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le croyoient inutile (1). Pierre de Sicile, et après lui Cédrénus nous apprennent la même chose des Pauliciens (2): tous ensemble nous font voir que les Manichéens avoient une autre Eucharistie que la nôtre. Ce que disoient les hérétiques d'Orléans, qu'il ne falloit pas implorer le secours des saints, étoit encore de même caractère, et venoit, comme on a vu, de l'ancienne source de cette secte.

:

Ils ne dirent rien ouvertement des deux principes mais ils parlèrent avec mépris de la création, et des livres où elle étoit écrite. Cela regardoit l'ancien Testament; et ils confessèrent dans le supplice, qu'ils avoient eu de mauvais sentimens sur le Seigneur de l'univers (3). Le lecteur se souvient bien que c'est celui que les Manichéens croyoient mauvais. Ils allèrent au feu avec joie, dans l'espérance d'en être miraculeusement délivrés; tant l'esprit de séduction agissoit en eux. Au reste, c'est ici le premier exemple d'une semblable condamnation. On sait que les lois romaines condamnoient à mort les Manichéens (4): le saint roi Robert les jugea dignes du feu.

XX.

Suite.

XXI. La même hérésie en

Gascogne et

En même temps la même hérésie se trouve en Aquitaine et à Toulouse, comme il paroît par T'histoire d'Adémare de Chabanes, moine de l'abbaye de saint Cibard d'Angoulême, contempo- à Toulouse. rain de ces hérétiques (5). Un ancien auteur de T'histoire d'Aquitaine, que le célèbre Pierre Pithou

(1) De Hæres. in hæres. Manich. tom. vIII, col. 17. — (2) Petr. Sic. ibid. Cedr. tom. 1, p. 434. (3) Ibid. (4) Cod. de hær.

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(5 Bib. nov. Labb. t. 11. p. 176, 180.

BOSSUET. xx.

7

XXII.

chéens d'Ita

a donné au public, nous apprend qu'on découvrit en cette province, dont le Périgord faisoit partie, des Manichéens qui rejetoient le Baptéme, le signe de la sainte croix, l'Eglise, et le Rédempteur lui-même, dont ils nioient l'incarnation et la passion, l'honneur dú aux saints, le mariage légitime, et l'usage de la viande (1). Et le même auteur nous fait voir qu'ils étoient de la même secte que les hérétiques d'Orléans, dont l'erreur étoit venue d'Italie.

En effet, nous voyons que les Manichéens s'éLes Mani- toient établis en ce pays - là. On les appeloit lie appelés Cathares, c'est-à-dire, purs. D'autres héréCathares, et tiques avoient autrefois pris ce nom; et c'étoit pourquoi.

les Novatiens, dans la pensée qu'ils avoient que leur vie étoit plus pure que celle des autres, à cause de la sévérité de leur discipline. Mais les Manichéens enorgueillis de leur continence et de l'abstinence de la viande qu'ils croyoient immonde, se regardoient non- seulement comme Cathares ou purs, mais encore, au rapport de saint Augustin (2), comme Catharistes, c'est-àdire, purificateurs, à cause de la partie de la substance divine mêlée dans les herbes et dans les légumes, avec la substance contraire, dont ils séparoient et purifioient cette substance divine en la mangeant. Ce sont là des prodiges, je l'avoue; et on n'auroit jamais cru que les hommes. en pussent être si étrangement entêtés, si on ne l'avoit connu par expérience, Dieu voulant don

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(3) Fragm. hist. Aquit. edita à Petro Pith. Bar. t. x1, an. 1017. (2) De Hær. in hær. Manich. tom. viii, col. 15.

>>

par

XXIII.

Origine des

ner à l'esprit humain des exemples de l'aveuglement où il peut tomber, quand il est laissé à lui-même. Voilà donc la véritable origine des hérétiques de France venus des Cathares d'Italie. Vignier, que nos Réformés ont regardé comme le restaurateur de l'histoire dans le dernier siècle, Manichéens parle de cette hérésie et de la découverte qui s'en de Toulouse fit au concile d'Orléans, dont il met la date et d'Italie. Preuve qu'ils erreur en 1022 (1); et il remarque qu'en cette venoient de année «< furent pris et brûlés publiquement plu- Bulgarie. >>sieurs personnages en présence du roi Robert » pour crime d'hérésie; car on écrit, poursuit-il, » qu'ils parloient mal de Dieu et des sacremens, » à savoir du Baptême, et du corps et du sang » de Jésus-Christ, ensemble aussi du mariage.; » et ne vouloient user des viandes ayant sang et » graisse, les réputant immondes ». Il raconte aussi que le principal de ces hérétiques s'appeloit Etienne, dont il donne Glaber pour témoin avec la chronique de saint Cibard: « Selon les» quels, continue - t - il, plusieurs autres sec» taires de la même hérésie, qu'on appeloit des » Manichéens, furent exécutés ailleurs, comme » à Toulouse et en Italie ». N'importe que cet auteur se soit trompé dans la date et dans quelques autres circonstances de l'histoire: il n'avoit pas vu les actes qu'on a recouvrés depuis. Il suffit que cette hérésie d'Orléans dont Etienne fut l'un des auteurs, dont le roi Robert vengea les excès, et dont Glaber nous a raconté l'histoire, soit reconnue pour manichéenne par Vignier; qu'il BIB hist. II. part. à l'an 1032. p. 672. Phist.

