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de Jésus-Christ en tant qu'homme, ni des saints, ni en général contre celles où l'on déclare publiquement, comme fait l'Eglise catholique qu'on ne prétend nullement représenter la divinité. Le reste étoit si excessif que personne ne le peut soutenir car ou il ne conclut rien, ou il conclut à la défense absolue de l'usage de la peinture et de la sculpture : foiblesse, qui à présent est universellement rejetée de tous les chrétiens, et réservée à la superstition et grossièreté des Mahométans et des Juifs.

V.

On varie manifeste

ment sur la

La Reine demeura plus ferme sur le point de l'Eucharistie. Il est de la dernière importance de bien comprendre ses sentimens, selon que M. Burnet les rapporte (1): « Elle estimoit qu'on présence réelle. La poli» s'étoit restreint, du temps d'Edouard, sur cer- tique règle la »tains dogmes, dans des limites trop étroites et religion. » sous des termes trop précis; qu'il falloit user

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d'expressions plus générales, où les partis opposés trouvassent leur compte », Voilà ses idées en général. En les appliquant à l'Eucharistie, « son dessein étoit de faire concevoir en des pa» roles un peu VAGUEs la manière de la présence » de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Elle trou>> voit fort mauvais que par des explications si >>> subtiles on eût chassé du sein de l'Eglise ceux qui croyoient la présence corporelle ». Et encore (2): « Le dessein étoit de dresser un office » pour la communion, dont les expressions fus» sent si bien ménagées, qu'en évitant de con

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(1) Burn. ibid. 557.—(2) Ibid. 579.

VI.

La foi des prétendus

» damner la présence corporelle, on réunît tous » les Anglais dans une seule et même Eglise ».

On pourroit croire peut-être que la Reine jugea inutile de s'expliquer contre la présence réelle, à cause que ses sujets se portoient d'euxmêmes à l'exclure; mais au contraire, « la plu» part des gens étoient imbus de ce dogme de la » présence corporelle: ainsi la Reine chargea les >> théologiens de ne rien dire qui le censurât ab>>solument; mais de le laisser indécis, comme » une opinion spéculative que chacun auroit la >> liberté d'embrasser ou de rejeter ».

C'étoit ici une étrange variation dans un des principaux fondemens de la Réformation anglimartyrs est cane. Dans la Confession de foi de 1551, sous changée. Edouard, on avoit pris avec tant de force le parti contraire à la présence réelle, qu'on la déclara impossible et contraire à l'ascension de notre Seigneur. Lorsque sous la reine Marie, Cranmer fut condamné comme hérétique, il reconnut que le sujet principal de sa condamnation fut de ne point reconnoître dans l'Eucharistie une présence corporelle de son Sauveur. Ridley, Latimer, et les autres prétendus martyrs de la Réformation anglicane, rapportés par M. Burnet, ont souffert pour la même cause. Calvin en dit autant des martyrs français, dont il oppose l'autorité aux Luthériens (1). Cet article paroissoit encore si important en 1549, et durant le règne d'Edouard, que lorsqu'on y voulut travailler à faire un sys

(1) Calv. Diluc. explic. Opusc. p. 861.

tême de doctrine qui embrassat, dit M. Burnet(1), tous les points fondamentaux de la religion, on approfondit surtout l'opinion de la présence de Jésus-Christ dans le sacrement. C'étoit donc alors non-seulement un des points fondamentaux, mais encore parmi les fondamentaux un des premiers. Si c'étoit un point si fondamental, et le principal sujet de ces martyres tant vantés, on ne pouvoit l'expliquer en termes trop précis. Après une explication aussi claire que celle qu'on avoit donnée sous Edouard, en revenir, comme vouloit Elisabeth, à des expressions générales qui laissassent la chose indécise, et où les partis opposés trouvassent leur compte, en sorte qu'on en pût croire tout ce qu'on voudroit, c'étoit trahir la vérité et lui égaler l'erreur. En un mot ces termes vagues dans une Confession de foi n'étoient qu'une illusion dans la matière du monde la plus sérieuse, et qui demande le plus de sincérité. C'est ce que les Réformés d'Angleterre eussent dû représenter à Elisabeth. Mais la politique l'emporta contre la religion, et l'on n'étoit plus d'humeur à tant rejeter la présence réelle. Ainsi l'article XXIX de la Confession d'Edouard, où elle étoit condamnée, fut fort changé (2): on

