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sauvoient avec les nôtres avant votre réformation? Ce seroit une malheureuse manière de réformer l'Eglise, si avant qu'on pensât à la réformer tous les chrétiens pouvoient se sauver dans l'unité, et qu'après la réformation on ne puisse plus se sauver que par le schisme.

Mais je ne veux point me jeter sur la controverse : je vous écris seulement pour vous inviter à revenir et à ramener ceux que vous pourrez, même M. le Sueur. Vous me trouverez toujours les bras ouverts, et je n'oublierai rien de ce que je pourrai faire pour votre service. Je joins mes prières avec les larmes de mademoiselle ***. Vous avez assez donné à vos anciens préjugés revenez à la Pierre dont vous avez été séparé; et songez qu'il ne faut point se complaire quand on souffre persécution, si l'on n'est bien assuré que ce soit pour la justice. Vous trouverez dans l'Eglise catholique, avec Dieu et Jésus-Christ, tout le bien spirituel que vous pouvez souhaiter : vous y trouverez l'unité et l'autorité de l'Eglise universelle; et vous éviterez des maux que Dieu ne vous comptera pas, pour ne rien dire de pis. Revenez donc, encore une fois, je vous en conjure je ne cesserai de vous rappeler par mes vœux et par mes prières, étant cordialement, et avec l'esprit d'un véritable pasteur, etc.

A Meaux, ce 17 octobre 1685.

DONNÉE A M. DE BORDES.

Sur plusieurs points relatifs à son changement de croyance.

I. JE déclare à M. de Bordes qu'il peut, sans hésiter, suivre la doctrine exposée dans le livre intitulé: Exposition de la Doctrine Catholique dans les matières controversées, comme étant tirée du saint concile de Trente, et approuvée sans contradiction dans toute l'Eglise, et spécialement par deux brefs exprès de notre saint Père le Pape, par la délibération de tout le clergé de France assemblé en corps l'an 1682, et par un grand nombre de prélats et de docteurs de toutes les nations, dont les approbations sont à la tête.

II. Je l'exhorte à lire l'Ecriture sainte, et particulièrement l'Evangile, dans les versions approuvées et autorisées dans l'Eglise, et d'y chercher sa nourriture, sa consolation et sa vie, en l'entendant et l'interprétant comme elle a toujours été entendue par les saints Pères et par l'Eglise catholique. III. Je l'exhorte pareillement à lire les versions approuvées de la sainte messe, ou Liturgie sacrée, et de tout l'office divin; et je puis l'assurer par avance qu'il trouvera une particulière consolation dans cette lecture, et qu'il admirera la sagesse qui anime le corps de l'Eglise dans la distribution des divers offices, où tous les mystères de l'ancien et du nouveau Testament, et principalement ceux de notre Seigneur Jésus-Christ, sont célébrés et renouvelés,

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DÉCLARATION DONNÉE A M. DE BORDES.

avec une pieuse commémoration des saints hommes qui ont été sanctifiés par ces mystères, et qui en ont rendu témoignage par leur admirable vie ou même par le martyre.

IV. Quant au désir qu'il a du rétablissement de la coupe; comme il n'en a pas fait une condition de son retour, et qu'il est entièrement soumis en ce point, comme dans les autres, à la doctrine de l'Eglise catholique, je n'improuve pas ce désir, d'autant plus qu'il se soumet à la prudente dispensation du Père commun des chrétiens, à qui le saint concile de Trente a renvoyé cette affaire. Il communiera en attendant, quand il y sera préparé par la confession et absolution sacramentelle, en la manière usitée dans l'Eglise catholique et je le prie de considérer quel est l'aveuglement de ceux qui font de si grandes plaintes sur le retranchement d'une des espèces, quoiqu'il soit fondé sur une doctrine si solide, et se sont laissé ravir, sans se plaindre, la communication et présence substantielle du corps et du sang de Jésus-Christ, où nous trouvons la vie quand nous y participons avec une vive foi.

J. BÉNIGNE, Ev. de Meaux.

Donné à Paris, ce 24 novembre 1685,

LETTRE CXX.

