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VIII.

Illusion de

M. Burnet,

qu'on n'a

Edouard.

Malgré tous ces changemens dans des choses si essentielles, M. Burnet veut que nous croyions qui ose dire qu'il n'y eut point de variations dans la doctrine de la Réforme en Angleterre. On y détruisoit, point changé la doctrine dit-il (1), alors, tout de même qu'aujourd'hui, le établie sous dogme de la présence corporelle; et seulement on estima qu'il n'étoit ni nécessaire ni avantageux de s'expliquer trop nettement là-dessus ; comme si on pouvoit s'expliquer trop nettement sur la foi. Mais il faut encore aller plus avant. C'est varier manifestement dans la doctrine, non-seulement d'en embrasser une contraire, mais encore de laisser indécis ce qui auparavant étoit décidé. Si les anciens Catholiques, après avoir décidé en termes précis l'égalité du Fils de Dieu avec son Père, avoient supprimé ce qu'ils en avoient prononcé à Nicée, pour se contenter simplement de l'appeler Dieu en termes vagues, et au sens que les Ariens n'avoient pu nier, en sorte que ce qu'on avoit si expressément décidé devînt indécis et indifférent, n'auroient-ils pas manifestement changé la foi de l'Eglise, et fait un pas en arrière ? Or c'est ce qu'a fait l'Eglise anglicane sous Elisabeth; et on ne peut pas en convenir plus clairement que M. Burnet en est convenu dans les paroles que nous avons rapportées, où il paroît en termes formels que ce ne fut ni par hasard ni par oubli qu'on omit les expressions du temps d'Edouard; mais par un dessein bien médité de ne rien dire qui censurât la présence corporelle, et au contraire de laisser ce dogme indécis, en (1) Burn. liv. 111. p. 602.

et

sorte que chacun eút la liberté de l'embrasser ou
de le rejeter: ainsi, ou sincèrement ou par poli-
tique, on revint de la foi des Réformateurs,
on laissa pour indifférent le dogme de la présence
corporelle, contre lequel ils avoient combattu
jusqu'au sang.

IX. L'Angleterre est in

réelle.

C'est là encore l'état présent de l'Eglise d'Angleterre, si nous en croyons M. Burnet. Ça été sur ce fondement que l'évêque Guillaume Bedel différente sur dont il a écrit la vie, crut qu'un grand nombre la présence de Luthériens qui s'étoient réfugiés à Dublin, pouvoient communier sans crainte avec l'Eglise anglicane (1), « qui en effet, dit M. Burnet, a eu » une telle modération sur ce point, (de la pré-. sence réelle) que n'y ayant aucune définition » positive de la manière dont le corps de Jésus» Christ est présent dans le sacrement, les per» sonnes de différent sentiment peuvent pratiquer » le même culte sans être obligées de se déclarer, » et sans qu'on puisse présumer qu'elles contre» disent leur foi ». C'est ainsi que l'Eglise d'Angleterre a réformé ses Réformateurs et corrigé ses maîtres.

Au reste, ni sous Edouard, ni sous Elisabeth, la Réformation anglicane n'employa jamais dans l'explication de l'Eucharistie ni la substance du corps, ni ces opérations incompréhensibles tant exaltées par Calvin. Ces expressions favorisoient trop une présence réelle, et c'est pourquoi on ne s'en servit ni sous Edouard où on la vouloit exclure, ni sous Elisabeth où on vouloit laisser la

(1) Vie de Guill. Bedel, p. 132, 133.

X.

On ne se

sert point du

mot de substance, ni des Calvin admet

miracles que

dans l'Eu charistie,

XI.

matie de la

malgré ses scrupules.

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chose indécise; et l'Angleterre sentit bien que ces mots de Calvin, peu convenables à la doctrine du sens figuré, n'y pouvoient être introduits qu'en forçant trop visiblement leur sens naturel.

