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LXVI.

La Cène

sans substan

sence seule

tu.

Dieu mit en nous pour nous faire à son image, ce qui nous rend dignes de blâme ou de louange devant Dieu et devant les hommes.

Il reste l'article de la Cène, où les Suisses paroîtront plus sincères que jamais. Ils ne se conce, et la pré- tentent plus de ces termes vagues que nous leur avons vu employer une seule fois en 1536 par les ment en ver- conseils de Bucer, et par complaisance pour les Luthériens. Calvin même, leur bon ami, ne leur put persuader la propre substance, ni les miracles incompréhensibles par lesquels le Saint-Esprit nous la donnoit, malgré l'éloignement des lieux. Ils disent donc (1) qu'à la vérité nous recevons non pas une « nourriture imaginaire, mais » le propre corps, le vrai corps de notre Seigneur » livré pour nous; mais intérieurement, spirituel>>lement, par la foi» : le corps et le sang de notre Seigneur; « mais spirituellement par le » Saint-Esprit, qui nous donne et nous applique » les choses que le corps et le sang de notre Sei» gneur nous ont méritées, c'est-à-dire, la rémis» sion des péchés, la délivrance de nos ames et >> la vie éternelle ». Voilà donc ce qui s'appelle la chose reçue dans ce sacrement. Cette chose reçue en effet, c'est la rémission des péchés et la vie spirituelle ; et si le corps et le sang sont reçus aussi, c'est par leur fruit et par leur effet; ou, comme l'on ajoute après, par leur figure, par leur commémoration, et non pas par leur substance. C'est pourquoi, après avoir dit « que le » corps de notre Seigneur n'est que dans le ciel (1) Cap. xxI. p. 48.

» où il le faut adorer, et non pas sous les espèces » du pain (1) » : pour expliquer la manière dont

il

pre

est présent, «< il n'est pas, disent-ils, absent de » la Cène. Bien loin que le soleil soit dans le ciel >> absent de nous, il nous est présent efficace>> ment >> c'est-à-dire, présent par sa vertu. >> Combien plus Jésus-Christ nous est-il présent >> par son opération vivifiante »? Qui ne voit que ce qui est présent seulement par sa vertu, comme le soleil, n'a pas besoin de communiquer sa prosubstance? Ces deux idées sont incompatibles; et personne n'a jamais dit sérieusement qu'il reçoive la propre substance et du soleil et des astres, sous prétexte qu'il en reçoit les influences. Ainsi les Zuingliens et les Calvinistes, qui de tous ceux qui se sont séparés de Rome se vantent d'être les plus unis entre eux, ne laissent pas de se réformer les uns les autres dans leurs propres Confessions de foi, et n'ont pu convenir encore d'une commune et simple explication de leur doctrine.

.

Il est vrai que celle des Zuingliens ne laisse rien de particulier à la Cène. Le corps de JésusChrist n'y est pas plus que dans tous les autres actes du chrétien; et c'est en vain que Jésus-Christ a dit de la Cène seule avec tant de force: Ceci est mon corps, puisqu'avec ces fortes paroles il n'a pu venir à bout d'y rien opérer de particulier. C'est le foible inévitable du sens figuré; les Zuingliens l'ont senti et l'ont avoué franchement : << Cette nourriture spirituelle se prend, disent(1) Pag. 50.

LXVII.

Rien de parCène.

ticulier à la

»ils, hors de la Cène; et toutes les fois qu'on » croit, le fidèle qui a cru, a déjà reçu cet ali>>ment de vie éternelle, et il en jouit; mais pour » la même raison quand il reçoit le sacrement, >> ce qu'il reçoit n'est pas un rien : Non nihil acci» pit». Où en est réduite la Cène de notre Seigneur? On n'en peut dire autre chose, sinon que ce qu'on y reçoit n'est pas un rien. Car, poursuivent nos Zuingliens, «< on y continue à parti

