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OU

MANUEL DES DIVINS OFFICES

DE

GUILLAUME DURAND,

ÉVÊQUE DE MENDE AU TREIZIÈME SIÈCLE.

SUITE ET FIN DU SIXIÈME LIVRE.

CHAPITRE LIII.

DU QUATRIÈME DIMANCHE DE CARÈME.

I. Suit le quatrième dimanche de Carême, qui a trait à la Jérusalem céleste; et, comme on arrive dans cette terre en ce jour où les enfants d'Israël vinrent dans la Terre de promission, comme nous l'avons dit au chapitre de la Septuagésime,

par

II. C'est pourquoi on lit alors l'Exode, où le Seigneur dit : « J'ai vu, j'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte, et je suis descendu pour le délivrer de la main de Pharaon. >> Or, de même que le Seigneur a délivré le peuple d'Israël les plaies d'Egypte envoyées contre Pharaon, de même, par des plaies aussi, il nous délivre de la main du diable, qui ne voudrait pas nous relâcher s'il n'avait affaire à une main forte et puissante comme ici. La première plaie est le changement des eaux en sang, par où est désigné le péché d'infidélité ; les autres plaies signifient que l'homme, rassasié de tribulations et de peines dans l'état du péché, est contraint de revenir à Dieu, comme on lit que le fit l'enfant prodigue. On lit donc l'Exode, car c'est par la foi que l'homme sort de l'esclavage

TOME IV.

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du diable, ensuite par le baptême désigné par la mer Rouge, et enfin par l'accomplissement des préceptes. Or, quand l'homme a obtenu ce résultat, il consacre en lui-même un tabernacle au Seigneur, et celui qui ne consacre pas à Dieu ce tabernacle, verra plus tard le Seigneur agir de même à son égard.

III. Après l'Exode suit le livre du Lévitique, qui est le troisième du Pentateuque. Ce livre concerne les lévites, qui devaient offrir à Dieu des sacrifices: aussi ce livre est-il le livre des oblations ou sacrifices. Car, après que l'homme a rempli les préceptes et consacré un tabernacle au Seigneur, il ne lui reste plus qu'à lui faire des offrandes. Il doit faire entrer le sel dans tous ses sacrifices, parce qu'il doit agir en tout avec discrétion. Or, comme ceux qui sont en cet état doivent être purs de tout péché et offrir au Seigneur une victime pure, sainte et immaculée, c'est pourquoi ce qui suit dans le Lévitique a trait à la guérison de la lèpre, et on y répète jusqu'à satiété : Sancti estote, etc., « Soyez saints, parce que je suis saint. » Et, comme ceci se fait dans la solennité du cœur, et que tout doit s'exécuter avec joie, le même livre traite ensuite des solennités; mais, comme personne n'atteint un degré de perfection tel, qu'il ne pèche quelquefois, au moins véniellement, c'est pourquoi on fait alors mention de l'hésitation de Moïse aux eaux de contradiction, qui pourtant n'omit point de faire l'œuvre spirituelle pour obtenir que les eaux coulassent à sa parole, lorsqu'il dit: Ascendat puteus, « Que l'eau sorte de ses profondeurs,» l'eau, c'est-à-dire la doctrine sainte. Au reste, de même qu'une femme, pour attirer son fils à elle, lui montre un fruit d'une main et de l'autre un danger, ainsi fait le Seigneur, d'après ces paroles d'Osée (chap. x1): « Je me servirai du piége qui a perdu Adam, pour les attirer dans les liens de ma charité. » C'est pourquoi l'office de nuit nous montre l'ennemi qui ne veut point laisser partir le peuple, et qui ne le fait que par l'intervention d'une main puissante, de la

main de Dieu, c'est-à-dire par la voix des prédicateurs; d'où le premier répons est: Locutus est Dominus ad Mosem, etc., « Le Seigneur parla à Moïse. » Or, Moïse, qui fut sauvé des eaux, est le Christ, par qui nous sommes délivrés des ennemis de ce genre, ou tout autre prédicateur qui doit être tiré des eaux de l'Ecriture.

