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Des bons nez chez les parasites,
Des yeux doux chez les hypocrites,
Des bras longs chez les gens de cour,
C'est ce que l'on voit chaque jour :
Des doigts courts chez les commissaires,
Des mains gourdes chez les sergens,
Chez les clercs de mauvaises dents,
C'est ce qu'on ne voit guères.

Qu'un objet qui danse ou qui chante
Fasse une figure brillante
Moyennant un certain secours,
C'est ce que l'on voit tous les jours;
Mais qu'en ce métier l'on prospère,
Sans vendre fort cher à quelqu'un
Quelque chose de très-commun,
C'est ce qu'on ne voit guère.

Des forgeurs de pièce nouvelle,
Des gens qui s'usent la cervelle
Pour trouver quelques traits pointus,
C'est ce que l'on voit tant et plus :
Aux Français de nouveaux Molières,
A l'Opéra du vrai Lulli;

De l'Almanzine en ce lieu-ci,
C'est ce qu'on ne voit guères.

PANARD.

LA TREILLE DE SINCÉRITÉ.

NOUS

( N. 1113).

ous n'avons plus cette merveille, Ce phénomène regretté,

La treille

De sincérité.

Cette treille miraculeuse,
Dont la vertu tient du roman,
Passa long-temps pour fabuleuse
Chez le Gascon et le Normand;
Mais des garans très-authentiques
Ont lu, dans un savant bouquin,
Que son raisin des plus antiques
Existait sous le roi Pépin.
Nous n'avons plus, etc.

Un docteur, qui faisait parade
De son infaillibilité,

Allant visiter un malade,

Vit le raisin, et fut tenté;

Puis de son homme ouvrant la porte,
Et le trouvant sans pouls ni voix,
C'est, dit-il, (le diable m'emporte!)
Le trentième depuis un mois.
Nous n'avons plus, etc.

Un auteur, sous son frais ombrage,
Lisant un poëme fort beau,

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A chaque feuille de l'ouvrage
S'humectait d'un raisin nouveau.
« Çà, lui dit-on, un tel poëme
» Vous a coûté six mois et plus?....
-« Non, reprit-il à l'instant même...
>> Il m'a coûté cinquante écus... >>>
Nous n'avons plus, etc.

Sous la treille, un petit Pompée
Criait aux badauds étonnés :

« Dans ma vie, ah! quels coups d'épée,

» Quels coups de sabre j'ai donnés!

» Quels coups de fusil! quels coups!.... >> Zeste, Il mord la grappe là-dessus,

Et poursuit, d'un air plus modeste :

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Quels coups de bâton j'ai reçus!
Nous n'avons plus, etc.

Au moment de donner la vie
A l'héritier de son époux,
Une jeune femme eut envie
De ce raisin si beau, si doux

;

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Et le pauvre homme, ayant pour elle
Cueilli le fruit qu'elle happa:

« Que mon cousin, lui dit la belle,
» Sera content d'être papa!»

Nous n'avons plus, etc.

Un curé, que le saint bréviaire
Amusait moins que le bon vin,
S'avisa de monter en chaire
Plein du jus du fațal raisin.
Frères, dit il à l'auditoire,
Malgré tout ce que je vous dis,
Je sais aimer, chanter et boire,
Et je fais gras les vendredis...
Nous n'avons plus, etc.

Mais, hélas! par l'ordre du prince,
Ce raisin, justement vanté,
Un jour, du fond de sa province,
Près du trône fut transplanté.
<< Pauvre treille, autrefois si belle,
>> Que venais-tu faire à la cour ?»
L'air en fut si malsain pour elle,
Qu'elle y mournt le premier jour.
Nous n'avons plus cette merveille,
Ce phénomène regretté,

La treille

De sincérité.

DÉSAUGIERS.

LA TRAGÉDIE ET LA COMÉDIE.

Air: C'est ce qui me désole. ( N.o 428 ).

LUCINDE, en perdant son époux,
Pleure, et du sort maudit les coups;
Voilà la Tragédie. (bis.)
Trois jours après, elle a grand soin
De sangloter devant témoin;

Voilà la Comédie. (quatre fois.)

Dans certains drames, quelquefois,
Les bourgeois s'expriment en rois ;
Voilà la Tragédie.

On en voit d'autres où les rois
S'expriment comme des bourgeois ;
Voilà la Comédie.

Au bois deux auteurs d'opéra
Vont pour savoir qui périra;

Voilà la Tragédie.

Les rivaux, prompts à pardonner,
S'embrassent, et vont déjeûner;
Voilà la Comédie.

Vaudevilles.

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