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être dans un autre climat, un pays bas et couvert comme la Bretagne, enfin une sombre forêt où le soleil ne luit que rarement. Nous y fûmes reçues par cette Madame Ferret de Bretagne : nous sommes logées où étoient Madame de Montespan, Madame d'Usez, Madame de Louvois. Nous avons bien dormi, nous avons vu les petits brouillards, nous avons été à la messe aux Capucins, nous avons reçu les complimens de Madame de Fourci, de Madame de Nangis, de Mademoiselle d'Armentières : nous avons un médecin qui me plaît; c'est Amiot, qui connoît et estime Alliot, et qui est adorateur de notre bon homme Jacob; il a été six mois avec lui à l'hôtel de Sully, pendant que M. de Sully se mouroit. Madame de Verneuil m'avoit fort priée de le prendre, je l'avois oublié; parlez-en, si vous voulez, à Madame de Sully et à M. de Coulanges; c'est son intime, il traitoit Madame de Louvois : c'est un homme raisonnablement ennemi de la saignée, et qui approuve nos Capucins; il m'assure que tous mes petits maux viennent de la rate, et que les eaux de Bourbon y sont spécifiques: il aime fort Vichi; mais il est persuadé que celles-ci me feront pour le moins autant de

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bien quant à la douche, il me la fera donner si délicatement, qu'il ne veut point du tout me la donner. Il pense, comme Alliot, que ce remède est trop violent, et plutôt capable d'alarmer les nerfs que de les guérir; il dit qu'en purgeant les humeurs, c'est de quoi suffire à tout, avec les sueurs que les eaux et les bains chauds me donneront. Cet homme parle de bon sens, il me conduira avec une attention extrême, et vous rendra compte de tout. Comme il va s'établir à Paris, vous jugez bien qu'il n'a pas envie d'y porter des reproches de ce pays-ci. Le mal de Madame de Chaulnes n'est pas à négliger; ces eaux y sont bonnes; nous sommes logées commodément, et l'une près de l'autre: mais on peut dire en gros de ce lieu, qu'il n'eut jamais du Ciel un regard amoureux. La Providence m'y a conduite par la main, en tournant les volontés, et faisant des liaisons comme elle a fait. Je vous consulte toujours intérieurement, et il me semble que vous me dites: Oui, c'est ainsi qu'il faut faire, vous ne sauriez vous conduire autrement.

Ah, mon Dieu, que je suis lasse de parder de moi! mais vous le voulez; Dieu merci, je m'en vais parler de vous; je reçois votre

lettre da jeudi 18. Je vois, ma très-aimable, que vous allez à Versailles : je vois le sujet qui arrête M. de Grignan, et dans quelle conjoncture. Vous croyez bien que je ne suis pas assez ridiculement occupée de moi, pour négliger un instant de songer à vous et à tout ce qui a rapport à vous: c'est une pensée habituelle; en sorte que vous auriez peine à me trouver sans ce fond, qui est dans mon cœur; mais comme il y a beaucoup à penser, je pense beaucoup aussi, et par malheur bien inutilement. Je voudrois bien savoir comme se porte M. de Grignan, et comme vous êtes vous-même : je suis effrayée de ces fièvres que je crains que vous ne preniez à Versailles; on mande ici que tout en est plein. Dieu vous conserve, mon enfant; j'embrasse le Marquis; un souvenir à M. et à Madame de Coulanges: s'ils ont envie de savoir de mes nouvelles, ils n'ignorent pas où il faut en demander. Je sais que Madame de Coulanges va s'établir à Brevanes : quel plaisir d'être à la campagne! j'en aurai grand besoin au sortir d'ici.

Madame de Chaulnes a des soins de moi dont vous seriez surprise: elle vous fait mille amitiés, et vous nomme à tout moment; la

belle Comtesse se trouve naturellement dans ce qu'elle me dit; enfin, ce nom est toujours avec nous. Je vous remercie, ma très-chère, de votre sel végétal, je m'en servirai; vous êtes trop bonne et trop appliquée à votre pauvre maman; elles ne sont point accoutumées, les mamans, à ces aimables douceurs : je doute que jamais on ait aimé sa fille de la manière dont je vous aime : quoi qu'il en soit, vous me rendez trop heureuse, et je dois bien souffrir tous les malheurs qui sont attachés à ces sortes de tendresses si sensibles.

LETTRE 772.

A la même.

A Bourbon, jeudi 25 Septembre 1687. J'ai reçu votre lettre du lundi 22; elle m'a donné un grand soulagement, ma très-chère, en m'apprenant les bonnes et sages résolutions que vous avez prises pour cet hiver. Je comprends aisément que vous n'y manquerez pas d'affaires, vous y aurez un bon solliciteur, et un autre bien agréable; je crains bien qu'il ne m'efface: c'est justement le con

traire de ce que vous aviez l'hiver passé; il seroit difficile d'en soutenir souvent le poids; si vous pouviez le faire, ce seroit un grand plaisir. Mais je ne sais comme on peut inhumainement peser sur les gens qu'on doit aimer; je voudrois bien qu'il dépendît de moi de donner un meilleur exemple; si jamais je le puis, je vous assure que je n'y manquerai pas. Je vois bien les honnêtetés de Sa Majesté, mais je voudrois avoir appris autre chose: Dieu est le maître : vous m'avez fermé la bouche sur la plainte, en me faisant souvenir de qui on se plaint. Le quinquina a fait, à l'égard du Roi, ses miracles ordinaires. Madame la Maréchale de Rochefort mande à Madame de Nangis la maladie de M. le Duc de Bourgogne, dont elle paroît extrêmement inquiète.

Vous voulez savoir de mes nouvelles elles sont tout-à-fait bonnes. Il y a deux jours que je prends des eaux, elles sont douces, et gracieuses, et fondantes; elles ne pèsent point: j'en fus étonnée et gonflée le premier jour; mais aujourd'hui, je suis gaillarde; on les rend de tous les côtés, point d'assoupissement, point de vapeurs : si je continue à m'en trouver si bien, je ne me servirai point

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