DE MILORD, DUC DE PERTH (1).

..

Sur la manière dont il a été converti à la vraie foi, et les raisons qui lui ont fait différer de se réconcilier à l'Eglise.

DEPUIS la mort du feu Roi (2), Sa Majesté présen

fut

(1) Jacques Drummond, troisième du nom, duc de Perth, fait conseiller d'Etat en 1670, grand justicier d'Ecosse l'an 1680, grand chancelier d'Ecosse l'an 1684. Il professa d'abord la religion anglicane: mais il en reconnut dans la suite l'illusion, et fut convaincu de la vérité de la foi catholique en la manière qu'il le décrit lui-même dans ses lettres à Bossuet. Son attachement à l'Eglise catholique et au service du roi Jacques II, l'exposèrent à beaucoup de mauvais traitemens dont ses lettres font le récit.

Nous ignorons à qui les trois lettres dont nous donnons l'extrait ont été écrites: peut-être pourrions-nous conjecturer que la personne dont il s'agit est madame de Crolly, sœur du duc de Gourdon, dont Bossuet a marqué lui-même le nom au dos de la feuille qui contient les extraits des deux premières de ces lettres. Nous sommes d'autant plus fondés à le penser, que milord Perth dit lui-même, dans ses lettres à Bossuet, que la personne à laquelle il écrivoit étoit sa parente et sa belle-sœur ; ce qui se rencontre exactement dans madame de Crolly, dont ce lord avoit épousé la sœur. Au reste, ce fut l'abbé Renaudot qui donna communication au prélat de ces différentes lettres. Quoiqu'elles ne s'adressent pas directement à Bossuet, nous en rapportons ici l'extrait; parce qu'elles le regardent particulièrement, et que d'ailleurs elles sont nécessaires pour faire connoître au lecteur les circonstances de la conversion de ce Seigneur, dont nous verrons bientôt plusieurs lettres écrites à Bossuet lui-même.

(2) Charles II, fils de Charles I.cr et de Henriette de France, né le 22 mai 1630, et mort le 16 février 1685, dans la cinquante-cinquième année de son âge.

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tement régnante (1) m'a fait voir un papier (2) touchant la véritable Eglise, que je crois que vous aurez vu. J'y ai trouvé de si fortes raisons, que je n'ai pu depuis avoir de repos que je n'eusse examiné la matière par la lecture des livres, par des conférences, et en faisant sur ce sujet beaucoup de réflexions. Quand j'en fus entièrement éclairci, je me trouvai engagé à examiner les autres points qui sont en controverse; ce que je fis en me dégageant, autant qu'il étoit possible, de tout sentiment de partialité. L'excellent livre de l'évêque de Meaux, de l'explication de la doctrine de l'Eglise, m'a été d'un si grand secours, que je voudrois en reconnoissance de ce que je dois à ce digne prélat, lui baiser les pieds tous les jours. Un Jésuite de piété éminente, le père Widrington, m'a témoigné en cette occasion beaucoup d'amitié, et m'a été fort utile.

Ainsi il ne me restoit plus qu'un scrupule, qui m'a fait différer quelque temps de me réconcilier à l'Eglise catholique c'étoit la crainte que j'avois qu'on ne crût qu'à cause que le Roi est de cette même religion, je me convertissois plutôt pour lui

(1) Jacques II, duc d'Yorck, fils de Charles I.er et de Henriette de France, né le 24 octobre 1633, proclamé roi à Londres le 16 février 1685, couronné le 3 mai suivant; détrôné en 1688 par le prince d'Orange, stadhouder de Hollande, son gendre, et mort à Saint-Germain-en-Laye, le 16 septembre 1701, dans la soixantehuitième année de son âge.

(2) Bossuet, dans sa lettre à milord Perth, du 28 novembre 1685, nous apprend que cet écrit étoit de feu madame la duchesse d'Yorck première femme de Jacques II, roi d'Angleterre, auparavant duc d'Yorck. Il parle encore d'un écrit de Charles II, frère et prédécesseur de Jacques, qui contribua aussi à la conversion du lord.

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