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divine, et maintenus en vigueur par un travail continuel dans la vigne du Seigneur, vous mettent au-dessus des autres hommes. Il faut fermer les yeux à la lumière, pour ne pas reconnoître la vérité, de la manière dont elle est exposée par votre excellente plume. Vous êtes comme un autre saint Paul, dont les travaux ne se bornent pas à une seule nation ou à une seule province : vos ouvrages parlent présentement en la plupart des langues de l'Europe; et vos prosélytes publient vos triomphes en des langues que vous n'entendez pas.

Je suis obligé en mon particulier de rendre grâces à Dieu, de ce que j'ai appris une langué par le moyen de laquelle j'ai reçu un si grand avantage. Si j'avois pu écrire en cette même langue, j'aurois eu le bonheur de vous expliquer mes pensées sans le secours d'un interprète. Je suis donc obligé, Monseigneur, de prier M. l'abbé Renaudot, qui vous a fait connoître l'engagement que j'ai contracté avec vous, puisque je suis devenu un de vos enfans, et par le moyen duquel j'ai reçu les offres charitables que vous avez faites de votre secours pour mon instruction, et pour me confirmer dans la connoissance de la vérité, de vous interpréter ce très-humble témoignage de ma reconnoissance envers vous, qui je suis redevable d'un si grand bien.

à

En vérité, Monseigneur, je le ressens autant que mon cœur en est capable. Si je pouvois vous aller trouver, j'accepterois très-volontiers vos offres généreuses; quoique, grâce à Dieu, il ne me soit pas resté le moindre scrupule touchant la doctrine de l'Eglise catholique, avant même que je fisse pro

fession de cette sainte foi. Je puis dire, Monseigneur, que je l'ai embrassée contre tout ce qu'il y avoit de considérations mondaines; et que si la force de la vérité ne m'avoit pas porté à le faire, j'aurois eu le malheur de mourir dans l'incrédulité. Mais en étant pleinement convaincu, je crois qu'étant soutenu par la force de la grâce de Dieu, je l'aurois embrassée quand même il auroit fallu souffrir une mort cruelle un moment après.

Permettez-moi, Monseigneur, de dire que je bénis Dieu pour la grâce qu'il m'a faite de connoître la lumière de la vérité, et de vous rendre ensuite de très-humbles grâces de l'avantage que j'ai reçu par votre moyen. Je suis incapable de vous rendre aucun service; et même au lieu de m'acquitter de ce que je vous dois, il faut que je m'engage à vous devoir encore davantage, en vous demandant votre bénédiction et vos prières; afin qu'avec la connoissance de la véritable religion, Dieu me fasse la grâce de vivre conformément à ce qu'elle enseigne, et que je ne déshonore pas une si sainte profession. Cette charité ajoutera à l'obligation que j'ai déjà d'être avec toute la soumission possible et un profond respect, etc.

De Londres, ce 12 novembre 1685.

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LETTRE CXXIV.

A MILORD PERTH (1).

Il relève les circonstances admirables de sa conversion, lui témoigne combien il est touché de l'aveuglement de l'Angleterre, et le désir ardent qu'il a d'y voir refleurir la vraie foi.

VOTRE Conversion a rempli de joie le ciel et la terre, et je ne puis vous exprimer combien elle a fait répandre de pieuses larmes. On voit clairement que c'est l'œuvre de la main de Dieu. Les conjonctures dans lesquelles vous vous êtes déclaré ont fait voir que vous étiez ce sage négociateur de l'Evangile, qui, ayant trouvé la vérité comme une perle d'un prix inestimable, a donné tout ce qu'il avoit pour l'acquérir: c'est, Milord, ce que vous avez fait. Vous avez fait même quelque chose de plus : car, en vous exposant à tout pour le royaume de Dieu, vous avez eu encore à craindre les reproches de ceux qui soupconneroient que vous aviez agi par des vues humaines, qui est la chose du monde la plus capable

