Images de page
PDF
ePub

Je laisse maintenant à examiner aux Calvinistes, s'il y a la moindre apparence dans le discours de M. Jurieu, lorsqu'il dit que c'est ici une querelle où la religion s'est trouvée purement par accident, et pour servir de prétexte (1); puisqu'il paroît au contraire que la religion en étoit le fond, et que la réformation du gouvernement n'étoit que le vain prétexte dont on tâchoit de couvrir la honte d'avoir entrepris une guerre de religion, après avoir tant protesté qu'on n'avoit que de l'horreur pour de tels complots.

Mais voici bien une autre excuse que cet habile ministre prépare à son parti dans la conjuration d'Amboise, lorsqu'il répond qu'en tout cas elle n'est criminelle que selon les règles de l'Evangile (2). Ce n'est donc rien, à des Réformateurs, qui ne nous vantent que l'Evangile, de former un complot que l'Evangile condamne; et ils se -consoleront pourvu qu'ils n'en combattent que les règles saintes? Mais la suite des paroles de M. Jurieu fera bien voir qu'il ne se connoît pas mieux en morale qu'en christianisme, puisqu'il a osé écrire ces mots : « La tyrannie des princes » de Guise ne pouvoit être abattue que par une

grande effusion de sang : l'esprit du christia>>nisme ne souffre point cela; mais si l'on juge » de cette entreprise par les règles de la morale » du monde, elle n'est point du tout crimi» nelle (3) ». C'étoit pourtant selon les règles de la morale du monde que l'amiral trouvoit la

(1) Apolog. pour la Reform. I. part. ch. x. p. 301.- (2) Ibid. ch. xv. p. 453. (3) Ibid.

XLIX. Réponses de M. Jurieu.

L.

Question

me. Si c'étoit

un esprit de

conjuration si honteuse et si détestable; c'étoit comme homme d'honneur, et non pas seulement comme chrétien, qu'il en conçut tant d'horreur; et la corruption du monde n'est pas encore allée assez loin pour trouver de l'innocence dans des attentats où l'on a vu toutes les lois divines et humaines également renversées.

Le ministre ne réussit, pas mieux dans son dessein, lorsqu'au lieu de justifier ses Prétendus Réformés de leurs révoltes, il s'attache à faire voir la corruption de la Cour contre laquelle ils se révoltent, comme si des Réformateurs eussent dû ignorer ce précepte apostolique : Obéissez à vos mattres, méme fâcheux (1).

Ses longues récriminations, dont il remplit un volume, ne valent pas mieux; puisqu'il s'agit toujours de savoir si ceux qu'on nous vante comme réformateurs du genre humain en ont diminué ou augmenté les maux, et s'il les faut regarder ou comme des Réformateurs qui les corrigent, ou plutôt comme des fléaux envoyés de Dieu pour les punir.

On pourroit ici traiter la question, s'il est sur l'esprit vrai que la Réforme, comme elle s'en glorifie, de la Réfor- n'a jamais songé à s'établir par la force (2): mais le doute est aisé à résoudre par tous les faits douceur ou qu'on a vus. Tant que la Réforme fut foible, il de violence. est vrai qu'elle parut toujours soumise, et donna même pour un fondement de sa religion, qu'elle ne se croyoit pas permis non-seulement d'em

(1) II. Pet. 11. 18. (2) Crit. t. 1. Let. vII. n. 1. p. 129 et seq. Let. xvi. n. 9. p. 315, etc.

ployer

:

ployer la force, mais encore de la repousser. Mais on découvrit bientôt que c'étoit là de ces modesties que la crainte inspire, et un feu couvert sous la cendre: car aussitôt que la nouvelle Réforme put se rendre la plus forte dans quelque royaume, elle y voulut régner seule. Premièrement les évêques et les prêtres n'y furent plus en sûreté : secondement, les bons Catholiques furent proscrits, bannis, privés de leurs biens, et en quelques endroits de la vie, par les lois publiques; comme, par exemple, en Suède, quoiqu'on ait voulu dire le contraire mais le fait n'en est pas moins constant. Voilà où en sont venus ceux qui d'abord crioient tant contre la force; et il n'y avoit qu'à considérer l'aigreur, l'amertume, et la fierté répandue dans les premiers livres et dans les premiers sermons de ces Réformés; leurs invectives sanglantes; les calomnies dont ils noircissoient notre doctrine; les sacriléges, les impiétés, les idolâtries qu'ils ne cessoient de nous reprocher; la haine qu'ils inspiroient contre nous; les pilleries qui furent l'effet de leurs premiers prêches ; l'aigreur et la violence qui parut dans leurs placards séditieux contre la messe (1), pour juger de ce qu'on devoit attendre de semblables commencemens.