y ôta tout ce qui montroit la présence réelle impossible, et contraire à la séance de Jésus-Christ dans les cieux. «Toute cette forte explication, » dit M. Burnet, fut effacée dans l'original avec » du vermillon ». L'historien remarque avec (1) Liv. 11, p. 158. — (2) Ibid. l. 111. 601.

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soin qu'on peut encore la lire: mais cela même est un témoignage contre la doctrine qu'on efface. On vouloit qu'on la pût lire encore, afin qu'il restât une preuve que c'étoit précisément cellelà qu'on avoit voulu retrancher. On avoit dit à la reine Elisabeth sur les images, « que la gloire » des premiers Réformateurs seroit flétrie, si l'on » venoit à rétablir dans les églises ce que ces zélés » martyrs de la pureté évangélique avoient pris >> soin d'abattre (1) ». Ce n'étoit pas un moindre attentat de retrancher de la Confession de foi de ces prétendus martyrs ce qu'ils y avoient mis contre la présence réelle, et d'en ôter la doctrine pour laquelle ils avoient versé leur sang. Au lieu de leurs termes simples et précis, on se contenta de dire, selon le dessein d'Elisabeth, « en termes >> vagues, que le corps de notre Seigneur Jésus>> Christ est donné et reçu d'une manière spiri»tuelle, et que le moyen par lequel nous le re>> cevons est la foi (2) ». La première partie de l'article est très-véritable, en prenant la manière spirituelle pour une manière au-dessus des sens et de la nature, comme la prennent les Catholiques et les Luthériens; et la seconde n'est pas moins certaine, en prenant la réception pour la réception utile, et au sens que saint Jean disoit en parlant de Jésus-Christ, que les siens ne le recurent pas (3), encore qu'il fût au monde en personne au milieu d'eux; c'est-à-dire, qu'ils ne recurent ni sa doctrine ni sa grâce. Au surplus,

(1) P. 588. (2) Ibid. 601. (3) Joan. 1. 10, 11.

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ce qu'on ajoutoit dans la Confession d'Edouard sur la communion des impies, qui ne reçoivent que les symboles, fut pareillement retranché; et on prit soin de n'y conserver sur la présence réelle que ce qui pouvoit être approuvé par les Catholiques et les Luthériens.

VII. Change

mens essen

douard.

Par la même raison on changea dans la liturgie d'Edouard ce qui condamnoit la présence corporelle. Par exemple, on y expliquoit qu'en tiels dans la se mettant à genoux, lorsqu'on recevoit l'Eucha- liturgie d'E ristie, «< on ne prétendoit rendre par-là aucune >> adoration à une présence corporelle de la chair » et du sang; cette chair et ce sang n'étant point >> ailleurs que dans le ciel (1)». Mais sous Elisabeth on retrancha ces paroles, et on laissa la liberté toute entière d'adorer dans l'Eucharistie la chair et le sang de Jésus-Christ comme présens. Ce que les prétendus martyrs et les auteurs de la Réformation anglicane avoient regardé comme une grossière idolâtrie devint sous Elisabeth une action innocente. Dans la seconde liturgie d'Edouard on avoit ôté ces paroles qu'on avoit laissées dans la première: Le corps ou le sang de Jésus-Christ garde ton corps et ton ame pour la vie éternelle; mais ces mots, qu'Edouard avoit retranchés parce qu'ils sembloient trop favoriser la présence corporelle, furent rétablis par Elisabeth (2). La foi alloit au gré des Rois; et ce que nous venons de voir ôté dans la liturgie par la même Reine, y fut depuis remis sous le feu roi Charles II.

(1) Burn. liv. 11. p. 580. (2) Ibid. liv. 1. p. 259.

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