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la présence réelle en l'an 1160 (1). Mais produitil quelque auteur qui confirme ce qu'il en a dit? Il n'en produit pas un seul : ni Aubertin, ni la Roque, ni Cappel, ni enfin aucun protestant ou d'Allemagne ou de France, n'ont produit ni ne produiront jamais aucun auteur, ni du temps, ni des siècles suivans, trois à quatre cents ans durant, qui ait donné aux Vaudois l'origine que cet historien pose pour fondement de son histoire. Les Catholiques, qui ont tant écrit ce que Bérenger et les autres ont dit contre la présence réelle, ont-ils du moins nommé Valdo parmi ceux qui s'y sont opposés. Pas un seul n'y a pensé. Nous avons vu qu'ils ont dit toute autre chose de Valdo. Mais pourquoi l'auroient-ils épargné seul? Quoi! cet homme, qu'on nous fait si courageux à s'opposer au torrent, cachoit-il tellement sa doctrine que personne ne se soit jamais aperçu qu'il ait combattu un article de cette importance? Ou Valdo étoit-il si redoutable, qu'aucun Catholique n'osât l'accuser de cette erreur en l'accusant de tant d'autres? Un historien qui commence par un fait de cette nature, et qui le pose pour fondement de son histoire, de quelle créance est-il digne? Cependant Paul Perrin est écouté comme un oracle dans le calvinisme, tant on y croit aisément ce qui favorise les préjugés de la secte.

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CXXVI. Mais au défaut des auteurs connus, Perrin Livres vau- produit pour toutes preuves quelques vieux lidois produits vres des Vaudois écrits à la main, qu'il prétend

par Perrin.

(1) Hist. des Vaudois, c. I.

avoir recouvrés; entre autres un volume où étoit «<< un livre de l'Antechrist en date d'onze cent » vingt, et en ce même volume plusieurs sermons » des Barbes vaudois (1) ». Mais il est déjà bien certain qu'il n'y avoit ni Vaudois ni Barbes en l'an 1120, puisque Valdo, selon Perrin même, n'est venu qu'en 1160. Ce mot de Barbes n'est connu parmi les Vaudois pour signifier leurs docteurs, que plusieurs siècles après, et tout-à-fait dans les derniers temps. Ainsi on ne peut faire passer tous ces discours pour être d'onze cent vingt. Perrin se réduit aussi à conserver cette date au seul discours sur l'Antechrist, qu'il espère par ce moyen pouvoir attribuer à Pierre de Bruis, qui vivoit environ en ce temps - là, ou à quelques-uns de ses disciples. Mais la date étant à la tête semble devoir être commune, et par conséquent très-fausse pour le premier, comme elle l'est visiblement pour les autres. Et d'ailleurs ce traité sur l'Antechrist, qu'on prétend être de 1160, n'est point d'un autre langage que les autres pièces des Barbes que Perrin a citées; et ce langage est très - moderne, fort peu différent du provençal que nous connoissons. Non- seulement le langage de Villehardouin, qui a écrit cent ans après Pierre de Bruis, mais encore celui des auteurs qui ont suivi Villehardouin, est plus ancien et plus obscur que celui que l'on veut dater de l'an 1120, si bien qu'on ne peut se moquer

(1) Hist. des Vaudois, l. 1, c. 7, p. 57. Hist. des Vaudois et Albigeois, III. part. 7.

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c. 1, p.

353.

CXXVII.

Suite.

du monde d'une façon plus grossière, qu'en nous donnant ces discours comme fort anciens.

Cependant sur cette seule date de 1120 mise, on ne sait par qui, ni en quel temps, dans ce volume vaudois que personne ne connoît, nos Calvinistes ont cité ce livre de l'Antechrist comme étant indubitablement de quelque disciple de Pierre de Bruis, ou de lui-même (1). Les mêmes auteurs citent hardiment quelques discours que Perrin a cousus à celui sur l'Antechrist, commie étant de la même date de 1120, quoique dans ⚫un de ces discours où il est traité du purgatoire on cite un livre que saint Augustin saint Augustin a intitulé : des Milparlemens (2), c'est-à-dire des mille paroles: comme si saint Augustin avoit fait un livre de ce titre; ce qui ne se peut rapporter qu'à une compilation composée au treizième siècle, qui a pour titre Milleloquium sancti Augustini, que l'ignorant auteur de ce traité du purgatoire a pris pour un ouvrage de ce Père. Au surplus, nous pourrions parler de l'âge de ces livres des Vaudois, et des altérations qu'on y pourroit avoir faites, si on nous avoit indiqué quelque bibliothèque connue où on les pût voir. Jusqu'à ce qu'on ait donné au public cette instruction nécessaire, nous ne pouvons que nous étonner de ce qu'on nous produit comme authentiques des livres qui n'ont été vus que de Perrin seul; puisque ni Aubertin, ni la Roque ne les citent que sur sa

