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reste de la secte, c'est-à-dire des simples croyans, étoit encore infinie.

CXLI.

Si le mot de

anciens au¬

sion d'Au

bertin.

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La Roque après Aubertin prétend que le mot de croyans signifioit les Vaudois (1), à cause que croyans sigPylicdorf, et Renier lui-même les appellent ainsi. nifie les VauMais c'est encore ici une illusion trop grossière. dois chez les Le mot de croyans étoit commun à toutes les teurs. Illusectes chaque secte avoit ses croyans ou ses sectateurs. Les Vaudois avoient leurs croyans, credentes ipsorum, dont Pylicdorf a parlé en divers endroits. Ce n'est pas que le mot de croyans fût affecté aux Vaudois: mais c'est que, comme les autres, ils avoient les leurs. L'endroit de Renier cité par les ministres dit que les hérétiques avoient leurs croyans, credentes suos, auxquels ils permettoient toute sorte de crimes (2). Ce n'est pas des Vaudois qu'il parle, puisqu'il en loue les bonnes mœurs. Le même Renier nous raconte les mystères des Cathares, ou la fraction de leur pain; et il dit qu'on recevoit à cette table non- seulement les Cathares, hommes et femmes, mais encore leurs croyans (3), c'est-à-dire ceux qui n'étoient pas encore arrivés à la perfection des Cathares : ce qui montre manifestement ces deux ordres si connus parmi les Manichéens; et ce qu'on marque, que les simples croyans sont reçus à cette espèce de mystère, fait voir qu'il y en avoit d'autres dont ils n'étoient pas jugés dignes. C'est donc de ces croyans des Cathares que le nombre étoit infini : et ceux-là conduits par les autres, dont le

(1) Aub. 968. La Roq. 460. c. 1, 14, 18, p. 780, etc. — (2) C. 1, p. 747. — (3) Ibid. e. 6, p. 756.

CXLII.

Conclusion.

des

timent Calvinistes.

nombre étoit plus petit, faisoit tout le mouvement dont l'univers étoit troublé.

Voilà donc les subtilités, pour ne pas dire les artifices, où sont réduits les ministres pour se Que les Vaudois ne sont donner des prédécesseurs. Ils n'en ont point dont point du sen- la suite soit manifeste: ils en vont chercher, comme ils peuvent, parmi des sectes obscures, qu'ils tâchent de réunir, et d'en faire de bons Calvinistes, quoiqu'il n'y ait rien de commun entre eux que la haine contre le Pape et contre l'Eglise.

CXLIII.

croire de la

dois.

On me demandera peut-être ce que je crois de Ce qu'il faut la vie des Vaudois que Renier a tant vantée. J'en vie des Vau- croirai tout ce qu'on youdra, et plus, si l'on veut, que n'en dit Renier; car le démon ne se soucie pas par où il tienne les hommes. Ces hérétiques toulousains, Manichéens constamment, n'avoient pas moins que les Vaudois cette piété apparente. C'est d'eux que saint Bernard a dit (1): << Leurs mœurs sont irréprochables; ils n'oppri>>ment personne ; ils ne font de tort à personne; » leurs visages sont mortifiés et abattus par le » jeûne; ils ne mangent point leur pain comme » des paresseux, et ils travaillent pour gagner » leur vie ». Qu'y a-t-il de plus spécieux que ces hérétiques de saint Bernard? Mais après tout, c'étoit des Manichéens, et leur piété n'étoit que feinte. Regardez le fond : c'est l'orgueil, c'est la haine contre le clergé, c'est l'aigreur contre l'Eglise; c'est par-là qu'ils ont avalé tout le venin d'une abominable hérésie. On mène où l'on veut (1) Serm. LXV. in Cant.

un peuple ignorant, lorsqu'après avoir allumé dans son cœur une passion violente, et surtout la haine contre ses conducteurs, on s'en sert comme d'un lien pour l'entraîner. Mais que dirons-nous des Vaudois qui se sont si bien exemptés des erreurs manichéennes ? Le démon a fait son œuvre en eux, quand il leur a inspiré le même orgueil; la même ostentation de leur pauvreté prétendue apostolique; la même présomption à nous vanter leurs vertus; la même haine contre le clergé, poussée jusqu'à mépriser les sacremens dans leurs mains; la même aigreur contre leurs frères portée jusqu'à la rupture et jusqu'au schisme. Avec cette aigreur dans le cœur, fussent-ils à l'extérieur encore plus justes. qu'on ne dit, saint Jean m'apprend qu'ils sont homicides (1). Fussent-ils aussi chastes que les anges, ils ne seront pas plus heureux que les vierges folles dont les lampes étoient sans huile (2), et les cœurs sans cette douceur qui seule peut nourrir la charité.