IV. Ce premier répons est du quatrième ton, parce que le diable nous tourmente de quatre manières, c'est-à-dire en tuant les mâles, c'est-à-dire les bonnes œuvres, ou bien les hommes vertueux qu'il engloutit dans les eaux des délices de ce monde, qui les contraint d'être les esclaves de la fange de la luxure, de se cacher dans l'obscurité de l'avarice, et d'être, comme la paille, les jouets du vent de la vaine gloire. Or, comme le peuple captif, pendant soixante-dix ans pleura sur les rivages de Babylone, sortit enfin plein de joie quand Cyrus lui en eut donné la permission, et rentra à Jérusalem triomphant d'allégresse; c'est pourquoi, le premier dimanche, le peuple captif a poussé des gémissements, en disant : Circumdederunt me, etc.; le second dimanche il a prié, en disant: Exurge, etc.; le troisième, il a encore prié en ces termes : Esto mihi; le quatrième, le Seigneur l'a consolé par ces paroles: Invocavit me, etc., « Il m'a invoqué, et moi je l'exaucerai ; » le cinquième, il a persévéré dans la prière, en disant : Reminiscere miserationum tuarum, « Souviens-toi de tes miséricordes. » Mais, dans le le sixième, sur la permission de Darius, il a recueilli la consolation du retour, et c'est pourquoi il a dit: Oculi mei. Dans cette semaine dont il est question, comme étant àu terme des soixante-dix années, ivre de joie il entre à Jérusalem et s'écrie avec allégresse et en se félicitant: Lætare, Jerusalem, « Réjouis-toi, Jérusalem; » ce dont nous avons déjà parlé au chapitre du Premier Dimanche.

V. De même que la Septuagésime de la vie présente, qui est renfermée dans le cercle ou le cours de sept jours, ou plutôt dans le cours des sept âges qui partagent le monde, est repré

sentée par soixante-dix jours par la sainte Eglise, de même encore elle la représente par sept dimanches. Le premier âge s'étend depuis Adam jusqu'à Noé; le second depuis Noé jusqu'à Abraham, ou, selon quelques-uns, jusqu'à Moïse; le troisième depuis Moïse jusqu'à David; le quatrième depuis David jusqu'au retour de la captivité de Babylone; le cinquième depuis le retour de la captivité de Babylone jusqu'à l'avénement du Seigneur; le sixième depuis l'avénement du Seigneur jusqu'à la fin des siècles; le septième jusqu'à la même fin des siècles: ces deux âges marchent de pair, mais l'un a trait à ceux qui veillent et qui travaillent, l'autre à ceux qui dorment et qui sont dans le repos, dans le lieu où reposent les ames des élus, entre les bras de leur mère qui les allaite, de la céleste Jérusalem. Dans le premier dimanche, comme dans l'enfance du monde, l'homme, privé de sa joie et chassé du paradis de délices, s'écrie: Circumdederunt. Dans le second dimanche, l'homme, comme dans la seconde enfance du monde, conçoit l'espoir de sa réconciliation, et, par la voix de Noé qui est comme son guide et son précepteur, il implore la rémission de sa dette et demande sa réconciliation ou réhabilitation, en disant: Exurge, Domine, quare obdormis? « Lève-toi, Seigneur, pourquoi dors-tu?» Dans le troisième dimanche, comme dans l'adolescence du monde, l'homme conçoit l'espérance certaine de sa délivrance de la servitude d'Egypte, et, pour hâter le secours qui doit procurer sa protection et sa délivrance, il prie en ces termes, dans la personne de Moïse : Esto mihi in Deum protectorem, « Sois pour moi, Seigneur, un Dieu protecteur. » Le quatrième dimanche désigne la jeunesse de l'Eglise, dans laquelle son règne est couronné du diadème, et où elle est ornée ou parée de la sagesse des prophètes ; c'est pourquoi cet office est célébré par la voix de David, qui est comme le maître et le docteur des chants de l'Église. Le cinquième figure la vieillesse de l'Eglise, temps où sa chaleur naturelle commence à l'abandonner: car, pendant la captivité du peu

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