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tente de rapporter ce qu'ils prononcent sur la présence réelle, et encore sur la présence réelle, non à la mode des Mélanctonistes, dans le seul usage, mais incontinent après la consécration.

Leur incer

tées.

Avec des expressions apparemment si précises CLXXXVII. et si décisives pour la présence réelle, ils s'em- titude et barrassent ailleurs d'une si étrange manière, qu'ils leurs ambisemblent n'avoir rien tant appréhendé que de guités affeclaisser un témoignage clair et certain de leur foi : car ils répètent sans cesse que Jésus-Christ n'est pas en personne dans l'Eucharistie (1). Il est vrai qu'ils appellent y être en personne, y être corporellement et sensiblement (2): expressions qu'ils font toujours marcher ensemble, et qu'ils opposent à une manière d'être spirituelle qu'ils reconnoissent. Mais ce qui les rejette dans un nouvel embarras, c'est qu'ils semblent dire que JésusChrist est présent dans l'Eucharistie de cette présence spirituelle, comme il l'est dans le Baptême et dans la prédication de la parole (3); comme il a été mangé par les anciens Hébreux dans le désert; comme saint Jean-Baptiste étoit Elie. On ne sait aussi ce qu'ils veulent dire avec cette bizarre expression: Jésus-Christ n'est pas ici avec son corps naturel d'une manière existante et corporelle, existenter et corporaliter; mais il y est spirituellement, puissamment, par manière de bénédiction, et en vertu; spiritualiter, potenter, benedictè, in virtute (4). Ce qu'ils ajoutent n'est

(1) Apol. ad Lad. ibid. p. 68, 69, etc. 71, 73. — (2) İbid. p. 301, 306, 307, 309, 311, etc. (3) Ibid p. 302, 304, 307, 308. (4) Ibid. 74.

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pas plus intelligible, que Jésus-Christ est ici dans la demeure de bénédiction; c'est-à-dire, selon leur langage, qu'il est dans l'Eucharistie, comme il est à la droite de Dieu, mais non pas comme il est dans les cieux. S'il y est comme à la droite de Dieu, il y est donc en personne. C'est ainsi qu'on devroit conclure naturellement; mais comment distinguer les cieux d'avec la droite de Dieu? C'est où on se perd. Les Frères avoient parlé précisément, en disant : « Il n'y a qu'un Seigneur » Jésus, qui est tel dans le sacrement avec son >> corps naturel; mais qui est d'une autre manière » à la droite de son Père: car c'est autre chose » de dire: C'est là Jésus-Christ, ceci est mon corps; >> autre chose de dire, qu'il y est de telle ma» nière (1) ». Mais ils n'ont pas plutôt parlé nettement, qu'ils s'égarent dans des discours alambiqués où les jette la confusion et l'incertitude de leur esprit et de leurs pensées, avec un vain désir de contenter les deux partis de la Réforme. Plus ils alloient en avant, plus ils devenoient Les Luthé importans et mystérieux; et comme chacun les vouloit tirer à soi, ils sembloient aussi de leur les veulent ti- côté vouloir contenter les deux partis. Voici enfin ce qu'ils dirent en 1558, et c'est à quoi ils parurent s'en vouloir tenir. Ils se plaignent d'abord qu'on les accuse a de-ne pas croire que la

CLXXXVIII.

riens et les

Calvinistes

rer à eux. Ils

/ penchent vers les pre

miers.

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présence du vrai corps et du vrai sang soit pré» sente (2)». Bizarres expressions, que la présence soit présente ! C'est ainsi qu'ils parlent dans la préface mais dans le corps de la Confession ils (1) Apol. ad Lad. ibid. p. 78. (2) P. 162.

>>

enseignent «< qu'il faut reconnoître que le pain » est le vrai corps de Jésus-Christ, et que la coupe » est son vrai sang, sans rien ajouter du sien à ses paroles ». Mais pendant qu'ils ne veulent pas qu'on ajoute rien aux paroles de Jésus-Christ, ils y ajoutent eux-mêmes le mot de vrai qui n'y est pas; et au lieu que Jésus-Christ a dit, Ceci est mon corps, ils supposent qu'il ait dit, Ce pain est mon corps; ce qui est fort différent, comme on l'a pu voir ailleurs. Que s'il leur a été libre d'ajouter ce qu'ils jugeoient nécessaire pour marquer une vraie présence, il a été libre aux autres d'ajouter aussi ce qu'il falloit pour ôter toute équivoque; et rejeter ces expressions après les disputes nées, c'est être ennemi de la lumière, et laisser les questions indécises. C'est pourquoi Calvin leur écrivit qu'il ne pouvoit approuver leur obscure et captieuse brièveté, et il vouloit qu'ils expliquassent comment le pain est le corps de Jésus-Christ; à faute de quoi il soutenoit que leur Confession de foi ne pouvoit étre souscrite sans péril, et seroit une occasion de grandes disputes (1). Mais Luther étoit content d'eux, à cause qu'ils approchoient de ses expressions, et qu'ils inclinoient davantage vers la Confession d'Ausbourg. Car même ils continuoient à se plaindre de ceux qui nioient que le pain et le vin fussent le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ, et qui les appeloient des Papistes, des Idolâtres, et des Antechrists (2), à cause qu'ils reconnoissoient la véritable présence. Enfin pour faire voir com

