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résidant dans les trois villes maritimes occupées par les Français; 6° tout Européen qui serait dans le cas de voyager dans l'intérieur sera muni d'un passe-port visé par le représentant de l'émir à Oran. »

Ce traité était une grande faute précisément parce qu'il plaçait Abd-el-Kader sur un terrain d'égalité parfaite avec les représentants de la France, et semblait reconnaître ainsi la légitimité de son autorité aux yeux des indigènes trop éblouis déjà de son audacieuse vaillance.

On le comprit bientôt lorsqu'on vit l'émir profiter des loisirs qu'on lui avait faits, en étendant ou affermissant sourdement son influence; en rassemblant de la poudre et des armes et en affichant une attitude quasi-souveraine. Il en vint promptement à braver l'autorité française et à menacer ou inquiéter des tribus qui, comme les Douairs et les Smélas, par exemple, voulaient nous demeurer fidèles. La mesure était comblée : le général Trézel, qui avait remplacé le général Desmichels dans le commandement de la province d'Oran, marcha au secours de nos alliés. Rencontrant l'armée d'Abd

el-Kader, bien supérieure en nombre à notre intrépide colonne, il l'attaqua et la rompit. Mais cette victoire même nous avait épuisés. Il fallut, en présence d'un ennemi cinq fois plus nombreux que le détachement français, revenir lentement sur ses pas, et ce mouvement de retraite, hardiment in

quiété par des nuées de cavaliers arabes harcelant nos flancs, nous fit éprouver des pertes sensibles, surtout aux bords de la Macta. Cette désastreuse affaire où le colonel Oudinot avait perdu la vie, présentait un échec moral dont la Chambre des Députés elle-même, quel que fût d'ailleurs son mauvais vouloir pour notre colonie africaine, devait ressentir toute l'amertume. Une expédition fut résolue pour venger l'honneur du drapeau et la mort de tant de braves gens. Le maréchal Clausel était en quelque sorte désigné par l'opinion publique pour diriger la vigoureuse campagne à laquelle M. le duc d'Orléans désirait prendre part. Il fut choisi une seconde fois pour gouverner l'Algérie, et remplaça le comte Drouet d'Erlon, qui lui-même avait succédé au général Voirol.

C'était le 26 juin 1835 qu'avait eu lieu l'affaire de la Macta; à cinq mois de distance, le 26 novembre, l'expédition nouvelle commença. La ville de Mascara avait été indiquée comme le point extrême que le corps d'armée devait atteindre. Écoutons le maréchal Clausel raconter lui-même, dans sa proclamation aux troupes, les glorieuses étapes de cette courte campagne : « Soldats, vous avez pleinement justifié ma confiance et dépassé en peu de jours le but que je vous avais proposé. Le 1er décembre, vous avez vaillamment combattu à la reconnaissance des gorges du Zig, et, dans votre

ardeur, vous avez enlevé le camp ennemi lorsque nous ne nous en approchions que pour juger de la position et du nombre des troupes qu'il pouvait contenir. Le 3, vous avez enlevé celui de l'émir, qui a fui devant vous, et, malgré sa valeur personnelle, n'a pu empêcher ses troupes de se disperser dans les montagnes. Le même jour, à SidiEmbarek, lorsque vous fûtes entourés par une nombreuse cavalerie, lorsque vous étiez exposés au feu de l'artillerie d'Abd-el-Kader, vous avez vu fuir encore les Arabes embusqués derrière un obstacle naturel que vous aviez à peine eu le temps d'apercevoir. Emportés par un noble élan, le soir même vous vous êtes établis sur l'Habrah. Le 4, vous avez attaqué, à Ouled, Sidi-Brahim, sur les contre-forts de l'Atlas, l'infanterie de l'émir; il a suffi de votre approche pour la mettre en fuite. Le 5, vous avez enlevé, en quelques instants, une forte position occupée par un assez grand nombre d'ennemis auxquels vous avez fait éprouver une perte notable. Enfin, le 6, vous êtes entrés en vainqueurs dans Mascara que l'émir, abandonné, insulté par les siens, n'a pas osé défendre. Ainsi, en quelques jours s'est évanouie devant vous cette puissance qu'on représentait comme formidable et dont votre valeur a montré toute la faiblesse. Soldats, vous avez combattu sous les yeux du prince royal; il dira au roi, avec votre géné

ral en chef, vos brillants exploits; la France et le roi seront contents de vous, et vous recevrez alors la juste récompense que vous avez méritée. »

Cette proclamation, un peu trop pompeusement rédigée peut-être (c'était dans les habitudes et le goût du maréchal Clausel), n'en indiquait pas moins la traditionnelle énergie de nos troupes et surtout leur ardeur à venger la sanglante surprise de la Macta. Elle produisit un grand effet sur le monde parlementaire, et c'est ce qu'on avait voulu. Plus tard, le bulletin détaillé envoyé par le maréchal, et qui ne tenait pas moins de cinq colonnes du Moniteur, fut publié la veille de l'ouverture des chambres. Ce bulletin sentait la poudre et, du reste, il y avait eu de la gloire pour tous dans cette rapide campagne de douze jours. Au combat de l'Habrah, le duc d'Orléans s'élançant bravement vers les ravins garnis d'aloès où se groupaient les Arabes, avait été légèrement atteint d'une balle morte à la cuisse; que ce jeune prince, fatalement marqué par la destinée, ne succombait-il du moins sur ce glorieux champ de bataille!

On ne pouvait tenir à Mascara; après deux jours de repos accordés à l'armée expéditionnaire, le maréchal Clausel ordonna l'évacuation de la ville, dévastée par les Arabes d'Abd-el-Kader, mais, avant de reprendre le chemin de Mostaganem, il fit mettre le feu aux principaux édifices de cette

ancienne place d'armes de l'émir. Le 8 janvier 1836, le maréchal se voyait, par l'attitude agressive de son infatigable adversaire, contraint d'entreprendre sur Tlemcen une expédition nouvelle. Les succès momentanément et partiellement obtenus ne modifiaient en rien, d'ailleurs, l'ensemble d'une situation difficile. Il fallait nécessairement étendre la domination française pour la rendre féconde. C'est ce que le maréchal se proposa de prou

ver au ministère et aux chambres en se rendant à Paris vers le commencement du mois d'avril 1836.

Sur ce point, les ministres étaient plus faciles à convaincre que la chambre des députés. Cette dernière, dont la politique étroite n'admettait qu'avec peine l'idée d'une occupation sérieuse, permanente, malgré les conclusions favorables de la commission prise dans son sein qui, en 1833, avait été chargée de se transporter en Afrique, pour étudier à fond la question algérienne, cette dernière, disons-nous, semblait peu préparée à sortir du système de parcimonie et de défiance dont elle avait jusques-là constamment suivi les inspirations fatales. Quant au ministère, le maréchal Clausel était sûr d'y trouver au moins un homme qui comprendrait toutes les nécessités de notre guerre d'Afrique, et, dans son goût pour les grandes entreprises militaires, serait disposé à seconder ses plans. Or, plusieurs des collègues de

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