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voisine de la Perse, d'où cette fable détestable étoit venue, et autrefois sujette à son empire. Ils y furent ou établis, ou confirmés par un nommé Paul (1), d'où le nom de Pauliciens leur fut donné en Orient, par un nommé Constantin, et enfin par un nommé Serge : et ils y parvinrent à une si grande puissance, ou par la foiblesse du gouvernement, ou par la protection des Sarrasins, ou même par la faveur de l'empereur Nicéphore très-attaché à cette secte (2), qu'à la fin persécutés par l'impératrice Théodore, femme de Basile (*), ils se trouvèrent en état de bâtir des villes, et de prendre les armes contre leurs princes (3). Ces guerres furent longues et sanglantes sous l'empire de Basile le Macédonien, c'est-à-dire, par Pierre de à l'extrémité du neuvième siècle. Pierre de Sicile Sicile, adres- fut envoyé par cet Empereur à Tibrique en Arvêque de Bul- ménie (4), que Cédrénus appelle Téphrique (5), une des places de ces hérétiques, pour y traiter de l'échange des prisonniers. Durant ce temps il connut à fond les Pauliciens; et il adressa un livre

XIV.

Histoire des Pauliciens,

sée à l'arche

garic.

(2) Cedr. t. 11. p. 480.

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(1) Cedr. tom. 1. p. 432. (3) Ibid. p. 541. · (4) Petr. Sic. Hist. de Manich. (5) Cedr. ibid. p. 541, etc.

(*) Théodore étoit femme de Théophile. A la mort de ce prince, arrivée au mois de janvier 842, elle prit les rênes du gouvernement pendant la minorité de Michel III son fils. Ce fut pendant sa régence, qu'après avoir inutilement tenté de convertir les Pauliciens ou Manichéens d'Arménie par les voies de douceur, elle employa la rigueur contre eux. Ces hérétiques se réfugiérent sur les terres des Musulmans, et en tirèrent des secours pour faire la guerre à l'Empire. Basile le Macédonien, qui succéda à Michel, remporta sur eux de grandes victoires. ( Edit. de Versailles.)

sur leurs erreurs à l'archevêque de Bulgarie pour les raisons que nous verrons. Vossius reconnoît que nous avons une grande obligation à Radérus, qui nous a donné en grec et en latin une histoire si particulière et si excellente (1). Pierre de Sicile nous y désigne ces hérétiques par leurs propres caractères, par leurs deux principes, par le mépris qu'ils avoient pour l'ancien Testament, par leur adresse prodigieuse à se cacher quand ils vouloient, et par les autres marques que nous avons vues (2). Mais il en remarque deux ou trois qu'il ne faut pas oublier : c'étoit leur aversion particulière pour les images de la croix, suite naturelle de leur erreur, puisqu'ils rejetoient la passion et la mort du Fils de Dieu; leur mépris pour la sainte Vierge, qu'ils ne tenoient point. pour mère de Jésus-Christ, puisqu'il n'avoit pas de chair humaine; et surtout leur éloignement pour l'Eucharistie.

XV.

Convenan

réfutés par

Cédrénus, qui a pris de cet historien la plupart des choses qu'il raconte des Pauliciens, ce des Paulimarque après lui ces trois caractères, c'est-à- ciens avec les dire, leur aversion pour la croix, pour la sainte Manichéens Vierge, et pour la sainte Eucharistie (3). Les an- saint Augusciens Manichéens avoient les mêmes sentimens. tin. Nous apprenons de saint Augustin (4), que leur Eucharistie n'étoit pas la nôtre, mais quelque chose de si exécrable qu'on n'ose même y penser loin qu'on puisse l'écrire. Mais les nouveaux Ma

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XVI.

Pauliciens

nichéens avoient encore reçu des anciens une aut tre doctrine qu'il importe de remarquer. Dès le temps de saint Augustin, Fauste le Manichéen reprochoit aux Catholiques leur idolâtrie dans le culte qu'ils rendoient aux saints martyrs, et dans les sacrifices qu'ils offroient sur leurs reliques (1). Mais saint Augustin leur faisoit voir que ce culte n'avoit rien de commun avec celui des Païens, parce que ce n'étoit pas le culte de latrie ou de sujétion et de servitude parfaite (2); et que, si on offroit à Dieu l'oblation sainte du corps et du sang de Jésus-Christ aux tombeaux et sur les reliques des martyrs, on se gardoit bien de leur offrir ce sacrifice; mais qu'on espéroit seulement << par-là s'exciter à l'imitation de leurs vertus, » s'associer à leurs mérites, et enfin être secouru » par leurs prières (3) ». Une réponse si nette n'empêcha pas que les nouveaux Manichéens ne continuassent dans les calomnies de leurs pères. Pierre de Sicile nous rapporte qu'une femme manichéenne séduisit un laïque ignorant nommé Serge (4), en lui disant que les Catholiques honoroient les saints comme des divinités, et que c'étoit pour cette raison qu'on empêchoit les laïques de lire la sainte Ecriture, de peur qu'ils ne découvrissent plusieurs semblables erreurs.

