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disoient que Jean Hus n'avoit fait que commencer le rétablissement de l'Evangile; et ils vouloient croire qu'il auroit bien changé d'autres choses, si on lui en eút laissé le temps (1). En attendant il ne laissoit pas d'être martyr et apôtre, encore qu'il persévérât dans des pratiques si damnables selon eux ; et les Frères en célébroient le martyre dans leurs Eglises le huitième juillet, comme nous l'apprenons de Rudiger (2).

CLXXVI.

Camérarius demeure d'accord de leur extrême Leur extrêignorance, et fait ce qu'il peut pour l'excuser. me ignoranCe qui est de bien certain, c'est que Dieu ne fit ce, et leur pas des miracles pour les éclairer. Tant de siècles audace à rebaptiser touaprès que la question du baptême des hérétiques te la terre. avoit été si bien éclaircie du commun consentement de toute l'Eglise, ils furent si ignorans qu'ils rebaptisèrent tous ceux qui venoient à eux des autres Eglises (3). Ils persistèrent cent ans durant dans cette erreur, comme ils l'avouent dans tous leurs écrits; et ils reconnoissent dans la préface de 1558 qu'il n'y avoit que très-peu de temps qu'ils en étoient revenus (4). Il ne faut pas s'imaginer que ce fût une erreur médiocre, puisque c'étoit dire que le Baptême étoit perdu dans toute l'Eglise, et ne restoit que parmi eux. C'est ce qu'osèrent penser deux ou trois mille hommes, plus ou moins, également révoltés et contre les

(1) Apol. 1532, 1. part. ap. Lyd. t. 11, p. 116, 117, 118, etc. ➡ (2) Rudig. narr. post. Cam. hist. p. 151.- (3) Camer. hist. narr. p. 102. — (4) Præf. Apol. 1538, apud. Lyd. t. 11. p. 105. Ibid. Apol. p. IV. p. 274. Conf. fid. 1558. art. 12 Synt. Gen. p. 195. Ibid. p. 170.

Calixtins parmi lesquels ils vivoient, et contre l'Eglise romaine dont ils s'étoient séparés les uns et les autres trente ou quarante ans auparavant. Une si petite parcelle d'une autre parcelle, détachée depuis si peu d'années de l'Eglise catholique, osoit rebaptiser tout le reste de l'univers, et réduire tout l'héritage de Jésus-Christ à un coin de la Bohême. Ils se croyoient donc les seuls chrétiens, puisqu'ils se croyoient les seuls baptisés; et quoi qu'ils aient pu dire pour se défendre de ce crime, leur rebaptisation les en convainquoit. Pour toute excuse, ils répondoient que s'ils rebaptisoient les Catholiques, les Catholiques aussi les rebaptisoient. Mais on sait assez que l'Eglise romaine n'a jamais rebaptisé ceux qui avoient été baptisés par qui que ce fût au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; et quand il y auroit eu dans la Bohême des Catholiques assez ignorans pour ne savoir pas une chose si triviale, ceux qui se disoient leurs Réformateurs ne devoient-ils pas en savoir davantage? Après tout, comment ces nouveaux rebaptisateurs ne se firent-ils pas rebaptiser eux-mêmes? Si lorsqu'ils vinrent au monde le Baptême avoit cessé dans toute la chrétienté, celui qu'ils avoient reçu ne valoit pas mieux que celui des autres; et en cassant le Baptême de ceux qui les avoient baptisés, que pouvoit devenir le leur? Ils devoient donc aussitôt se faire rebaptiser, que de rebaptiser le reste de l'univers; et il n'y avoit à cela qu'un inconvénient: c'est que, selon leurs principes, il n'y avoit plus personne sur la terre qui

leur pût rendre cet office, puisque le Baptême de quelque côté qu'il pût venir, étoit également nul. Voilà ce que c'est d'être réformés de la façon d'un cordonnier, qui de leur aveu, dans une préface de leur Confession de foi (1), ne sut jamais un mot de latin, et qui n'étoit pas moins présomptueux qu'ignorant. Voilà les hommes qu'on admire parmi les Protestans. S'agit-il de condamner l'Eglise romaine? Ils ne cessent de lui reprocher l'ignorance de ses prêtres et de ses moines. S'agit-il des ignorans de ces derniers siècles, qui ont prétendu réformer l'Eglise par le schisme? Ce sont des pécheurs devenus apôtres; encore que leur ignorance demeure marquée éternellement dès le premier pas qu'ils ont fait. N'importe; si nous en croyons les Luthériens, dans la préface qu'ils mirent à la tête de l'Apologie des Frères, en l'imprimant à Vitemberg du temps de Luther; si, dis-je, nous les en croyons, c'étoit dans cette ignorante société et dans cette poignée de gens que « l'Eglise de Dieu s'étoit conservée, lorsqu'on » la croyoit tout-à-fait perdue (2) ».

