Images de page
PDF
ePub

ou qu'on ajoute dans une proposition ce qui en appuie la vérité, comme quand je dis : Les raisons d'astronomie nous convainquent que le soleil est beaucoup plus grand que la terre; car cette première partie n'est que l'appui de l'affirmation.

Néanmoins il est important de remarquer qu'il y a de ces sortes de propositions qui sont ambigues et qui peuvent être prises différemment, selon le dessein de celui qui les prononce, comme si je dis : Tous les philosophes nous assurent que les choses pesantes tombent d'elles-mêmes en bas; si mon dessein est de montrer que les choses pesantes tombent d'elles-mêmes en bas, la première partie de cette proposition ne sera qu'incidente et ne fera qu'appuyer l'affirmation de la dernière partie; mais si, au contraire, je n'ai dessein que de rapporter cette opinion des philosophes, sans que moi-même je l'approuve, alors la première partie sera la proposition principale, et la dernière sera seulement une partie de l'attribut; car ce que j'affirmerai ne sera pas que les choses pesantes tombent d'elles-mêmes, mais seulement que tous les philosophes l'assurent. Et il est aisé de voir que ces deux différentes manières de prendre cette même proposition la changent tellement, que ce sont deux différentes propositions, et qui ont des sens tout différents. Mais il est souvent aisé de juger par la suite auquel de ces deux sens on la prend; car, par exemple, si, après avoir fait cette proposition, j'ajoutais: or les pierres sont pesantes; donc elles tombent en bas d'elles-mêmes, il serait visible que je l'aurais prise au premier sens, et que la première partie ne serait qu'incidente; mais si, au contraire, je concluais ainsi : or, cela est une erreur; et par conséquent il peut se faire qu'une erreur soit enseignée par tous les philosophes, il serait manifeste que je l'aurais prise dans le second sens, c'est-à-dire que la première partie serait la proposition principale,, et que la seconde ferait partie seulement de l'attribut.

De ces propositions complexes, où la complexion tombe sur le verbe et non sur le sujet ni sur l'attribut, les philosophes ont particulièrement remarqué celles qu'ils ont appelées modales, parce que l'affirmation ou la négation y est modifiée par l'un de ces quatre modes possible, contingent, impossible, nécessaire; et parce que chaque mode peut être affirmé ou nié, comme il est

impossible, il n'est pas impossible, et en l'une et en l'autre façon être joint avec une proposition affirmative ou négative, que la terre est ronde, que la terre n'est pas ronde; chaque mode peut avoir quatre propositions, et les quatre ensemble seize, qu'ils ont marquées par ces quatre mots : PURPUREA, ILIACE, AMABIMUS, EDENTULI, dont voici tout le mystère. Chaque syllabe marque un de ces quatre modes.

[blocks in formation]

Et la voyelle qui se trouve dans chaque syllabe, qui est ou A, ou E, ou I, ou U, marque si le mode doit être affirmé ou nié, et si la proposition qu'ils appellent dictum doit être affirmée ou niée en cette manière :

A, l'affirmation du mode et l'affirmation de la proposition;
E, l'affirmation du mode et la négation de la proposition;
I, la négation du mode et l'affirmation de la proposition;
U, la négation du mode et la négation de la proposition;

Ce serait perdre le temps que d'en apporter des exemples qui sont faciles à trouver. Il faut seulement observer que PURPUREA répond à l'A des propositions complexes, ILIACE à E, AMABIMUS à I, EDENTULI à U, et qu'ainsi, si on veut que les exemples soient vrais, il faut, ayant pris un sujet, prendre pour purpurea un attribut qui en puisse être universellement affirmé; pour iliace, qui en puisse être universellement nié; pour amabimus, qui en puisse être affirmé particulièrement, et pour edentuli, qui en puisse être nié particulièrement.

Mais quelque attribut qu'on prenne, il est toujours vrai que toutes les quatre propositions d'un même mot n'ont que le même sens; de sorte que l'une étant vraie, toutes les autres le sont aussi.

CHAPITRE IX.

Des diverses sortes de propositions composées.

Nous avons déjà dit que les propositions composées sont celles qui ont ou un double sujet ou un double attribut. Or, il y en a de deux sortes les unes où la composition est expressément marquée, et les autres où elle est plus cachée, et que les logiciens, pour cette raison, appellent exponibles, qui ont besoin d'être exposées ou expliquées.

