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pense qu'il vous est mortel, et que ce mal intérieur doit être excessivement ménagé. On ne m'entretient cependant que de votre c'est

beauté; Madame de Vins m' m'assure que Co

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toute autre chose que quand je suis partic. Vous parlez du tems qui vous respecte pour l'amour de moi c'est bien à vous à parler du tems. Mais que cela est plaisant que nous n'ayons encore rien dit de la mort du Roi d'Angleterre! il 'n'étoit point vieux, c'étoit un Roi; cela fait voir que la mort n'épargne personne: c'est un grand bonheur si, dans son cœur, il étoit Catholique, et s'il est mort dans notre Religion. Il me semble que voilà un théâtre, où il va se passer de grandes scènes; le Prince d'Orange, M., de Montmouth, cette infinité de Luthériens, cette horreur pour les Catholiques: nous verrons ce que Dieu voudra représenter, après cette tragédie*: * : elle n'empêchera point qu'on ne

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* Charles II étoit âgé de soixante-cinq ans, et en'avoit régné environ vingt-cinq, à compter du rétablissement des Stuarts. Il reçut en effet les sacremens suivant le rite romain, cédant plutôt, dit-on, aux instances de son frère qu'à sa conscience. Il avoit quelques-unes des qualités privées. Mais comme Prince, son caractère, dit l'impartial Hume, étoit dangereux pour ses sujets, et peu ho

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se divertisse encore à Versailles, puisque Vous y retournez lundi. Vous me dites mille tendresses sur la peine que vous auriez à me quitter, si j'étois à Paris; j'en suis persuadée, ma très-aimable; mais cela n'étant point, à mon grand regret, profitez des raisons qui vous font aller à la Cour; vous y faites fort bien votre personnage; il semble que tout se dispose à faire réussir ce que vous désirez. Les souhaits que j'en fais de loin, ne sont ni moins sincères, ni moins ardens que si j'étois auprès de vous je sens, quoique

norable pour lui-même. Pour s'affranchir de son Parlement, il s'étoit mis dans une dépendance honteuse de Louis XIV. On a dit de lui qu'il n'avoit jamais dit une 'chose folle, et qu'il n'en avoit jamais fait une sage. A juger par l'anecdote suivante, il portoit plus loin que la politique même ne le veut, cette dissimulation, qui seroit, comme on le dit, la vertu nécessaire des Rois, s'il étoit vrai que la foiblesse et l'indolence fussent leurs vices › naturels. On dit que Charles II ayant reproché à son Ministre Shaftesbury «Qu'il étoit le plus grand fourbe des « trois Royaumes; » celui-ci répondit : « Apparemment votre Majesté ne parle que des sujets. »

Madame de Sévigné parle ici de l'état de l'Angleterre en personne bien informée. La révolte de Montmouth et sa fin tragique dans la même année, Jacques II détrôné et chassé trois ans après par son gendre, justifièrent trop bien ses pressentimens.

moins délicatement, ce que vous me disiez un jour, et dont je me moquois; c'est qu'effectivement vous êtes d'une telle sorte dans mon cœur et dans mon imagination, que je vous vois toujours; mais j'honore infiniment davantage un peu de réalité.

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Ma chère enfant, je veux vous dire ceci. Vous croyez mon fils habile, vous croyez qu'il se connoît en sauces, et qu'il sait se faire servir: il n'y entend rien du tout, Larmechin (1) encore moins, le cuisinier encore moins: il ne faut pas s'étonner si un cuisinier qui étoit assez bon, s'est entièrement gâté; et moi, que vous méprisez tant, je suis l'aigle; on ne juge de rien sans avoir regardé la mine que je fais. L'ambition de vous conter que je règne sur des ignorans, m'a obligée de vous faire ce sot petit discours.

(1) Valet de chambre de M. de Sévigne.

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LETTRE 723.

A la même.

Aux Rochers, mercredi 28 Février 1685.

Vous revoilà donc à Versailles, votre mascarade sur pied: la mort du Roi d'Angleterre n'a pu tenir contre la jeunesse avide des plaisirs du Carnaval. On ne parle que de votre beauté comme vous n'êtes pas encore à l'entre-deux âges, jouissez de ce joli visage, qui vous faisoit tant d'honneur, même quand vous étiez malade; il ira bien loin, dans votre santé; c'est une agréable chose que la régularité des traits, des proportions, en un mot, la beauté. J'espère que vous me direz bien des nouvelles de mon enfant j'ai été toute dérangée; j'avois été deux jours à Versailles, attentive à le voir danser, me tenant droite; il faut recommencer. Je crus être dimanche au souper de l'hôtel de Chaulnes ; et ce fut un dîner lundi': enfin, vous abusez de ma crédulité. Bon Dieu! la plaisante histoire, et plaisamment contée que celle de Bouquet! quelle confusion à l'ancienne maison des Bouquets! la

bouquetière Glycera n'en est-elle point offensée? je vous avoue que je n'eusse jamais imaginé une telle aventure. Cette personne si fière, ce pauvre innocent qui ne savoit pas l'eau troubler; ce qui me ravit, c'est la récidive: mais ces grands frères sont bien importuns avec leurs grandes épées; dites-moi comment ils ont pu surprendre une promesse. Soyez sûre, ma fille, que je n'ouvrirai pas la bouche de tout cela: outre que vous m'en priez, et que c'est assez, c'est que j'en ferois scrupule.

L'histoire de cet Abbé roué est affreuse; il étoit de fort bonne maison, demandez à Corbinelli: c'eût été une belle lumière de l'Eglise. Il est vrai que quand on a lu la destinée de ce pauvre misérable, il faut prendre du sel de soufre, dont je me trouve fort bien: huit jours sous terre, la tête en bas, ah! j'étouffe; mais peut-on être huit jours sans manger? Il y a d'étranges étoiles: voyez que cet Abbé a bien profité du vol de cette lettre de change: voilà de quoi nous sommes capables, quand Dieu nous abandonne..

Le bien bon est tout-à-fait revenu de ses éblouissemens: il ne voyoit goutte, il ne pouvoit se soutenir, j'étois toute effrayée. Je

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