1

(1) C'est ici la première lettre de Bossuet à milord Perth: mais depuis cette époque jusqu'au jour où ce lord fut arrêté, le prélat lui en écrivit plusieurs autres, dont aucune ne nous est parvenue. Il est à présumer que la populace, qui, après s'être révoltée, vint fondre dans l'hôtel du lord, où elle pilla tout ce qu'elle trouva, brûla les portraits du Roi, de Bossuet, du lord, et jusqu'à un crucifix, n'aura pas épargné ses papiers, et que les lettres de notre prélat auront été consumées dans cet incendie. Nous avons d'autant plus lieu de le penser, que les lettres écrites par Bossuet à ce lord, depuis sa prison, nous ont toutes été conservées : son fils en envoya des copies exactes à l'évêque de Troyes, sur lesquelles elles seront ici imprimées.

d'affliger un cœur aussi bon et aussi généreux que le vôtre. Dieu par sa grâce vous a élévé au-dessus de toutes ces tentations; et touché de son Saint-Esprit, vous avez dit avec saint Paul: Quand il a plu à celui qui m'a choisi et qui m'a appelé par sa grâce, incontinent je n'ai plus écouté la chair ni le sang (1). Voilà, Milord, ce qui réjouit toute l'Eglise. La part que vous publiez que Dieu m'a donnée à ce grand ouvrage, sert encore à montrer qu'il est celui qui emploie les petites choses, non plus pour confondre, mais pour accomplir les grandes; et l'honneur que vous rendez à l'épiscopat en mon indigne personne, achève de découvrir en vous un cœur véritablement chrétien.

J'espère donc, Milord, que Dieu qui a opéré de si grandes choses dans un homme de votre élévation et de votre mérite, les fera servir au salut de plusieurs; et dans cette heureuse occasion, je suis sollicité à redoubler les vœux que je fais depuis si longtemps pour la conversion de la Grande-Bretagne. Je vous avoue que lorsque je considère la piété admirable qui a si long-temps fleuri dans cette île, autrefois l'exemple du monde, je sens, s'il m'est permis de le dire, mon esprit ému en moi-même, à l'exemple de saint Paul, en la voyant attachée à l'hérésie ; et je frémis de voir qu'en quittant la foi de tant de saints qu'elle a portés, elle soit obligée de condamner leur conduite, et de perdre en même temps de si beaux exemples qui lui étoient donnés pour l'éclairer. Mais j'espère plus que jamais que Dieu la regardera en pitié.

(1) Galat. 1. 16.

L'écrit de feu madame la duchesse d'Yorck (1), et celui du feu roi d'Angleterre (2), qui a commencé à vous ébranler, sont des témoignages qu'il a suscités en nos jours pour faire revivre la foi ancienne. L'exemple du roi d'aujourd'hui, et la bénédiction que Dieu donne visiblement à sa conduite, aussi prudente que vigoureuse, est capable de toucher les plus insensibles.

Je regarde toutes ces choses comme des marques, du côté de Dieu, d'une bonté qui commence à se laisser fléchir; et je ne cesse de le prier qu'il achève son ouvrage, lui à qui rien n'est impossible.

Puisse son divin esprit se répandre avec abondance sur les Catholiques qui sont parmi vous; afin qu'ils ne croient pas avoir tout fait, en combattant comme ils font courageusement pour la foi; mais qu'à votre exemple, Milord, ils montrent leur foi par leurs œuvres, et qu'ils apprennent de vous à respecter unanimement l'ordre apostolique et la sainte hiérarchie de l'Eglise.

Pour moi, en me détachant de ce qui me regarde dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je suis si édifié de la piété qu'on y ressent à chaque mot, que loin de présumer que je sois capable de vous confirmer dans la foi, je me sens confirmé moi-même par les merveilleux sentimens que Dieu vous inspire: et dans la confiance que j'ai en celui qui agit en vous, je vous donne de tout mon cœur la bénédiction que vous souhaitez, me dé

(1) Première femme de Jacques II, roi d'Angleterre.

(2) Charles II, frère et prédécesseur de Jacques II.

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