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XXXIII.

Mollesse et connivence de Calvin.

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particulière, les tiendra pour bien convaincus, et les mettra au pouvoir de ceux qu'il saura être aiguillonnés d'appétit de vengeance pour les >> outrages reçus d'eux, tant en leurs personnes » que de leurs parens et alliés »>! car c'est ainsi que parle Bèze. Que devient la société, si de tels attentats sont permis? Mais que devient la royauté, si on ose les exécuter à main armée dans le propre palais du Roi, arracher ses ministres d'entre ses bras, le mettre en tutelle, mettre sa personne sacrée dans le pouvoir des séditieux, qui se seroient emparés de son château, et soutenir un tel attentat par une guerre entreprise dans tout le royaume? Voilà le fruit des conseils des plus doctes théologiens réformés, et des jurisconsultes du plus grand renom. Voilà ce que Bèze approuve, et ce que défendent encore

aujourd'hui les Protestans (1).

On nous allègue Calvin, qui, après que l'entreprise eut manqué, a écrit deux lettres, où il témoigne qu'il ne l'avoit jamais approuvée (2). Mais lorsqu'on est averti d'un complot de cette nature, en est-on quitte pour le blâmer sans se mettre autrement en peine d'empêcher le progrès d'un crime si noir? Si Bèze eût cru que Calvin eût autant détesté cette entreprise qu'elle méritoit de l'être, l'auroit-il approuvée lui-même, et nous auroit-il vanté l'approbation des plus doctes théologiens du parti? Qui ne voit donc que Calvin agit ici trop mollement, et ne se mit guère en peine (1) Burn. liv. 111. p. 616. (2) Crit. de Maimb. t. 1. lett. xv. 263. Calv. Ep. p. 312,

n. 6.

p.

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313.

qu'on

qu'on hasardât la conjuration, pourvu qu'il pût s'en disculper, en cas que le succès en fût mauvais? Si nous en croyons Brantôme, l'amiral étoit bien dans une meilleure disposition (1): et les écrivains protestans nous vantent ce qu'il a écrit dans la vie de ce seigneur, qu'on n'osa jamais lui parler de cette entreprise, « parce qu'on le te» noit pour un seigneur de probité, homme de » bien, aimant l'honneur; et pour ce eût bien >> renvoyé les conjurateurs rabroués, et révélé » le tout, voire aidé à leur courir sus (2) ». Mais cependant la chose fut faite, et les historiens du parti racontent avec complaisance ce qu'on ne devroit regarder qu'avec horreur.

Il n'est pas ici question d'éluder un fait constant, en discourant sur l'incertitude des histoires et sur les partialités des historiens (3). Ces lieux communs ne sont bons que pour éblouir (*). Quand nos Réformés douteroient de M. de Thou qu'ils ont imprimé à Genève, et dont un historien protestant vient d'écrire encore, que la foi ne leur fut jamais suspecte (4); ils n'ont qu'à lire la Poplinière un des leurs, et Bèze un de leurs chefs, pour trouver leur parti convaincu d'un attentat, que l'amiral, tout Protestant qu'il étoit, trouva si indigne d'un homme d'honneur.

(1) Crit. ibid. Lett. 11. n. 2. - (2) Brant. vie de l'amiral de Chatillon. (3) Critiq. ibid. n. 1. 4. (4) Burn. tom. 1. Préf.

(*) L'auteur de la Critique de l'Histoire du Calvinisme du P. Maimbourg, que Bossuet a ici en vue, étoit le fameux Bayle, sophiste adroit, qui, par son artificieuse dialectique, s'efforçoit d'obscurcir les raisonnemens les plus clairs, et de mettre en doute les faits les plus certains. (Edit, de Versailles.)

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XXXIV.

Les réfle xions sur l'in

certitude des histoires inu

tiles en cette

occasion.

XXXV.

Les premiè

res guerres

où tout le

parti con

court. 1562.

