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années auparavant, et sa secte divisée en plusieurs branches avoit préparé la voie aux impiétés et aux rêveries que Manès y ajouta.

Au reste, les conséquences que ces hérétiques tiroient de cette doctrine n'étoient

VIII.

Conséquen

ces du faux

pas moins absurdes ni moins impies. L'ancien Testament principe des avec ses rigueurs n'étoit qu'une fable, ou en tout Manichéens. cas l'ouvrage du mauvais principe; le mystère de l'incarnation, une illusion; et la chair de Jésus-Christ, un fantôme: car la chair étant l'œuvre du mauvais principe, Jésus-Christ, qui étoit le Fils du bon Dieu, ne pouvoit pas l'avoir prise en vérité. Comme nos corps venoient du mauvais principe, et que nos ames venoient du bon, ou plutôt qu'elles en étoient la substance même, il n'étoit pas permis d'avoir des enfans, ni de lier la substance du bon principe avec celle du mauvais de sorte que le mariage, ou plutôt la génération des enfans étoit défendue. La chair des animaux, et tout ce qui en sort, comme les laitages, étoient aussi l'ouvrage du mauvais ; le vin étoit au même rang: tout cela étoit impur de sa nature, et l'usage en étoit criminel. Voilà donc manifestement ces hommes trompés par les démons dont parle saint Paul, qui devoient dans les derniers temps...... défendre le mariage, et rejeter comme immondes les viandes que Dieu avoit créées (1).

:

Ces malheureux, qui ne cherchoient qu'à

IX.

Les Mani

tromper le monde par des apparences, tâchoient chéens tàde s'autoriser par l'exemple de l'Eglise catho- choient de (1) I. Tim. IV. 1, 3.

s'autoriser

ques de l'E-.

lique, où le nombre de ceux qui s'interdisoient par les prati- l'usage du mariage par la profession de la conglise. tinence étoit très - grand, et où l'on s'abstenoit de certaines viandes, ou toujours, comme faisoient plusieurs solitaires, à l'exemple de Daniel (1), ou en certains temps, comme dans le temps de carême. Mais les saints Pères répondoient qu'il y avoit grande différence entre ceux qui condamnoient la génération des enfans, comme faisoient formellement les Manichéens (2), et ceux qui lui préféroient la continence avec l'apôtre et avec Jésus-Christ même (3), et qui ne se croyoient pas permis de reculer en arrière (4), après avoir fait profession d'une vie plus parfaite. C'étoit aussi autre chose de s'abstenir de certaines viandes, ou pour signifier quelque mystère, comme dans l'ancien Testament, ou pour mortifier les sens, comme on le continuoit encore dans le 'nouveau : autre chose de les condamner avec les Manichéens, comme impures, comme mauvaises; comme étant l'ouvrage non de Dieu, mais du mauvais. Et les Pères remarquoient que l'apôtre attaquoit expressément ce dernier sens, qui étoit celui des Manichéens, par ces paroles, Toute créature de Dieu est bonne (5); et encore par celle-ci, Il ne faut rien rejeter de ce que Dieu a créé ; et de là ils concluoient qu'il ne falloit pas s'étonner que le Saint-Esprit eût averti de si loin les fidèles d'une

(1) Dan. 1. 8, 12. - (2) August. cont. Faust. Manich. lib. xxx. eap. 3, 4, 5, 6; tom. vui, col. 445, et seq. (3) I. Cor. vi. 26, 32, 34, 38. Matt. xix. 12. -(4) Luc. 1x. 62.

(5) I. Tim. IV. 4.

si grande abomination par la bouche de saint Paul.

X.

Trois au

tres caracté

premier, l'es

Tels étoient les principaux points de la doctrine des Manichéens. Mais cette secte avoit encore des caractères remarquables: l'un, qu'au res des Manimilieu de ces absurdités impies, que le démon chéens. Le avoit inspirées aux Manichéens, ils avoient encore prit de sémêlé dans leurs discours je ne sais quoi de si duction. éblouissant, et une force si prodigieuse de séduction, que même saint Augustin, un si beau génie, y fut pris, et demeura parmi eux neuf ans durant, très-zélé pour cette secte (1). On remarque aussi que c'étoit une de celles dont on revenoit le plus difficilement: elle avoit, pour tromper les simples, des prestiges et des illusions inouies. On lui attribue aussi des enchantemens (2); et enfin on y remarquoit tout l'attirail de la séduction.

