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en tout cas des jeux innocens : «< tels que sont, » ajoute-t-il, la toupie pour les enfans, le jeu de >> paume, le jeu de palet, la course pour les jeu» nes gens, les échecs pour les hommes faits », et ainsi du reste, sans encore dire un seul mot de la comédie.

Il est vrai qu'en cet endroit de sa seconde partie, après un fort long discours où il condamne amplement le jeu de dés, il vient à d'autres matières, par exemple à plusieurs métiers, et enfin à celui des histrions (1), qu'il approuve au même sens et aux mêmes conditions que saint Thomas, qu'il allègue sans s'expliquer davantage : de sorte qu'il n'y a rien ici autre chose à lui répondre que ce qu'on a dit sur saint Thomas.

Dans sa troisième partie (2), il parle expressément des représentations qui étoient en vogue de son temps, cent cinquante ans environ après saint Thomas: repræsentationes quæ fiunt hodie; pour indiquer qu'elles étoient nouvelles et introduites depuis peu; et il déclare qu'elles sont défendues en certains cas et en certaines circonstances qu'il remarque; dont l'une est, si on y représente des choses malhonnêtes; turpia. Nous pouvons tenir pour malhonnête tout ce qui flatte la concupiscence de la chair; et si saint Antonin

n'a pas prévu le cas de nos comédies, ni les sentimens de l'amour profane dont on fait le fond de ces spectacles, c'est qu'en ce temps on songeoit à de toutes autres représentations, comme

(1) S. Anton. 11 part. tit. 1, cap. xx111, §. 14. — (3) III part, tit. VIII, cap. IV, §. 12.

XXVII.

il paroît par les pièces qui nous en restent. Mais on peut voir l'esprit de saint Antonin sur ces dangereuses tendresses de nos théâtres, lorsqu'il réduit la musique « à chanter ou les louanges de >> Dieu, ou les histoires des paladins, ou d'autres >> choses honnêtes, en temps et lieu convena» ble (1) ». Un si saint homme n'appelleroit jamais honnêtes les chants passionnés, puisque même sa délicatesse va si loin qu'il ne permet pas d'entendre le chant des femmes; parce qu'il est périlleux, et comme il parle, incitativum ad lasciviam.

On peut entendre par-là ce qu'il auroit jugé de nos opéra, et s'il auroit cru moins dangereux de voir des comédiennes jouer si passionnément le personnage d'amantes avec tous les malheureux avantages de leur sexe. Que si on ajoute à ces sentimens de saint Antonin, les conditions qu'il exige dans les réjouissances, qui sont d'être «< ex>> cluses du temps de la pénitence et du carême, » de ne faire pas négliger l'office divin (2) », et encore avec tout cela d'être si rares et en si petite quantité (3), qu'elles tiennent dans la vie humaine le même rang que le sel dans nos nourritures ordinaires, non-seulement la Dissertation n'y sera pas appuyée, mais encore elle y sera condamnée en tous ses chefs.

En voici deux principaux, où elle attaque maProfanation nifestement les plus saintes pratiques de l'Eglise. des fêtes et L'un est celui où l'auteur approuve que la comé

de la sainteté

(1) S. Anton. III. part. tit. vIII, cap. iv, §. 12. —
(3) Ibid. §. 1 et 14.

II part. tit. 1, cap. xxш, §. 14.

(2) Ibid. et

troduite par

: ses

paroles sur le

jeûne.

die partage avec Dieu et avec l'office divin les jours du jeûne inde dimanche : et l'autre où il abandonne à ce di- l'auteur : vertissement même le temps de carême : « encore, » continue-t-il, que ce soit un temps consacré à » la pénitence, un temps de larmes et de douleurs » pour les chrétiens; un temps, où, pour me » servir des termes de l'Ecriture, la musique doit >>> être importune, et auquel le spectacle et la » comédie paroissent peu propres, et devroient » ce semble être défendus ». Malgré toutes ces raisons, qu'il semble n'avoir proposées que pour passer par-dessus, malgré le texte `de l'Ecriture dont il les soutient, il autorise l'abus de jouer les comédies durant ce saint temps.