On peut réduire celles de la première sorte à six espèces : les copulatives et les disjonctives, les conditionnelles et les causales, les relatives et les discrétives.

DES COPULATIVES.

On appelle copulatives celles qui enferment ou plusieurs sujets ou plusieurs attributs joints par une conjonction affirmative ou négative, c'est-à-dire et ou ni; car ni fait la même chose que et en ces sortes de propositions, puisque ni signifie et avec une négation qui tombe sur le verbe et non sur l'union des deux mots qu'il joint, comme si je dis que la science et les richesses ne rendent pas un homme heureux, j'unis autant la science aux richesses, en assurant de l'une et de l'autre qu'elles ne rendent pas un homme heureux, que si je disais que la science et les richesses rendent un homme vain.

On peut distinguer de trois sortes de ces propositions :

1° Quand elles ont plusieurs sujets.

Mors et vita in manu linguæ.

La mort et la vie sont en la puissance de la langue.

2o Quand elles ont plusieurs attributs.

Auream quisquis mediocritatem
Diligit, tutus caret obsoleti

Sordibus tecti, caret invidenda
Sobrius aula1.

Celui qui aime la médiocrité, qui est si estimable en toutes choses, n'est logé ni malproprement ni superbement.

[blocks in formation]

Un esprit bien fait espère une bonne fortune dans la mauvaise et en craint une mauvaise dans la bonne.

3o Quand elles ont plusieurs sujets et attributs.

Non domus et fundus, non æris acervus et auri,
Egroto domini deduxit corpore febres,

Non animo curas3.

Ni les maisons, ni les terres, ni les plus grands amas d'or et d'argent ne peuvent ni chasser la fièvre du corps de celui qui les possède, ni délivrer son esprit d'inquiétude et de chagrin.

:

La vérité de ces propositions dépend de la vérité de toutes les deux parties; ainsi, si je dis la foi et la bonne vie sont nécesparce que l'une et l'autre y est la bonne vie et les richesses sont

:

saires au salut, cela est vrai, nécessaire; mais si je disais nécessaires au salut, cette proposition serait fausse, quoique la bonne vie y soit nécessaire, parce que les richesses n'y sont pas nécessaires.

Les propositions qui sont considérées comme négatives et contradictoires à l'égard des copulatives, et de toutes les autres composées, ne sont pas toutes celles où il se rencontre des négations, mais seulement celles où la négation tombe sur la conjonction;

1. Horace, Odes, II, 10.

2. Id., ibid.

3. Horace, Épîtres, 1, 2, v. 48.

ce qui se fait en diverses manières, comine en mettant le nom à la tête de la proposition, non enim amas et deseris, dit saint Augustin; c'est-à-dire, il ne faut pas croire que vous aimez une personne et que vous l'abandonniez.

Car c'est encore en cette manière qu'on rend une proposition contradictoire à la copulative, en niant expressément la conjonc tion; comme lorsqu'on dit qu'il ne peut pas se faire qu'une chose soit en même temps cela et cela :

Qu'on ne peut pas être amoureux et sage,

Amare et sapere, vix Deo conceditur“.

Que l'amour et la majesté ne s'accordent point ensemble,
Non bene conveniunt, nec in una sede morantur
Majestas et amor2.

DES DISJONCTIVES.

Les disjonctives sont de grand usage, et ce sont celles où entre la conjonction disjonctive vel, ou.

L'amitié, ou trouve les amis égaux, ou les rend égaux.

Amicitia pares aut accipit, aut facit 3.

Une femme aime ou hait, il n'y a point de milieu.

Aut amat, aut odit mulier, nihil est tertium“.

Celui qui vit dans une entière solitude est une bête ou un ange (dit Aristote)".

Les hommes ne se remuent que par l'intérêt ou par la crainte. La terre tourne autour du soleil, ou le soleil autour de la terre.

1. P. Syrus, Sentent., 20.

2. Ovide, Métamorph., II, 846. 3. P. Syrus, Sentent., 26.

4. P. Syrus, Sentent.

5. « Celui qui reste sauvage par organisation et non par l'effet du hasard, est certainement ou dégradé, ou supérieur à l'espèce humaine.> Aristote, Politique, I, 1.

« PrécédentContinuer »