(1) Aub. p. 962. La Roq. Hist. de l'Eucharist. p. 451, 459. (a) Perr. hist. des Vaud, III.part. l. 111, c. 2, p. 305.

foi, sans nous dire seulement qu'ils les aient jamais maniés. Ce Perrin, qui nous les vante seul, n'y observe aucune des marques par lesquelles on peut établir la date d'un volume, ou en prouver l'antiquité; et il nous dit seulement que ce sont de vieux livres des Vaudois (1); ce qui en gros peut convenir aux plus modernes gothiques, et à des volumes de cent à six vingts ans. Il y a donc tout sujet de croire que ces livres, dont on nous fait voir ce qu'on veut sans aucune preuve solide de leur date, ont été composés ou altérés par ces Vaudois réformés de la façon de Farel et de ses confrères.

CXXVIII.

Confession de foi pro

est postérieu

re au calvi

Quant à la Confession de foi que Perrin a publiée, et que tous nos Protestans nous allèguent comme une pièce authentique des anciens Vau- duite par Perdois, « elle est extraite, dit-il (2), du livre inti- rin. Qu'elle » tulé: Almanach spirituel, et des Mémoires de » George Morel ». Pour l'Almanach spirituel, je nisme. ne sais qu'en dire, si ce n'est que ni Perrin, ni Léger même, qui parle avec tant de soin des livres des Vaudois, n'ont rien marqué de la date de celui-ci. Ils n'ont pas même pris la peine de nous dire s'il est manuscrit ou imprimé; et nous pouvons tenir pour certain qu'il est fort moderne, puisque ceux qui en veulent tirer avantage ne nous en ont pas marqué l'antiquité. Mais ce qui décide, c'est ce que rapporte Perrin, que cette Confession de foi est extraite des Mémoires de George Morel. Or il paroît par Perrin même (1) Hist. des Vaud. l. 1, c. 7, p. 56. (2) Ibid. l. 1, c. 12,

CXXIX.

stration que

que George Morel fut celui qui environ l'an 1530, tant d'années après la Réforme, alla conférer avec OEcolampade et Bucer, des moyens de s'y unir (1): ce qui nous fait assez voir que cette Confession de foi, non plus que les autres que Perrin produit, n'est pas des anciens Vaudois; mais des Vaudois réformés à la mode des Protestans.

Aussi avons-nous déjà remarqué qu'il ne fut Démon- fait nulle mention de Confession de foi des Vaules Vaudois dois dans la conférence de 1530 des mêmes n'avoient Vaudois avec OEcolampade (2). Nous pouvons fession de foi même assurer qu'ils ne firent de Confession de foi avant la Ré- que long-temps après; puisque Bèze, si soigneux forme pré- de rechercher et de faire valoir les actes de ces

point de Con

tendue.

hérétiques, ne parle, comme on a vu (3), d'aucune Confession de foi qu'il en eût connue qu'en 1541. Quoi qu'il en soit, avant la Réforme de Luther et de Calvin, on n'avoit jamais entendu parler de Confession de foi des Vaudois. Séyssel, que la vigilance pastorale et l'obligation de sa charge engageoit dans ces derniers temps, c'est-àdire en 1516 et en 1517, à une recherche si exacte de tout ce qui regardoit cette secte, ne nous dit pas un seul mot de Confession de foi (4), c'est-àdire qu'il n'en avoit rien appris, ni par un examen juridique, ni de ceux qui se convertissant entre ses mains avec tant de marques de sincérité, lui découvroient avec larmes et componction tout le secret de la secte. Ils n'avoient donc point en

(1) Lettre d'OEcolampade. Perr. ibid. c. 6, p. 46. c. 7, p. 59. (2) Ci-dessus, n. 119. — (3) Ci-dessus, n. 4. (4) Seyss. f. 3 et seq.

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