pied des autels de Marie le gagé d'espérance et de sécurité que votre présence, en ce jour d'actions de grâces, vient apporter à cette antique et sainte religion de vos pères qui a fait toujours la gloire et le bonheur de notre nation. Je suis heureux, répondit LouisPhilippe, d'avoir contribué à réparer des désastres que mon cœur a profondément déplorés. En

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remerciant Dieu de la protection spéciale dont il a couvert ma personne en tant d'occasions, je viens lui offrir de nouvelles actions de grâces pour la perpétuation de ma lignée et pour tous les bienfaits que sa main a répandus sur la France, sur ma famille et sur moi. »

Les choses se passèrent en cette circonstance solennelle suivant toutes les vieilles traditions de la monarchie, et la naissance du comte de Paris parut aux yeux du plus grand nombre devoir assurer d'une façon définitive la consolidation du trône de juillet.

A côté de ces incidents heureux, de ces bonnes chances de la maison d'Orléans se produisit bientôt, du reste, une série de faits de la nature la plus différente. Un nommé Hubert fut arrêté à Boulogne venant d'Angleterre : le hasard avait fait tomber entre les mains de la police un portefeuille qui lui appartenait; ce portefeuille contenait des papiers fort compromettants. On fouilla Hubert et on découvrit sur lui le plan d'une nouvelle machine infernale qu'un mécanicien nommé Steuble, originaire de la Suisse, s'était chargé d'exécuter à Paris. La cour d'assises de la Seine devait juger ce complot; dix accusés dont une femme, Mlle Grouvelle, républicaine exaltée, comparurent devant elle. Hubert fut condamné à la déportation, Mile Grouvelle, Steuble et trois autres

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accusés à quelques années de prison. Cette étrange et terrible persistance des ennemis de la personne ou de la couronne de Louis-Philippe était bien faite assurément pour troubler et décourager ce prince; mais Louis-Philippe était d'une nature à craindre plus pour l'existence de sa dynastie que pour la sienne propre, et si l'une lui paraissait assurée, il se préoccupait faiblement de l'autre.

:

L'idée napoléonienne venait aussi de donner un nouveau signe de vie. L'un des plus hardis et des plus intelligents collaborateurs du prince LouisNapoléon dans le complot de Strasbourg, M. Laity, avait publié une brochure intitulée Relation historique des événements du mois d'octobre 1836. Il s'attachait à rectifier les erreurs contenues dans les récits de la conspiration de Strasbourg publiés par les journaux, et à combattre les insinuations calomnieuses auxquelles cette tentative avait donné lieu tout en glorifiant les souvenirs impérialistes. Cette brochure, considérée comme une manifestation politique, fut déférée au jugement de la Cour des Pairs. On s'étonna, dans le moment, de ce que le ministère avait eu recours à une aussi haute juridiction pour punir ce qui, à son point de vue, était un simple attentat de presse. Mais il faut savoir que l'opinion conservatrice accusait alors le cabinet Molé d'avoir une légère tendance à modifier les lois de septembre, et de vouloir donner

ainsi un gage politique au tiers parti. Il se décida à frapper un coup énergique ou, pour mieux dire, retentissant. M. Laity fut condamné à cinq ans de prison et 10,000 francs d'amende. « Mon cher Laity, lui écrivait d'Arenenberg le prince LouisNapoléon, vous allez donc paraître devant la Cour des Pairs parce que vous avez eu le généreux dévouement de reproduire les détails de mon entreprise, de justifier mes intentions et de repousser les accusations dont j'ai été l'objet. Je ne comprends pas l'importance que met le gouvernement à empêcher la publication de cette brochure... Si, comme j'aime à le croire, un esprit de justice anime la Cour des Pairs, si elle est indépendante du pouvoir exécutif, comme le veut la Constitution, il n'y a pas possibilité qu'on vous condamne, car,

ne saurais trop le répéter, votre brochure n'est pas un nouvel appel à la révolte, mais l'explication simple et vraie d'un fait qui avait été défiguré. Je n'ai d'autre appui dans le monde que l'opinion publique, d'autre soutien que l'estime de mes concitoyens; s'il est impossible à mes amis et à moi de me défendre contre d'injustes calomnies, je trouverai que mon sort est le plus triste de tous. Vous connaissez assez mon amitié pour comprendre combien je suis peiné de l'idée que vous pourriez être victime de votre dévouement. Mais je sais aussi qu'avec votre noble caractère vous

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