Renier a donc bien marqué le caractère de ces hérétiques, quand il attribue la cause de leur erreur à leur haine, à leur aigreur, à leur chagrin; Sic processit doctrina ipsorum et rancor (3). Ces hérétiques, dit-il, dont l'extérieur étoit si spécieux, lisoient beaucoup, et « prioient peu. » Ils alloient au sermon; mais pour tendre des » piéges aux prédicateurs, comme les Juifs en >> tendoient au Fils de Dieu »; c'est-à-dire qu'il y avoit parmi eux beaucoup d'esprit de dispute, (1) I. Joan. 111. 15. (2) Matt. xxv. 3. - (3) Ch. 5, p. 749.

CXLIV. L'aigreur est le carac

tère de cette secte. Abus

de l'Ecriture.

et

peu d'esprit de componĉtion. Tous ensemble, et Manichéens et Vaudois, ils ne cessoient de crier contre les inventions humaines, et de citer l'Ecriture sainte, dont ils avoient un passage toujours prêt, quoi qu'on leur pût dire. Lorsqu'interrogés sur la foi ils éludoient la demande par des équivoques (1); si on les en reprenoit, c'étoit, disoient-ils, Jésus-Christ même qui leur avoit appris cette pratique, lorsqu'il avoit dit aux Juifs Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours (2); entendant du temple de son corps ce que les Juifs entendoient de celui de Salomon. Ce passage sembloit fait exprès à qui ne savoit pas le fond des choses. Les Vaudois en avoient cent autres de cette sorte qu'ils savoient tourner à leurs fins; et à moins d'être fort exercé dans les Ecritures, on avoit peine à se tirer des filets qu'ils tendoient. Un autre auteur nous remarque un caractère bien particulier de ces faux pauvres (3). Ils n'alloient point comme un saint Bernard, comme un saint François, comme les autres prédicateurs apostoliques, attaquer au milieu du monde les impudiques, les usuriers, les joueurs, les blasphémateurs, et les autres pécheurs publics, pour tâcher de les convertir. Ceux-ci au contraire, s'il y avoit dans les villes ou dans les villages des gens retirés et paisibles, c'étoit dans leurs maisons qu'ils s'introduisoient avec leur simplicité apparente. A peine osoient-ils élever la voix, tant ils étoient doux: mais les mauvais prêtres et les mauvais moines étoient mis (3) Pylicd. c. 10. p. 283.

(1) Ren, ibid. (2) Joan. 11. 19.

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aussitôt sur le tapis; une satire subtile et impitoyable prenoit la forme de zèle; les bonnes gens qui les écoutoient étoient pris; et transportés de ce zèle amer, ils s'imaginoient encore devenir plus gens de bien en devenant hérétiques : ainsi tout se corrompoit. Les uns étoient entraînés dans le vice par les grands scandales qui paroissoient dans le monde de tous côtés : le démon prenoit les simples d'une autre manière; et par une fausse horreur des méchans il les aliénoit de l'Eglise, où l'on en voyoit tous les jours croître le nombre.

CXLV.

Eminente

sainteté dans

Bernard.

Il n'y avoit rien de plus injuste; puisque l'Eglise, loin d'approuver les désordres qui donnoient lieu aux révoltes des hérétiques, les détes- l'Eglise catoit par tous ses décrets, et nourrissoit en même tholique. S. temps dans son sein des hommes d'une sainteté si éminente, qu'auprès d'elle toute la vertu de ces hypocrites ne paroissoit que foiblesse. Le seul saint Bernard, que Dieu suscita en ce temps-là avec toutes les grâces des prophètes et des apôtres pour combattre les nouveaux hérétiques, lorsqu'ils faisoient de plus grands efforts pour s'étendre en France, suffisoit pour les confondre. C'étoit là qu'on voyoit un esprit vraiment apostolique, et une sainteté si éclatante, qu'elle fut en admiration même à ceux dont il avoit combattu les erreurs; de manière qu'il y en eut, qui en damnant insolemment les saints docteurs, exceptoient saint Bernard de cette sentence (1), et se crurent obligés à publier, qu'à la fin il s'é(1) Apud Ren. c. 6, p. 755.

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