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VIII. C'est encore en ce jour qu'on apprend le symbole aux catéchumènes, à cause de l'approche de la solennité pascale, afin que ceux qui déjà s'empressent pour recevoir la grâce de Dieu connaissent la foi qu'ils confessent. Ce Jeudi est donc privilégié pour quatre raisons principales. Premièrement, à cause de l'introduction des pénitents dans l'église en ce jour. Secondement, parce que c'est en ce jour que le Nouveau-Testament a commencé et que l'Ancien-Testament a été clos. Troisièmement, à cause de la consécration de l'huile qui se fait alors. Quatrièmement, à cause de l'institution du sacrement des sacrements.

CHAPITRE LXXVII.

DU VENDREDI SAINT OU PARASCÈVE.

I. Suit le Vendredi saint ou Parascève : nous dirons, au commencement de la septième partie, pourquoi il est ainsi appelé. En ce jour l'Eglise observe le jeûne et le silence avec plus de rigueur; cependant elle ne célèbre aucun office avec solennité. A l'heure de none, on se rassemble pour adorer la croix et non pas pour l'office de la messe, qu'on ne dit pas en ce jour; on se rassemble comme pour célébrer les funérailles du Christ, parce que c'est à l'heure de none que mourut le Seigneur, le Centurion devint le hérault de notre foi, et que, les perque fides Juifs s'éloignant alors, il fut permis à Joseph et à Nicodême de prendre leurs dispositions pour les funérailles du Christ, et aux saintes femmes de s'approcher de plus près. Or, on dit l'office à voix basse et sans commencement, comme on l'a vu dans le chapitre précédent. On ne place sur l'autel qu'une nappe, par laquelle on figure le linceul dans lequel le corps du Christ fut enseveli. Dans certaines églises, à l'heure de sexte, on éteint le feu; et on le rallume à l'heure de none,

parce que le soleil voila sa lumière à la sixième heure, et la fit briller de nouveau sur le monde à la neuvième heure.

II. Cet office commence par les leçons, parce que dans la primitive Eglise toutes les messes commençaient par des leçons. Mais cela se pratique spécialement en ce jour, parce qu'on y célèbre la passion du Seigneur, en mémoire de laquelle on chante toutes les messes. On lit les leçons sans annoncer le titre, parce qu'alors nous avons perdu le Christ notre chef, qui nous illumine et nous éclaire, comme les titres éclairent les livres. On lit deux leçons, parce que le Christ a souffert pour deux peuples, savoir pour le peuple gentil et pour le peuple hébreu, ou bien pour le salut de la chair et de l'ame. Une de ces leçons est tirée de la loi, l'autre des prophètes, parce que la passion du Christ a été prédite par les prophètes et par la loi, et préfigurée par les patriarches; car Abraham immola d'une manière figurative la chair du Christ, lorsqu'il sacrifia un bélier; Abel fit de même, en immolant un agneau; d'où vient que le Seigneur dit à Osée (chap. xII) : « J'ai été assimilé aux prophètes. >>

III. On dit encore deux leçons, parce que, de même que le mercredi nous avons manifesté notre double mort, pour laquelle le Christ était venu souffrir; de même, le Vendredi saint, nous rappelons à la mémoire sa passion et notre imitation. Certaines églises commencent à lire la leçon d'Osée (chap. vi), qui a trait à ses tribulations, et en second lieu la leçon tirée de l'Exode (c. xii), savoir: Dixit ad Moysen Dominus. Ceuxci conservent l'ordre naturel, parce que la passion du Seigneur fut d'abord prédite par la loi, et en second lieu par les prophètes. La première proclame la résurrection par ces mots : Post duos dies vivificabis nos, et in die tertia, etc., « Dans deux jours tu nous vivifieras, et, le troisième jour, tu nous ressusciteras. » La seconde exprime le mode d'exécution de la passion, par ces mots : Immolabitque eum, etc., « Et toute la multitude du peuple d'Israël l'immolera (l'agneau) sur le soir. »

D'autres églises font tout l'opposé, motivant leur manière d'agir sur ce qu'elles veulent rattacher la passion à la leçon tirée de la loi, parce qu'il se trouve dans la passion quelques expressions tirées de cette leçon, telles que celle-ci : «Vous ne briserez point ses os. >>