Leurs vai

Cependant ces restes de l'Eglise, ces déposi- CLXXVII. taires de l'ancien christianisme, étoient euxmêmes honteux de ne voir dans tout le monde

aucune Eglise de leur croyance. Camérarius nous

nes enquêtes à chercher dans tout l'u

nivers quelque Eglise de

apprend (3) qu'au commencement de leur séparation il leur vint en la pensée de s'informer s'ils leur croyan

(1) Conf. fid. 1558, Synt. Gen. II. part. p. 164. (2) Joan. Eusleb. in orat. præfixá Apol. frat. sub hoc titulo: OEconomia, etc. ap. Lyd. t. 11, p. 95. — (3) De Eccl. frat. p. 91.

ce.

ne trouveroient point en quelque endroit de la terre, et principalement en Grèce ou en Arménie, ou quelque part en Orient, le christianisme que l'Occident avoit perdu tout-à-fait dans leur pensée. En ce temps plusieurs prêtres grecs qui s'étoient sauvés du sac de Constantinople en Bohême, et que Roquesane y avoit reçus dans sa maison, eurent permission de célébrer les saints mystères selon leur rit. Les Frères y virent leur condamnation, et la virent encore plus dans les entretiens qu'ils eurent avec ces prêtres. Mais quoique ces Grecs les eussent assurés qu'en vain ils iroient en Grèce y chercher des chrétiens à leur mode, et qu'ils n'en trouveroient jamais; ils nommèrent des députés, gens habiles et avisés, dont les uns coururent tout l'Orient, d'autres allèrent du côté du Nord dans la Moscovie, et d'autres prirent leur route vers la Palestine et l'Egypte; d'où s'étant rejoints à Constantinople selon le projet qu'ils en avoient fait, ils revinrent enfin en Bohême dire à leurs Frères pour toute réponse, qu'ils se pouvoient assurer d'être les seuls de leur croyance dans toute la terre.

CLXXVIII. Leur solitude dénuée de la succession et de Comment toute ordination légitime leur fit tant d'horreur, choient l'or- qu'encore du temps de Luther ils envoyoient de

ils recher

dination

leurs gens qui se couloient furtivement dans les dans l'Eglise ordinations de l'Eglise romaine : un traité de Lu

catholique.

ther, que nous avons cité ailleurs, nous l'apprend. Pauvre Eglise, qui, destituée du principe de fécondité que Jésus-Christ a laissé à ses apôtres et

dans l'ordre apostolique, étoient contraints de se mêler parmi nous pour y venir mendier ou plutôt dérober les ordres.

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Au reste, Luther leur reprochoit qu'ils ne voyoient goutte non plus que Jean Hus dans la Justification, qui étoit le point principal de l'Evangile : car <«< ils la mettoient, poursuit-il (1), » dans la foi et dans les œuvres ensemble, ainsi » qu'ont fait plusieurs Pères; et Jean Hus étoit >> plongé dans cette opinion ». Il a raison : car ni les Pères, ni Jean Hus, ni Viclef son maître, ni les orthoxodes, ni les hérétiques, ni les Albigeois, ni les Vaudois, ni aucun autre, n'avoient songé avant lui à la justice imputative. C'est pourquoi il méprisoit les Frères de Bohême, « comme des gens sérieux, rigides, d'un regard » farouche, qui se martyrisoient avec la loi et >> les œuvres, et qui n'avoient pas la conscience » joyeuse (2)». C'est ainsi que Luther traitoit les plus réguliers à l'extérieur de tous les Réformateurs schismatiques, et les seuls restes de la vraie Eglise, à ce qu'on disoit. Il fut bientôt satisfait : les Frères outrèrent la justification luthérienne, jusqu'à donner aveuglément dans les excès des Calvinistes, et même dans ceux dont les Calvinistes d'aujourd'hui tâchent de se défendre. Les Luthériens vouloient que nous fussions justifiés sans y coopérer, et sans y avoir part. Les Frères ajoutèrent que c'étoit même « sans le savoir et » sans le sentir, comme un embryon est vivifié

(1) Luth. coll. p.

286;

edit. Franc. an. 1676:

(2) Ibid..

CLXXIX. Reproches que leur fait Luther.

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