(1) Calv. Epist. ad Vald. p. 312 et seq. — (2) Ibid. 195.

CLXXXIX.
Luther leur

bien ils penchoient à la présence réelle, ils veulent que les ministres en distribuant ce sacrement, et en récitant les paroles de notre Seigneur, exhortent le peuple à croire que la présence de JésusChrist est présente (1); et dans ce dessein ils ordonnent, quoique d'ailleurs peu portés à l'adoration, qu'on reçoive le sacrement à genoux. Avec ces explications et avec les adoucissemens donne son que nous avons rapportés, ils satisfirent tellement approba- Luther, qu'il mit son approbation à la tête d'une Confession de foi qu'ils publièrent; en déclarant néanmoins << qu'ils paroissoient à cette foi non>> seulement plus ornés, plus libres et plus polis; >> mais encore plus considérables et meilleurs (2) » : ce qui faisoit assez connoître qu'il n'approuvoit leur Confession qu'à cause qu'elle avoit été réformée selon ses maximes.

tion, et comment.

CXC.

Leurs fêtes, leurs tem

Il ne paroît pas qu'on les ait inquiétés ni sur les jeûnes réglés qu'ils conservoient parmi eux, ni sur ples, leurs les fêtes qu'ils célébroient en interdisant tout trajeûnes, le cévail, non-seulement à l'honneur de notre Seigneur, libat de leurs prêtres. mais encore de la sainte Vierge et des saints (3). On ne leur reprochoit pas que c'étoit observer les jours contre le précepte de l'apôtre, ni que ces fêtes à l'honneur des saints fussent autant d'actes d'idolâtrie. On ne les accuse non plus d'ériger des temples aux saints, sous prétexte qu'ils continuent, comme nous, à nommer temple de la Vierge, in templo divæ Virginis, de saint Pierre et de saint Paul, les Eglises consacrées à Dieu en leur mé(2) Ibid. p. 211.

(1) Calv. Epist. ad Vald. p. 396. (3) Art. 15, 17.

moire.

moire (1). On les laisse pareillement ordonner le célibat à leurs prêtres, en les privant du sacerdoce lorsqu'ils se marient (2); car constamment c'étoit leur pratique, aussi bien que celle des Taborites. Tout cela est sans venin pour les Frères; et il n'y a que nous seuls où tout est poison (3). Je voudrois encore qu'on leur demandât où ils trouvent dans l'Ecriture ce qu'ils disent de la sainte Vierge : Qu'elle est vierge devant l'enfantement et après l'enfantement (4). Il est vrai que les saints Pères l'ont tellement cru, qu'ils ont rejeté le contraire comme un blasphême exécrable: mais c'est aussi ce qui nous fait voir qu'on peut compter parmi les blasphêmes beaucoup de choses, dont le contraire n'est écrit nulle part: de sorte que, lorsqu'on se vante de ne parler qu'après l'Ecriture, ce n'est pas un discours sérieux; mais c'est qu'on trouve bon de parler ainsi, et que ce respect apparent pour l'Ecriture éblouit les simples.

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CXCII.

Ils se réfugient en Po

On prétend que ces Frères Bohémiens dont les paroles étoient si douces et si respectueuses envers les puissances, à mesure qu'ils s'engageoient logne. dans les sentimens des Luthériens, entrèrent aussi dans leurs intrigues et dans leurs guerres. Ferdinand les trouva mêlés dans la rebellion de l'Electeur de Saxe contre Charles V, et les chassa de Bohême. Ils se réfugièrent en Pologne; et il paroît par une lettre de Musculus aux Protestans

(1) Act. Syn. Torin. 1595. Synt. II. part. p. 240, 242.

(2) Art. 9.

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(3) Æn. Sylv. hist. Boh. ap. Lyd. p. 395, 405.

(4) Orat. Enc. ap. Lyd. p. 30, art. 17, p. 201.

BOSSUET. XX.

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