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II.

Les Vau

cours

se

aux

Mais de tous ces prédécesseurs que les Protestans se veulent donner, les Vaudois et les Albidois et les Albigeois geois sont les mieux traités, du moins par les Calroient d'un vinistes. Que prétendent-ils par-là ? Ce secours est foible se- foible. Faire remonter leur antiquité de quelques Calvinistes. siècles, ( car les Vaudois, à leur accorder selon leurs désirs Pierre de Bruis et son disciple Henri, ne vont pas plus haut que le siècle onzième); et là tout-à-coup demeurer court sans montrer personne devant soi, c'est être contraint de s'arrêter trop au-dessous du temps des apôtres ; c'est tirer son secours de gens aussi foibles et aussi embarrassés que vous; à qui on demande, comme à vous, leurs prédécesseurs; qui ne peuvent, non plus que vous, les montrer; qui par conséquent sont coupables du même crime d'innovation dont on vous accuse: de sorte que nous les nommer dans ce procès, c'est nommer les complices du même crime, et non pas des témoins qui puissent légitimement déposer de votre innocence.

III. Cependant ce secours tel quel est embrassé Pourquoi avec ardeur par nos Calvinistes, et en voici la tes les ont raison : c'est les Vaudois et les Albigeois ont fait valoir. formé des Eglises séparées de Rome, ce que

les Calvinis

que

renger et Viclef n'ont jamais fait. C'est donc en quelque façon se faire une suite d'Eglise que de se les donner pour prédécesseurs. Comme l'origine de ces Eglises, aussi bien que la croyance dont elles faisoient profession, étoit encore assez obscure du temps de la Réformation prétendue, on faisoit accroire au peuple qu'elles étoient en

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d'une très-grande antiquité, et qu'elles venoient des premiers siècles du christianisme.

IV.

Prétentions

ridicules des

et

Je ne m'étonne pas que Léger, un des Barbes des Vaudois (c'est ainsi qu'ils appeloient leurs pasteurs) et leur plus célèbre historien, ait donné Vaudois dans cette erreur; car c'est constamment le plus de Bèze. ignorant, comme le plus hardi de tous les hommes. Mais il y a sujet de s'étonner que Bèze l'ait embrassée, et qu'il ait écrit dans son histoire ecclésiastique, non - seulement que «<les Vaudois >> de temps immémorial s'étoient opposés aux abus » de l'Eglise romaine (1) »; mais encore qu'en l'an 1541 «< ils couchèrent par acte public en >> bonne forme la doctrine à eux enseignée comme » de père en fils, depuis l'an 120, après la nati-` >>vité de Jésus-Christ, comme ils l'avoient toujours >> entendu par leurs anciens et ancêtres (2) ». Voilà sans doute une belle tradition, si elle étoit soutenue par la moindre preuve. Mais par malheur les premiers disciples de Valdo ne le vantoient les prenoient pas si haut; et lorsqu'ils se vouloient Vaudois. attribuer la plus grande antiquité, ils se contentoient de dire qu'ils s'étoient retirés de l'Eglise romaine, lorsque, sous le pape Silvestre I, elle avoit accepté les biens temporels que lui donna Constantin, premier empereur chrétien. Cette cause de rupture est si vaine, et cette prétention est d'ailleurs si ridicule, qu'elle ne mérite pas d'être réfutée. Il faudroit être insensé pour se mettre dans l'esprit que dès le temps de saint Silvestre, c'est-à-dire, environ l'an 320, il y ait eu (1) Liv. 1. p. 35. (2) Ibid. p. 39.