>>

DE LA

VILLE DE

LYON

XXIV.

l'ait regardée comme la source de l'hérésie qu'on punit depuis à Toulouse, et que toute cette impiété fût dérivée de la Bulgarie, comme on va

voir.

Un ancien auteur, rapporté dans les additions La même du même Vignier, ne permet pas d'en douter. origine prou. vée par un Le passage de cet auteur, que Vignier transcrit ancien au- tout entier en latin (1), veut dire en français : << Que dès que l'hérésie des Bulgares commença

teur, chez Vi

gnier.

XXV.

même

sage.

pas

» à se multiplier dans la Lombardie, ils avoient » pour évêque un certain Marc qui avoit reçu » son ordre de la Bulgarie, et sous lequel étoient » les Lombards, les Toscans, et ceux de la » Marche : mais qu'il vint de Constantinople » dans la Lombardie un autre Pape nommé Ni» cétas, qui accusa l'ordre de la Bulgarie »; et que Marc reçut l'ordre de la Drungarie.

Quel pays c'est que la Drungarie, je n'ai pas Suite du besoin de l'examiner. Renier, très-instruit comme nous verrons de toutes ces hérésies, nous parle des Eglises manichéennes de Dugranicie et de Bulgarie (2), d'où viennent toutes les autres de la secte en Italie et en France; ce qui, comme l'on voit, s'accorde très-bien avec l'auteur de Vignier. On voit, dans ce même ancien auteur de Vignier (3), que cette hérésie «< apportée d'outre» mer, à savoir de Bulgarie, de là s'étoit épan>> chée par les autres provinces, où elle fut après >> en grande vogue au pays de Languedoc, de » Toulouse et de Gascogne signamment, qui la

(1) Addit. à la II. part. p. 133. (2) Ren. cont. Vald. c. 6. t. iv. Bibl. PP. part. II. p. 759. — (3) Vignier. ibid.

» fit dire aussi des Albigeois, qu'on appela sem>> blablement Bulgares », à cause de leur origine. Je ne veux pas répéter ce que Vignier remarque de la manière dont on tournoit ce nom de Bulgares dans notre langue. Le mot en est trop infâme; mais l'origine en est certaine, et il n'est pas moins assuré qu'on appeloit de ce nom les Albigeois pour marque du lieu d'où ils venoient, c'est-à-dire, de Bulgarie.

XXVI.
Conciles de

Tours et de
Toulouse

contre les Manichéens

Il n'en faudroit pas davantage pour convaincre ces hérétiques de manichéisme. Mais le mal se déclara davantage dans la suite, principalement dans le Languedoc et à Toulouse ; car cette ville étoit comme le chef de la secte, d'où l'hérésie de cette ders'étendant, comme porte le canon d'Alexandre III nière ville. dans le concile de Tours, « à la manière d'un >> cancer, dans les pays voisins, a infecté la Gas>> cogne et les autres provinces (1) ». Comme c'étoit là, pour ainsi dire, la source du mal, c'étoit là aussi que l'on commença d'y appliquer le remède. Le Pape Calixte II tint un concile à Toulouse (2), où l'on condamne les hérétiques qui << rejettent le sacrement du corps et du sang de » notre Seigneur, le baptême des petits enfans, >> le sacerdoce et tous les ordres ecclésiastiques, » et le mariage légitime ». Le même canon fut répété dans le concile général de Latran sous Innocent II (5). On voit ici le caractère du manichéisme dans la condamnation du mariage. C'en

(3) Conc.

(1) Conc. Tur. III. c. 4. Conc. Labb. t. x. col. 1419. — (2) Conc. Tol. an. 1119. Conc. Labb. t. x. col. 857. Can. 3. Lat. 11. an. 1139. Can. 23.

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