Il reste que nous expliquions l'article de la suLa supré- prématie. Il est vrai qu'Elisabeth y répugnoit ; et Reine dans ce titre de chef de l'Eglise trop grand à son avis, les matières même dans les rois, lui parut encore plus insupspirituelles est rétablie portable, pour ne pas dire plus ridicule, dans une reine (1). Un célèbre prédicateur protestant lui avoit, dit M. Burnet, suggéré cette délicatesse; c'est-à-dire, qu'il y avoit encore quelque reste de pudeur dans l'Eglise anglicane, et que ce n'étoit pas sans quelques remords qu'elle abandonnoit son autorité à la puissance séculière : mais la politique l'emporta encore en ce point. Avec toute la secrète honte que la Reine avoit pour sa qualité de chef de l'Eglise, elle l'accepta, et l'exerça sous un autre nom. Par une loi publiée en 1559, «< on attacha de nouveau la primauté ec» clésiastique à la couronne. On déclara que le droit » de faire les visites ecclésiastiques, et de corriger >> ou de réformer les abus de l'Eglise, étoit annexé » pour toujours à la royauté; et qu'on ne pourroit >> exercer aucune charge publique, soit civile, » ou militaire, ou ecclésiastique, sans jurer de >> reconnoître la Reine pour souveraine gouver>> nante dans tout son royaume, en toutes sortes » de causes séculières et ecclésiastiques (2) ». Voilà donc à quoi aboutit le scrupule de la Reine; et tout ce qu'elle adoucit dans les lois

1559.

(1) Burn. liv. 111, p. 558, 571.- (2) Liv. m. p. 570 et seq.

de Henri VIII sur la primauté des rois, fut qu'au lieu que sous ce roi on perdoit la vie en la niant, sous Elisabeth on ne perdoit que ses biens (1).

XII.

Fermeté des

Les évêques catholiques se souvinrent à cette fois de ce qu'ils étoient; et attachés invincible- évêques cament à l'Eglise catholique et au saint Siége, ils fu- tholiques. rent déposés pour avoir constamment refusé de souscrire à la primauté de la Reine (2), aussi bien qu'aux autres articles de la Réforme. Mais Parker, archevêque protestant de Cantorbéri fut le plus zélé à subir le joug (3). C'étoit à lui qu'on adressoit les plaintes contre le scrupule qu'avoit la Reine sur sa qualité de chef; on lui rendoit compte de ce qu'on faisoit pour engager les Catholiques à la reconnoître; et enfin la Réformation anglicane ne pouvoit plus compatir avec la liberté et l'autorité que Jésus-Christ avoit donnée à son Eglise. Ce qui avoit été résolu dans le Parlement en 1559 en faveur de la primauté de la Reine, fut reçu dans le synode de Londres en 1562, du commun consentement de tout le clergé, tant du premier que du second ordre.

1562.

XIII. Déclaration

du clergé sur

Là on inséra en ces termes la suprématie parmi les articles de foi : « La majesté royale a la sou» veraine puissance dans ce royaume d'Angleterre la supréma>> et dans ses autres domaines; et le souverain tie d'Elisa>> gouvernement de tous les sujets, soit ecclésias>>tiques ou laïques, lui appartient en toutes sortes » de causes, sans qu'ils puissent être assujettis à

(1) Burn. liv. 111. p. 571. — (2) Ibid. 572, 586, etc. — p. 571 et seq.

(3) Ibid.

beth.

XIV.

que pallier

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>> aucune puissance étrangère (1) ». On voulut. exclure le Pape par ces derniers mots; mais comme ces autres mots en toutes sortes de causes, mis ici sans restriction, comme on avoit fait dans l'acte du Parlement, emportoient une pleine souveraineté, même dans les causes ecclésiastiques, sans en excepter celles de la foi; ils eurent honte d'un si grand excès, et y apportèrent ce tempérament : Quand nous attribuons à la majesté royale ce » souverain gouvernement dont nous apprenons >> que plusieurs calomniateurs sont offensés, nous >> ne donnons pas à nos rois l'administration de » la parole et des sacremens; ce que les ordon>>nances de notre reine Elisabeth montrent clai>>rement: mais nous lui donnons seulement la prérogative que l'Ecriture attribue aux princes pieux, de pouvoir contenir dans leur devoir » tous les ordres, soit ecclésiastiques, soit laï»ques, et réprimer les contumaces par le glaive » de la puissance civile ».

>>

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Cette explication est conforme à une déclaraOn ne fait tion que la Reine avoit publiée, où elle disoit d'abord, qu'elle étoit fort éloignée de vouloir grossièrement un si administrer les choses saintes (2). Les Protestans, grand mal. aisés à contenter sur le sujet de l'autorité ecclésiastique, crurent par-là être à couvert de tout ce que la suprématie avoit de mauvais; mais en vain: car il ne s'agissoit pas de savoir si les Anglais attribuoient à la royauté l'administration de la parole et des sacremens. Qui les a jamais

(1) Syn. Lond. art. xxxvII. Synt. Gen. I. part. p. 107. (2) Burn. liv. ш, p. 591.

accusés

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