XI.

Second ca. ractère: l'hy

L'autre caractère des Manichéens est qu'ils savoient cacher ce qu'il y avoit de plus détestable dans leur secte avec un artifice si profond, que pocrisie. non-seulement ceux qui n'en étoient pas, mais encore ceux qui en étoient, y passoient un long temps sans le savoir. Car sous la belle couverture de leur continence, ils cachoient des impuretés qu'on n'ose nommer, et qui même faisoient partie de leurs mystères. Il y avoit parmi eux plusieurs ordres. Ceux qu'ils appeloient leurs auditeurs ne savoient pas le fond de la secte; et leurs élus, c'est-à-dire, ceux qui savoient tout le mystère,

seq.

(1) Lib. 1. cont. Faust. Man. c. 10. et Conf. lib. iv, C. I, et
- (2) Theodoret. Hæret. fab. lib. 1, cap. ult. de Manete; p. 212,

et seq.

XII. Troisième

caractère: se mêler avec

en cachoient soigneusement l'abominable secret, jusqu'à ce qu'on y eût été préparé par divers degrés. On étaloit l'abstinence et l'extérieur d'une vie non-seulement belle, mais encore mortifiée; et c'étoit une partie de la séduction de venir comme par degrés à ce qu'on croyoit plus parfait, à cause qu'il étoit caché.

Pour troisième caractère de ces hérétiques, nous y pouvons encore observer une adresse inconcevable à se mêler parmi les fidèles, et à s'y ques dans les cacher sous la profession de la foi catholique ; car Eglises, et se cette dissimulation étoit un des artifices dont ils se

les Catholi

cacher.

servoient pour attirer les hommes dans leurs sentimens. On les voyoit dans les églises avec les autres ils y recevoient la communion; et encore qu'ils n'y reçussent jamais le sang de notre Seigneur, tant à cause qu'ils détestoient le vin dont on se servoit pour le consacrer, qu'à cause aussi qu'ils ne croyoient pas que Jésus-Christ eût eu du vrai sang; la liberté qu'on avoit dans l'Eglise de participer ou à une ou à deux espèces, fit qu'on fut long-temps sans s'apercevoir de leur perpétuelle affectation à rejeter celle du vin consacré. Ils furent donc à la fin reconnus par saint Léon à cette marque (1) mais leur adresse à tromper les yeux, quoique vigilans. des Catholiques, étoit si grande, qu'ils se cachèrent encore, et furent à peine découverts sous le pontificat de saint Gélase. Alors donc, pour les rendre tout-à-fait reconnoissables au peuple, il en fallut venir à une défense expresse

(1) Leo 1, serm. 41, qui est 1v de Quadr. cap. 4 et 5.

de communier autrement que sous les deux espèces; et pour montrer que cette défense n'étoit pas fondée sur la nécessité de les prendre toujours ensemble, saint Gelase l'appuie en termes formels, sur ce que ceux qui refusoient le vin sacré le faisoient par une certaine superstition (1): preuve certaine que hors la superstition, qui rejetoit comme mauvaise une des parties du mystère, l'usage de sa nature en eût été libre et indifférent, même dans les assemblées solennelles. Les Protestans, qui ont cru que ce mot de superstition n'étoit pas assez fort pour exprimer les abominables pratiques des Manichéens, ne songent pas que ce mot signifie dans la langue latine toute fausse religion; mais qu'il est particulièrement affecté à la secte des Manichéens, à cause de leurs abstinences et observances superstitieuses les livres de saint Augustin en sont de bons témoins (2).

XIII.

Les Pauli

d'Arménie.

Cette secte si cachée, si abominable, si pleine de séduction, de superstition et d'hypocrisie, ciens ou les malgré les lois des Empereurs, qui en avoient Manichéens condamné les sectateurs au dernier supplice, ne laissoit pas de se conserver, et de se répandre. L'empereur Anastase et l'impératrice Théodore, femme de Justinien l'avoient favorisée. On en voit les sectateurs sous les enfans d'Héraclius, c'est-àdire, au septième siècle, en Arménie, province

(3) Gelas. in Dec. Grat. de cons. distinct. 1. cap. Comperimus. Ivo. Microl. etc. (2) De morib. Ecc. Cath. c. 34. n. 74. De morib. Man. c. 18, n. 65. tom. 1, col. 713 et 739. Cont. Ep. Fundam. c. 15. n. 19. tom. viii. col. 161.

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