C'étoit par de telles calomnies que les ManiDessein des chéens séduisoient les simples. On a toujours remarqué parmi eux un grand désir d'étendre leur secte. Pierre de Sicile découvrit, durant le temps

sur les Bul

gares, et

(1) Lib. xx. cont. Faust. c. 4. tom. VIII. col. 233, et seq. · (2) Ibid. c. 21, et seq. — (3) Ibid. c. 18. (4) Pet. Sic. ibid.

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Sicile pour

de son ambassade à Tibrique, qu'il avoit été ré- instruction solu dans le conseil des Pauliciens, d'envoyer des de Pierre de prédicateurs de leur secte dans la Bulgarie, pour en empêcher en séduire les peuples nouvellement convertis (1). l'effet. La Thrace, voisine de cette province, étoit il y avoit déjà long-temps infectée de cette hérésie. Ainsi il n'y avoit que trop à craindre pour les Bulgares, si les Pauliciens les plus artificieux des Manichéens, entreprenoient de les séduire; et c'est ce qui obligea Pierre de Sicile d'adresser à leur archevêque le livre dont nous venons de parler, afin de les prémunir contre des hérétiques si dangereux. Malgré ses soins, il est constant que l'hérésie manichéenne jeta de profondes racines dans la Bulgarie, et c'est de là qu'elle se répandit bientôt après dans le reste de l'Europe; ce qui fit donner, comme nous verrons, le nom de Bulgares aux sectateurs de cette hérésie.

XVII. Les Manichéens com

mencent à

Occident après l'an

1000 de no

Mille ans s'étoient écoulés depuis la naissance de Jésus-Christ, et le prodigieux relâchement de la discipline menaçoit l'Eglise d'Occident de quelque malheur extraordinaire. C'étoit peut- paroître en être aussi le temps de ce terrible déchaînement de Satan, marqué dans l'Apocalypse (2), après mille ans; ce qui peut signifier d'extrêmes désordres: tre Seigneur. mille ans après que le fort armé, c'est-à-dire le démon victorieux, fut lié par Jésus-Christ venant au monde (3). Quoi qu'il en soit, dans ce temps et en 1017, sous le roi Robert on découvrit à Orléans des hérétiques d'une doctrine qu'on ne con

(1) Petr. Sic. initio lib. XII. 29. Luc. XI. 21, 22.

(2) Apocal. xx. 2, 3, 7. — (3) Matt.

XVIII.

noissoit plus il y avoit long-temps parmi les Latins (1).

Une femme italienne avoit apporté en France Manichéens cette damnable hérésie. Deux chanoines d'Orvenus d'Ita

lie, décou- léans, l'un nommé Etienne ou Heribert, et l'autre verts sous le nommé Lisoïus, qui étoient en réputation, furoi Robert à rent les premiers séduits. On eut beaucoup de

Orléans.

XIX.

Suite.

peine à découvrir leur secret. Mais enfin un Arifaste, qui soupçonna ce que c'étoit, s'étant introduit dans leur familiarité, ces hérétiques et leurs sectateurs confessèrent avec beaucoup de peine qu'ils nioient la chair humaine en Jésus-Christ; qu'ils ne croyoient pas que la rémission des péchés fût donnée dans le Baptême, ni que le pain et le vin pussent être changés au corps et au sang de Jésus-Christ (2). On découvrit qu'ils avoient une Eucharistie particulière, qu'ils appeloient la viande céleste. Elle étoit cruelle et abominable, et toutà-fait du génie des Manichéens, quoiqu'on ne la trouve pas dans les anciens. Mais outre ce qu'on en vit à Orléans, Gui de Nogent la remarque encore en d'autres pays (3). Il ne faut pas s'étonner qu'on trouve de nouveaux prodiges dans une secte si cachée, soit qu'elle les invente, ou qu'on les y découvre de nouveau.

Voilà de vrais caractères de manichéisme. On a vu que ces hérétiques rejetoient l'Incarnation. Pour le Baptême, saint Augustin dit expressément que les Manichéens ne le donnoient pas, et

(1) Acta Conc. Aurel. Spicil. tom. 11. Conc. Lab. t. 1x : col. 836. Glab. lib. 111. c. 8. (2) Glab. ibid. Acta Conc. Aurel. Conc. Labb. ibid. (3) De vita sua lib. 1. c. 16.

le

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