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» quelle est cette femme? Est-ce votre épouse? » Non, répondent-ils, cela ne convient pas à ma >> profession. Est-ce votre fille, vatre sœur, votre » nièce? Non, elle ne m'appartient par aucun » degré de parenté. Mais savez-vous qu'il n'est » pas permis selon les lois de l'Eglise à ceux qui » ont professé la continence, de demeurer avec » des femmes? Chassez donc celle-ci, si vous ne >> voulez pas scandaliser l'Eglise autrement ce >> fait, qui est manifeste, nous fera soupçonner » le reste qui ne l'est pas tant ». Il n'étoit pas trop crédule dans ce soupçon; et la turpitude de ces faux continens a depuis été révélée à toute la

terre.

LXX. Conclusion.

Qu'il n'y a

honte d'a

vouer les Al

D'où vient donc que les Protestans entreprennent la défense de ces scélérats? La cause en est trop claire. C'est l'envie de se donner des prédé-que de la cesseurs. Ils ne trouvent que de telles gens qui rejettent et le culte de la croix, et la prière des bigeois pour saints, et l'oblation pour les morts. Ils sont fâchés auteurs. de ne remarquer les commencemens de leur Réforme que dans des Manichéens. Parce qu'ils grondent contre le Pape et contre l'Eglise romaine, la Réforme est bien disposée en leur faveur. Les Catholiques de ce temps - là leur reprochent de penser mal de l'Eucharistie. Nos Protestans voudroient bien que ce fussent de simples Bérengariens, et non pas des Manichéens à qui l'Eucharistie déplaît dans son fond. Mais enfin quand cela seroit, ces Réformés, que vous voulez être de vos gens, cachoient leur doctrine, fréquentoient les Eglises, honoroient les prê

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» tres, alloient à l'offrandre; ils se confessoient, >> ils communioient, ils prenoient avec nous, poursuit saint Bernard, le corps et le sang de >> Jésus-Christ (1) ». Les voilà donc dans nos assemblées, qu'ils détestoient dans leur cœur comme des conventicules de Satan ; à la messe, qu'ils regardoient dans leur erreur comme une idolâtrie et un sacrilége; et enfin dans les exercices de l'Eglise romaine, qu'ils croyoient le royaume de l'Antechrist. Est-ce là les disciples de celui qui a ordonné de prêcher son Evangile sur les toits? Sont-ce là les enfans de lumière? Ces œuvres sont-elles de celles qui paroissent dans le jour, ou de celles que la nuit doit cacher? En un mot, est-ce là les prédécesseurs que se donne la Réforme?

LXXI.

Commen

cement des

Lyon.

HISTOIRE DES VAUDOIS.

LES Vaudois ne valent pas mieux pour établir une succession légitime. Leur nom est tiré de Vaudois, ou Valdo, auteur de la secte. C'est dans Lyon qu'ils pauvres de prirent naissance. On les nomma les pauvres de Lyon, à cause de la pauvreté qu'ils affectoient; et comme la ville de Lyon se nommoit alors Leona en latin, on les appela aussi tout court Léonistes, ou Lionistes, comme qui eût dit les Lionnais. On les appela encore les Insabbatés, d'un anLes noms cien mot qui signifioit des souliers, d'où sont ve

LXXII.

de la secte.

(1) Serm. LXV. in Cant. n. 8. Ecbert. Ren.

nus d'autres mots d'une semblable signification, qui sont encore en usage en beaucoup de langues aussi bien que dans la nôtre. C'est de là donc qu'on les appela les Insabbatés (1), à cause de certains souliers d'une forme particulière qu'ils coupoient par-dessus pour faire paroître les pieds nus, à l'exemple des apôtres, à ce qu'ils disoient; et ils affectoient cette chaussure, pour marque de leur pauvreté apostolique.

Leur histoire divisée en

deux. Leurs commencemens spécieux.