Mais cependant ce grand homme d'honneur, qui eut tant d'horreur de l'entreprise d'Amboise, civiles sous ou parce qu'elle étoit manquée, ou parce que Charles IX, les mesures en étoient mal prises, ou parce qu'il trouva mieux ses avantages dans la guerre ouverte, ne laissa pas deux ans après de se mettre à la tête des Calvinistes rebelles. Alors tout le parti se déclara. Calvin ne résista plus à cette fois; et la rebellion fut le crime de tous ses disciples. Ceux que leurs histoires célèbrent comme les plus modérés disoient seulement qu'il ne falloit point commencer (1). Au reste, on se disoit les uns aux autres, que se laisser égorger comme des moutons sans se défendre, ce n'étoit pas le métier de gens de cœur. Mais quand on veut être gens de cœur de cette sorte, il faut renoncer à la qualité de réformateurs, et encore plus à celle de confesseurs de la foi et de martyrs : car ce n'est pas en vain que saint Paul a dit après David: On nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie (2); et Jésus-Christ lui-même : Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups (3). Nous avons en main des lettres de Calvin, tirées de bon lieu, où dans les commencemens des troubles de France il croit avoir assez fait d'écrire au baron des Adrets contre les pillages et les violences, contre les brise-images, et contre la déprédation des reliquaires et des trésors des églises sans l'autorité publique. Se contenter, comme il fait, de dire à des soldats ainsi enrôlés: Ne faites

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(1) La Poplin. liv. vIII. Beze, t. 1. liv. vi. p. 5. (2) Rom. . (3) Matth. x. 16.

VIII. 36.

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point de violence, et contentez-vous de votre paie (1), sans rien dire davantage; c'est parler de cette milice comme on fait d'une milice légitime; et c'est ainsi que saint Jean-Baptiste a décidé en faveur de ceux qui portoient les armes sous l'autorité de leurs princes. La doctrine qui permettoit de les prendre pour la cause de la religion fut depuis autorisée, non plus seulement par tous les ministres en particulier, mais encore en commun dans les synodes; et il en fallut venir à cette décision pour engager à la guerre ceux des Protestans qui, ébranlés par l'ancienne foi des chrétiens, et par la soumission tant de fois promise au commencement de la nouvelle Réforme, ne croyoient pas qu'un chrétien dût soutenir la liberté de conscience autrement qu'en souffrant, selon l'Evangile, en toute patience et humilité. Le brave et sage la Noue, qui d'abord étoit dans ce sentiment, fut entraîné dans un sentiment et dans une pratique contraire par l'autorité des ministres et des synodes. L'Eglise alors fut infaillible, et on céda aveuglément à son autorité contre sa propre conscience.

XXXVI. Décision des synodes

nationaux

tes pour ap

Au reste, les décisions expresses sur cette matière furent faites pour la plupart dans les synodes provinciaux: mais pour n'avoir pas besoin de les y aller chercher, il nous suffira de remarquer des Calvinisque ces décisions furent prévenues par le synode national de Lyon en 1563, art. xxxvIII des faits prise des arparticuliers où il est porté, « Qu'un ministre de mes. » Limosin, qui autrement s'étoit bien porté, par >> menace des ennemis a écrit à la Reine mère,

(1) Luc. 111. 14.

prouver la

1563.

XXXVII.

» qu'il n'avoit jamais consenti au port des armes, » jaçoit qu'il y ait consenti et contribué. Item, » qu'il promettoit de ne point prêcher jusqu'à ce » que le Roi lui permettroit. Depuis, connois» sant sa faute, il en a fait confession publique » devant tout le peuple, et un jour de Cène, en » la présence de tous les ministres du pays et de » tous les fidèles. On demande s'il peut rentrer » dans sa charge? On est d'avis que cela suffit: >> toutefois il écrira à celui qui l'a fait tenter, » pour lui faire reconnoître sa pénitence, et le » priera-t-on qu'on le fasse ainsi entendre à la » Reine : et là où il adviendroit que le scandale »en demeurât à son église, sera en la prudence » du synode de Limosin de le changer de lieu »>. C'est un acte si chrétien et si héroïque dans Autre dé- la nouvelle Réforme de faire la guerre à son souverain pour la religion, qu'on fait un crime à un ministre de s'en être repenti, et d'en avoir demandé pardon à la Reine. Il faut faire réparation devant tout le peuple dans l'action la plus célèbre de la religion, c'est-à-dire, dans la Cène, des excuses respectueuses qu'on en a faites à la Reine, et pousser l'insolence jusqu'à lui déclarer à elle-même qu'on désavoue ce respect, afin qu'elle sache que dorénavant on ne veut garder aucunes mesures : encore ne sait-on pas, après cette réparation et ce désaveu, si on a ôté le scandale que cette soumission avoit causé parmi le peuple réformé. Ainsi on ne peut nier que l'obéissance n'y fût scandaleuse': 'un synode national le décide ainsi. Mais voici, dans l'art. XLVIII, une autre décision qui ne paroîtra pas moins

cision.

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