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V. Fausse ori

gine dont se

une secte parmi les chrétiens dont les Pères n'aient jamais eu de connoissance. Nous avons dans les conciles tenus dans la communion de l'Eglise romaine, des anathêmes prononcés contre une infinité de sectes diverses; nous avons des catalogues des hérésies dressés par saint Epiphane, parsaint Augustin, et par plusieurs autres auteurs ecclésiatiques. Les sectes les plus obscures et les moins suivies; celles qui ont paru dans un coin du monde, comme celles de certaines femmes qu'on appeloit Collyridiennes, qui n'étoient que je ne sais où dans l'Arabie; celle des Tertullianistes ou des Abéliens, qui n'étoit que dans Carthage, ou dans quelques villages autour d'Hippone, et plusieurs autres aussi cachées, ne leur ont pas été inconnues (1). Le zèle des pasteurs, qui travailloient à ramener les brebis égarées, découvroit tout pour tout sauver : il n'y a que ces séparés pour les biens ecclésiastiques, que personne n'a jamais connus. Plus modérés que les Athanases, que les Basiles, que les Ambroises et que tous les autres docteurs; plus sages que tous les conciles, qui sans rejeter les biens donnés aux Eglises, se contentoient de faire des règles pour les bien administrer, ils ont encore si bien fait qu'ils ont échappé à leur connoissance. Que les premiers Vaudois l'aient osé dire, c'est une impudence extrême; mais de faire remonter avec Bèze cette secte inconnue à tous les siècles jusqu'à l'an 120 de notre Seigneur,

(1) Epiph. Hær. 79. tom. 1, p. 1057. August. Hær. 86, 87. tom. viii, col. 24, 25. Tertul. de Prescrip.

c'est se donner des ancêtres et une suite d'Eglise par une illusion trop grossière.

VI.

Dessein de

ce livre x1,

doit démon

trer.

Les Réformés affligés de leur nouveauté, qu'on ne cessoit de leur reprocher, avoient besoin de cette foible consolation. Mais pour en tirer du et ce qu'on y secours, il a fallu encore employer d'autres artifices: il a fallu cacher avec soin le vrai état de ces Albigeois et de ces Vaudois. On n'en a fait qu'une secte, quoique c'en soient deux très-différentes; de peur que les Réformés ne vissent parmi leurs ancêtres une trop manifeste contrariété. On a, sur toutes choses, caché leur abominable doctrine: on a dissimulé que ces Albigeois étoient de parfaits Manichéens, aussi bien que Pierre de Bruis et son disciple Henri. On a tu que ces Vaudois s'étoient séparés de l'Eglise sur des fondemens détestés par la nouvelle Réforme, aussi bien que par l'Eglise romaine. On a usé d'une pareille dissimulation à l'égard de ces Vaudois de Pologne, qui n'avoient que le nom de Vaudois; et on a caché au peuple que leur doctrine n'étoit ni celle des anciens Vaudois, ni celle des Calvinistes, ni celle des Luthériens. L'histoire que je vais donner de ces trois sectes, quoiqu'elle soit abrégée, ne laisse pas d'être soutenue par assez de preuves, pour faire honte aux Calvinistes des ancêtres qu'ils se sont donnés.

VII.

HISTOIRE DES NOUVEAUX MANICHÉENS,

APPELÉS LES HÉRÉTIQUES DE TOULOUSE T D'ALBI.

POUR en entendre la suite, il ne faut pas igno

Erreurs des rer tout à fait ce que Manichéens,

c'étoit que les Manichéens. qui sont les Toute leur théologie rouloit sur la question de auteurs des l'origine du mal: ils en voyoient dans le monde, Albigeois.

et ils en vouloient trouver le principe. Dieu ne le pouvoit pas être, parce qu'il étoit infiniment bon. Il falloit donc, disoient-ils, reconnoître un autre principe, qui, étant mauvais par sa nature, fût la cause et l'origine du mal. Voilà donc la source de l'erreur. Deux premiers principes, l'un du bien, l'autre du mal; ennemis par conséquent et de nature contraire, s'étant combattus et mêlés dans le combat, avoient répandu l'un le bien, l'autre le mal dans le monde; l'un la lumière, l'autre les ténèbres, et ainsi du reste; car je n'ai pas besoin de raconter ici toutes les extravagances impies de cette abominable secte. Elle étoit venue du paganisme, et on en voit des principes jusque dans Platon. Elle régnoit parmi les Perses. Plutarque nous a rapporté les noms qu'ils donnoient au bon et au mauvais principe. Manès, Perse de nation, tâcha d'introduire ce prodige dans la religion chrétienne sous l'empire d'Aurélien, c'est-à-dire, vers la fin du troisième siècle. Marcion avoit déjà commencé quelques

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