Voici maintenant leur histoire en abrégé. LXXIII. Lorsqu'ils se sont séparés, ils n'avoient encore que très-peu de dogmes contraires aux nôtres, et peut-être point du tout. En l'an 1160, Pierre Valdo, marchand de Lyon, dans une assemblée où il étoit selon la coutume avec les autres riches trafiquans, fut si vivement frappé de la mort subite d'un des plus apparens de la troupe, qu'il distribua aussitôt tout son bien, qui étoit grand, aux pauvres de cette ville (2), et en ayant par ce moyen ramassé un grand nombre, il leur apprit la pauvreté volontaire, et à imiter la vie de Jésus-Christ et des apôtres. Voilà ce que dit Renier, que les Protestans, flattés des éloges que nous verrons qu'il donne aux Vaudois, veulent qu'on croie sur ce sujet plus que tous les autres ́auteurs. Mais on va voir ce que peut la piété mal conduite. Pierre Pylicdorf, qui a vu les Vaudois dans leur force, et en a représenté non-seulement les dogmes, mais encore la conduite avec beaucoup de simplicité et de doctrine, dit que

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(1) Ebrard. ibid. c. 25. Conrad. Ursper, Chron. ad an. 1212. (2) Ren. cap. V, p. 749.

ce Valdo, touché des paroles de l'Evangile où la pauvreté est si hautement recommandée, crut que la vie apostolique ne se trouvoit plus sur la terre (1). Résolu de la renouveler, il vendit tout ce qu'il avoit. D'autres en firent autant touchés de componction, et ils s'unirent ensemble dans ce dessein. Au commencement cette secte, obscure et timide, ou n'avoit encore aucun dogme particulier, ou ne se déclaroit pas ; ce qui a fait qu'Ebrard de Béthune n'y remarque que l'affectation d'une superbe et oisive pauvreté. On voyoit ces Insabbatés ou ces Sabbatés, comme il les nomme (2), avec leurs pieds nus, ou plutôt avec leurs souliers coupés par-dessus, attendre l'aumône, et ne vivre que de ce qu'on leur donnoit. On n'y blâmoit d'abord que l'ostentation; et sans encore les ranger avec les hérétiques, on leur reprochoit seulement qu'ils en imitoient l'orgueil (3). Mais écoutons la suite de leur histoire (4). « Après avoir vécu quelque temps dans » leur pauvreté prétendue apostolique, ils s'a» visèrent que les apôtres n'étoient pas seulement » pauvres, mais encore prédicateurs » de l'Evangile. Ils se mirent donc à prêcher à leur exemple, afin d'imiter en tout la vie apostolique. Mais les apôtres étoient envoyés; et ceux-ci, que leur ignorance rendoit incapables de cette mission, furent exclus par les prélats, et enfin par le saint Siége, d'un ministère qu'ils avoient usurpé sans leur permission. Ils ne laissèrent pas de con

(1) Lib. cont. Vald. c. 1; tom. 1v. Bibl. PP. II. part. p. 779.(2) Antih. c. 25. Ibid. 1168. (3) Ibid. 1170. (4) Pylicd. ibid.

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tinuer secrètement, et murmuroient contre le clergé qui les empêchoit de prêcher, à ce qu'ils disoient, par jalousie, et à cause que leur doctrine et leur sainte vie confondoient ses mœurs corrompues (1).

Quelques Protestans ont voulu dire que Valdo LXXIV.

Si Valdo étoit un homme de savoir: mais Renier dit seuétait un homlement qu'il avoit quelque peu de littérature; me de savoir. aliquantulum litteratus (2). D'autres Protestans, au contraire, tirent avantage du grand succès qu'il a eu dans son ignorance. Mais on ne sait que trop les adresses qui se peuvent souvent trouver dans les esprits les plus ignorans pour attirer leurs semblables et Valdo n'a séduit que de telles gens.

Cette secte en peu de temps fit des progrès.

LXXV.

Les Vau

Bernard, abbé de Fontcald, qui en a vu les com- dois conmencemens, en marque l'élévation sous le pape damnés par Lucius III (3). Le pontificat de ce Pape commence Lucius III. en 1181, c'est-à-dire vingt ans après que Valdo eut paru dans Lyon. Il lui fallut bien vingt ans à s'étendre, et à faire un corps de secte qui méritât d'être regardé. Alors donc Lucius III les condamna: et comme son pontificat n'a duré que quatre ans, il faut que cette première condamnation des Vaudois soit arrivée entre l'année 1 181, où ce Pape fut élevé à la chaire de saint Pierre, et l'année 1185, où il mourut.

Conrad, abbé d'Ursperg, qui a vu de près les Vaudois, comme nous dirons, a écrit que le pape

(3) Bern. Abb.

(1) Pylicd. ibid. Ren. ibid. (2) Ren. c. 6. Fontisc. adv. Vald. sect. t. 1v. Bibl. PP. præf. p. 1195.

LXXVI. nent à Ronie.

Ils vien

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