>>

ciper au corps et au sang de notre Seigneur » : ainsi la Cène n'a rien de particulier. « La foi s'é» chauffe, s'accroît, se nourrit par quelque ali>>ment spirituel, car, tant que nous vivons, elle » reçoit de continuels accroissemens ». Elle en reçoit donc autant hors de la Cène que dans la Cène, et Jésus-Christ n'y est pas plus que partout ailleurs. C'est ainsi qu'après avoir dit que ce qu'on reçoit de particulier dans la Cène n'est pas un rien, et qu'en effet on le réduit à si peu de chose; on ne peut encore expliquer ce peu qu'on y laisse. Voilà un grand vide, je l'avoue : c'étoit pour couvrir ce vide que Calvin et les Calvinistes avoient inventé leurs grandes phrases. Ils ont cru remplir ce vide affreux, en disant dans leur Catéchisme que hors de la Cène on ne reçoit JésusChrist qu'en partie; au lieu que dans la Cène on le reçoit pleinement. Mais que sert de dire de si grandes choses, si en les disant on ne dit rien? J'aime mieux la sincérité de Zuingle et des Suisses, qui confessent la pauvreté de leur Cène, que la fausse abondance de nos Calvinistes riches seulement en paroles.

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Les Suisses sont les plus

Je dois donc ce témoignage aux Zuingliens, LXVIII. que leur Confession de foi est la plus naturelle et la plus simple de toutes; ce que je dis, non-seu- sincères de lement à l'égard du point de l'Eucharistie, mais tous les déà l'égard de tous les autres : et en un mot, de toutes les Confessions de foi, que je vois dans le parti protestant, celle de 1566 est, avec tous ses défauts, celle qui dit le plus nettement ce qu'elle veut dire.

fenseurs du

sens figuré.

riens sont

Parmi les Polonais séparés de la communion LXIX. romaine, il y en avoit quelques-uns qui défenConfession remarquable doient le sens figuré et ceux-ci avoient sou- des Polonais scrit en l'an 1567 la Confession de foi que les zuingliens, Suisses avoient dressée l'année précédente. Ils où les Luthés'en contentèrent trois ans durant : mais en l'an maltraités. 1570 ils jugèrent à propos d'en dresser une autre dans un synode tenu à Czenger, qu'on trouve dans le recueil de Genève, où ils s'expliquent d'une façon fort particulière sur la Cène (1).

Ils condamnent la réalité, et selon la réverie des Catholiques, qui disent que le pain est changé au corps, et selon la folie des Luthériens qui mettent le corps avec le pain (2) : ils déclarent particulièrement contre les derniers, que la réalité qu'ils admettent ne peut subsister sans un changement de substance, tel que celui qui arriva dans les eaux d'Egypte, dans la verge de Moïse, et dans l'eau des noces de Cana: ainsi ils reconnoissent clairement que la transsubstantiation est nécessaire, même selon les principes des Luthériens.

(1) Synod. Czeng. Synt. Conf. part. I. pag. 148. (2) Cap. de Coen. Dom. p. 153.

1570.

Ils témoignent tant d'horreur pour eux, qu'ils ne leur donnent point d'autre nom que celui de mangeurs de chair humaine, leur attribuant toujours une manière de communier charnelle et sanglante, comme s'ils dévoroient de la chair crue. Après avoir condamné les Papistes et les Luthériens, ils parlent d'autres errans qu'ils appellent Sacramentaires. « Nous rejetons, disent» ils (1), la rêverie de ceux qui croient que la » Cène est un signe vide du Seigneur absent ». Par ces mots ils en veulent aux Sociniens, comme à des gens qui introduisent une Cène vide; quoiqu'ils ne puissent montrer que la leur soit mieux remplie, puisqu'on ne trouve partout, à l'égard du corps et du sang, que signes, commémoration et vertu (2). Pour mettre quelque différence entre la Cène zuinglienne et la socinienne, ils disent premièrement que la Cène n'est pas la seule mémoire de Jésus-Christ absent, et ils font un chapitre exprès de la présence de Jésus-Christ dans ce mystère (3). Mais, en la voulant expliquer, ils s'embarrassent de termes qui ne sont d'aucune langue, et que je ne puis traduire en la nôtre, tant ils sont étranges et inouis. C'est, disent-ils, que Jésus-Christ est présent dans la Cène, et comme Dieu et comme homme. Comme Dieu, enter, præsenter: traduise ces mots qui pourra : par sa divinité Jehovale, c'est-à-dire, en termes vulgaires, par sa divinité proprement dite et exprimée par le nom incommunicable, comme la

(1) Cap. de Sacramentariis, p. 155. (2) Ibid. p. 153, 154. — (3) Cap. de Præf. in Coen. p. 155.

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