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LETTRE 687.

Au même.

A Paris, 17 Avril 1682. Si vous êtés alarmé de l'apparence de mon oubli, croyez, Monsieur, que c'est une fausse alarme, et que les apparences sont trompeuses; vous ne vous laissez point oublier: Rochecourbières, Livry, et tous les jours qu'on vous a vu, sont de fidèles garans de ce que je vous dis, et je suis assurée que vous le croyez, et qu'étant si éclairé sur toutes choses, l'humilité chrétienne ne vous empêche pas de connoître ce que vous vaľez. Voilà donc une vérité, on ne peut point vous oublier : nous avons dit cent fois notre "ami et moi: mais écrivons donc à ce pauvre scélérat, et en remettant toujours on se trouve embarrassé dans ses misérables assurances. Il me paroft que Montpellier en a beaucoup donné au jubilé. Vous connoissez Corbinelli sur l'horreur qu'il a de ces sortes de dehors qu'il appelle des trahisons: je ne sais point précisément comme il a fait en cette occasion, je n'ai osé le questionner; mais il y a long-tems que, considérant l'ex

trême respect qu'il a pour ce saint mystère, et avec quelle rigueur il en conçoit les préparations, dont il ne veut rien rabattre, je suis tentée de lui dire, basta la metà: car enfin si tous les fidèles suivoient ses idées là-dessus, il ne faudroit plus penser à l'exercice extérieur de la Religion. Voilà ce que Dieu lui inspire, et soit lumière, soit abandonnement, il faut qu'il arrive quelque changement en lui pour déranger ses opinions. M. de Vardes lui a fait la même question que vous me faites sur son jubilé : il y a fort honnêtement répondu, et lui a donné d'un probet autem semetipsum homo, qui peut-être cause de grandes réflexions. Voilà tout ce que je vous puis dire: vous connoissez le terrain et vous l'aimez; car, en vérité, plus on connoît ce coeur-là, et plus on l'admire. Il me paroit que le départ s'approche, je le vois avec douleur; mais que savons-nous ce que la Providence garde à M. de Vardes? Voilà M. de Bussy revenu après dix-huit

ans, il a vu le Roi qui l'a.reçu parfaitement bien, voici un tems de justice et de clémence; on prend plaisir à faire non-seule-. ment ce qui est bien, mais ce qui est parfaitement bien; ainsi je ne doute pas que le tour

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de ce pauvre exilé ne vienne, et tout le monde le croit tellement, que si quelque chose peut encore lui faire tort,. c'est ce bruit commun. Vous me dites la plus plaisante vérité qu'on puisse entendre, en m'assurant que ces jeunes gens rapporteront de Languedoc toute la politesse qui leur manquoit ici: ils me paroissent comme les Allemands qu'on envoie à Anvers pour apprendre la langue; ils étoient Allemands sur le. savoir-vivre, et hormis que de l'apprendre hors de la Cour se présente ridiculement, il est fort aisé de comprendre qu'ayant eu pendant six mois un aussi bon maître que M. de Vardes, ils auront plus profité qu'ils n'avoient fait pendant toute leur vie. Ce retour laisse un vide que notre ami rem-. plira fort agréablement; vous nous apprendrez le succès de cette colique d'économie dont la tendresse paternelle doit être la sagefemme. Si vous entendez cette période, à la bonne heure; si elle vous paroît obscure, mettez-la sur le compte du pompeux galima

* Il s'agit ici de la fille et du gendre de M. de Vardes, (M. et Madame de Rohan), qui avoient passé six mois avec lui à Montpellier.

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tias que vous nous avez si bien inspiré. Le zèle de M. le chevalier de Grignan est toujours dans toute sa ferveur pour l'affaire que vous savez, il attend les occasions de le mettre en usage; les objections que je vous avois faites ne viennent pas de lui, et j'y avois répondu en un mot, il est tel que vous l'avez laissé. Il y a des gens qui perdroient beaucoup, s'ils étoient sujets au changement. La santé de ma fille n'est pas de même, elle est bien mieux qu'elle n'étoit quand vous êtes parti, son visage vous feroit souvenir de celui que vous avez vu à Grignan. M. de Grignan et ses filles et son fils, et notre bon Abbé, tout cela est comme on le peut souhaiter. La dévotion de Mademoi. selle de Grignan est augmentée et augmentera encore, car elle puise dans une source qui ne tarit jamais. Celle des amitiés de Madame de Verneuil pour moi est à peu près de cette magnificence: elle m'a paru avec ce don de persévérance que nous avons l'une pour l'autre depuis plus de trente ans. Cette liberté de parler ainsi d'une Princesse, et l'antiquité de cette date, m'obligent de finir cet article: je vous dis donc adieu, Monsieur, après vous avoir supplié pourtant de

ue pas tant louer le Roi sur cette dernière action que nous vous avons mandée, que vous en oubliez toutes les autres; célébrons toujours son grand nom sur la terre et sur l'onde, et l'admirons dans toutes les occasions. Tout l'hôtel de Carnavalet vous aime, et vous estime, et vous embrasse; je fais mille baise-mains à Madame votre femme et à votre aimable fille. Dites-nous un peu comme vous êtes avec notre ami: le tems change tant de choses, que je demande toujours ce qu'il opère, persuadée qu'il ne lui faut pas plus de six mois pour faire des réconciliations ou des brouilleries.

LETTRE 688.

Au même.

A Paris, mercredi 1o Mai 1682.

JE Vous écrivis avant-hier avec une extrême joie, croyant que ce qui étoit répandu par tout Paris du retour du Prince de Conti à Versailles, fût une vérité; mais j'ai su que j'ai mandé une fausseté, qui est la chose du monde que je hais le plus. Ce Prince est simplement nommé pour être Chevalier à la

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