1534.

LI.

Suites de

Mais plusieurs sages, dit-on, improuvèrent ces placards: tant pis pour le parti protestant, l'esprit viooù l'emportement étoit si extrême, que ce qu'il lent qui doy restoit de sages ne le pouvoient réprimer. Les minoit dans

(1) Bèze, liv. 1, p. 16.

BOSSUET. XX.

4

la Réforme.

placards furent répandus dans tout Paris, attachés et semés dans tous les carrefours, attachés jusqu'à la porte de la chambre du Roi (1); et les sages, qui l'improuvoient, ne prenoient aucun moyen efficace pour l'empêcher. Lorsque ce prétendu martyr Anne du Bourg eut déclaré d'un ton de prophète au président Minard qu'il récusoit, que malgré le refus qu'il fit de s'abstenir de la connoissance de ce procès, il ne seroit point de ses juges (2), les Protestans surent bien accomplir sa prophétie, et le président fut massacré sur le soir en rentrant dans sa maison. On sut depuis que le Maistre et Saint-André, trèsopposés au nouvel Evangile, auroient eu le même sort, s'ils étoient venus au palais : tant il étoit dangereux d'offenser la Réforme quoique foible; et nous apprenons de Bèze même, que Stuart, parent de la Reine, homme d'exécution, et très - zélé Protestant, visitoit souvent en la conciergerie des prisonniers pour le fait de la religion (3). On ne put pas le convaincre d'avoir fait le coup; mais toujours voit-on le canal par où l'on pouvoit communiquer; et quoi qu'il en soit, ni le parti ne manquoit de gens de main, ni on ne peut accuser de ce complot que ceux qui s'intéressoient pour Anne du Bourg. Il est aisé de prophétiser quand on a de tels anges pour exécuteurs. L'assurance d'Anne du Bourg à marquer si précisément l'avenir fait assez voir le bon avis

(1) Bèze, liv. 1. p. 16.— (2) Thuan. lib. xx111. an. 1559, p. 669. Bèze, liv. 1. La Poplin. liv. v. p. 144. (3) Liv. 1. p. 248. an. 1 1560.

[ocr errors]

qu'il avoit reçu ; et ce que dit l'histoire de M. de Thou, pour nous en faire un devin plutôt qu'un complice d'un tel crime, ressent bien une addition de Genève. Il ne faut donc

pas s'étonner qu'un parti qui nourrissoit de tels esprits se soit déclaré aussitôt qu'il a trouvé des règnes foibles : et c'est à quoi nous avons vu qu'on ne manqua pas.

Un nouveau défenseur de la Réforme est persuadé par les mœurs peu chastes et par toute la conduite du Prince de Condé, qu'il y avoit plus d'ambition que de religion dans son fait (1); et il avoue que la religion ne lui servit qu'à trouver des instrumens de vengeance (2). Par-là il croit tout réduire à la politique, et excuser sa religion: sans songer que c'est cela même qu'on lui reproche, qu'une religion, qui se disoit réformée, ait été un instrument si prompt de la vengeance d'un prince ambitieux. C'est cependant le crime de tout le parti. Mais que nous dit cet auteur du pillage des églises et des sacristies, et du brisement des images et des autels? Il croit satisfaire à tout en disant, que ni par prières , ni par remontrances, ni même par châtimens le prince ne put arrêter ces désordres (3). Ce n'est pas là une excuse; c'est la conviction de la violence qui régnoit dans le parti, dont les chefs ne pouvoient contenir la fureur. Mais j'ai bien peur qu'ils n'aient agi dans le même eprit que Cranmer et les autres Réformateurs de l'Angle

(1) Critiq. t. 1. Lett. 11. n. 3. p. 45, et seq. — (2) Ibid. lett. xvIII. p. 331.- (3) Ibid. lett. xvII. n. 8.

LII.

Vaines ex

cuses.

« PrécédentContinuer »