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XXVIII.

de l'Ecriture

C'est confondre toutes les idées que l'Ecriture et la tradition nous donnent du jeûne. Le jour Doctrine du jeûne est si bien un jour d'affliction, que l'E- et de l'Eglise criture n'explique pas autrement le jeûne que par sur le jeûne. ce terme : Vous affligerez vos ames (1), c'est-àdire vous jeûnerez. C'est pour entrer dans cet esprit d'affliction, qu'on introduit cette pénible soustraction de la nourriture. Pendant qu'on prenoit sur le nécessaire de la vie, on n'avoit garde de songer à donner dans le superflu au contraire, on joignoit au jeûne tout ce qu'il y a d'affligeant et de mortifiant, le sac, la cendre, les pleurs; parce que c'étoit un temps d'expiation et de propitiation pour ses péchés; où il falloit être affligé et non pas se réjouir.

Le jeûne a encore un caractère particulier dans le nouveau Testament, puisqu'il est une ex

(1) Levit. xv1. 29 et seq. xx111. 29. Num. XXIX. 7. xxx. 14.

pression de la douleur de l'Eglise dans le temps qu'elle aura perdu son époux : conformément à cette parole de Jésus-Christ même (1): « Les » amis de l'Epoux ne peuvent pas s'affliger pen>> dant que l'Epoux est avec eux : il viendra un >> temps que l'Epoux leur sera ôté, et alors ils » jeûneront ». Il met ensemble l'affliction et le jeûne, et l'un et l'autre selon lui, sont le caractère des jours où l'Eglise pleure la mort et l'absence de Jésus-Christ. Les saints Pères expliquent aussi que c'est pour cette raison, qu'approchant le temps de sa passion, et dans le dessein de s'y préparer, on célébroit le jeûne le plus solennel, qui est celui du carême. Pendant ce temps consacré à la pénitence et à la mémoire de la passion de Jésus-Christ, toutes les réjouissances sont interdites: de tout temps, on s'est abstenu d'y célébrer des mariages (2); et pour peu qu'on soit versé dans la discipline, on en sait toutes les raisons. Il ne faut pas s'étonner que durant ce temps on défende spécialement les spectacles: quand ils seroient innocens, on voit bien que cette marque de la joie publique ne conviendroit pas avec le deuil solennel de toute l'Eglise : loin de permettre les plaisirs et les réjouissances profanes, elle s'abstenoit des saintes réjouissances, et il étoitdéfendu d'y célébrer les nativités des saints (3); parce qu'on ne pouvoit les célébrer qu'avec une démonstration de la joie publique. Cet esprit se conserve encore dans l'Eglise, comme le savent

(1) Matt. ix. 15. (2) Conc. Laodic. can. 52; tom. 1 Conc. col. 1506. (3) Ibid. can. 51.

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et l'expliquent ceux qui en entendent les rits. C'est encore dans le même esprit qu'on ne jeûne point le dimanche, ni durant le temps d'entre Pâque et la Pentecôte; parce que ce sont des jours destinés à une sainte réjouissance, où l'on chante l'Alleluia, qui est la figure du cantique et de la joie du siècle futur. Si le jeûne ne convient pas au temps d'une sainte joie, doit-on l'allier avec les réjouissances profanes, quand d'ailleurs elles seroient permises? convient-il d'entendre alors, ou des bouffons dont les discours éteignent l'esprit de componction, ou des comédies qui vous remplissent la tête de plaisirs vains et mondains, quand ils seroient innocens?

XXIX.

Nouvel abus

de la doctri

Malgré ces saintes traditions, et malgré encore le passage exprès que l'auteur produit pour exclure la musique des jours de deuil (1), il permet ne de saint les comédies dans tout le carême. Il ne mériteroit pas d'être seulement écouté, s'il ne nous donnoit encore une fois saint Thomas pour garant de ses erreurs. Après donc avoir proposé toutes les raisons qu'il a sues pour bannir la comédie du carême : « Je réponds à cela, dit-il, » avec les propres paroles de saint Thomas », et il cite un article de ce saint docteur sur les Sentences (2), qui est le même que nous avons allégué pour un autre sujet (3).

Mais d'abord, il est certain qu'il ne s'y agit point du carême, dont il n'y a pas un mot dans tout cet endroit : mais quand on voudroit, comme

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(1) Eccli. XXII. 6. (2) In 4. dist. xvI. q. IV, art. 2, in corp. (3) Ci-dessus, n. 23.

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