IV. Ils rattachent donc la passion à la leçon, parce qu'elle en est l'explication. Il est question spécialement dans l'office de ce jour de deux choses, c'est-à-dire de la passion du Christ et de la passion de l'Eglise, qui est l'imitation de la première, comme dit le bienheureux Pierre : « Le Christ a souffert pour nous, etc. » Or, ces deux passions sont rappelées dans la leçon tirée de l'Exode, par ces mots : Erit autem agnus, etc., << L'agneau sera sans tache; il sera mâle et n'aura qu'un an. »> Juxta hunc ritum, etc., « D'après ce même rit, vous choisirez aussi un chevreau. » L'agneau, c'est le corps immaculé du Christ; le chevreau, c'est l'Eglise dont nous sommes les membres, nous autres pécheurs. La passion du Christ a été célébrée dans son immolation; la nôtre est célébrée par la mortification des vices. Dans la leçon tirée d'Osée il s'agit manifestement de la passion du Christ et de ses effets, car on y dit: Venite, revertamur ad Dominum, etc., « Venez, retournons au Seigneur, c'est lui qui nous a entrepris et qui nous sauvera; il nous frappera et nous guérira. Il nous vivifiera après deux jours, et, le troisième jour, il nous ressuscitera, et nous vivrons en sa présence» (Osée, chap. vi). C'est ce que saint Jérôme explique ainsi «Le Seigneur nous frappera et nous guérira, parce que celui que le Seigneur aime, il le reprend et le châtie »

:

(V, q. v, Non osculatur). « Il nous vivifiera après deux jours, et il nous ressuscitera le troisième jour, » parce qu'en ressuscitant d'entre les morts le troisième jour, il a ressuscité et guéri tout le genre humain; et, lorsqu'il nous aura vivifiés et ressuscités, nous vivrons en sa présence. Le prophète, en cet endroit, parle donc des trois jours pendant lesquels le Seigneur resta dans le sépulcre, lorsqu'il dit : « Il nous vivifiera après

deux jours, et le troisième jour il nous ressuscitera, » c'est-àdire, après deux jours passés dans le sépulcre, il viendra à nous comme une pluie de saison et une pluie d'arrière-saison, et il donnera la grâce qui prévient ou qui commence et accompagne.

V. Suit le trait Domine, audivi auditionem (Habac., dernier chap.). Ce que dit le verset In medio duorum animalium cognoscetis doit s'entendre à la lettre, savoir de la mangeoire du bœuf et de l'âne; d'où vient qu'Isaïe dit : « Le bœuf a connu son maître, et l'âne l'étable de son seigneur ; » ou bien au milieu des deux larrons, ou au milieu des deux peuples.

VI. La seconde leçon est tirée de l'Exode, comme cet endroit-ci: Os non confringetis, « Vous ne briserez pas ses os. >> Ceci fut accompli lorsque les soldats rompirent les jambes des deux larrons, et qu'arrivant à Jésus, ils le trouvèrent mort et ne lui rompirent pas les jambes. Dans le sens allégorique, on ne lui rompit pas les jambes, c'est-à-dire qu'on ne fatigua pas ses forces, et surtout on ne mit pas à bout sa patience; d'où vient qu'Isaïe dit : « Je leur ai présenté ma joue, comme la pierre la plus dure, et je sais que je ne serai pas confondu. » Car, par les jambes, on entend la route ou le chemin dont il est dit dans le cantique d'Habacuc : « Les collines ont été courbées et aplanies, c'est-à-dire les hommes élevés par l'intelligence, pour former les chemins qui conduisent à son éternité, c'est-à-dire par l'exemple de ses actions qui conduisent à l'éternité comme des colonnes immobiles, c'est-à-dire solides et brillantes comme l'argent, à cause de l'éloquence; qui ont été fondées ou basées sur des bases ou des fondements d'argent ou d'or, c'est-à-dire sur les raisons immuables de l'éternelle sagesse.

VII. Suivent les traits qui se rapportent à la passion du Seigneur, parce qu'alors l'Eglise gémit et pleure beaucoup. Et il y a deux traits pour marquer un plus grand deuil, savoir pour les péchés que nous commettons et pour les peines que nous supportons, et aussi à cause de la prolongation de notre

TOME IV.

exil. On ne chante pas le graduel avec le trait, mais seulement le trait, comme on l'a dit dans la quatrième férie (le mercredi) et dans la quatrième partie, au chapitre du Trait. On dit donc deux traits : le premier, savoir Domine, audivi, etc., a quatre versets dans certaines églises; l'autre en a davantage. Le trait de quatre versets signifie que l'homme, composé de quatre éléments, est racheté par la passion du Christ; d'où vient que le Christ n'a été crucifié ni dans le ciel, ni sur la terre, mais entre les deux, c'est-à-dire dans l'air; car il a rétabli la paix entre le ciel et la terre, parce qu'il existait une inimitié entre les hommes; mais il en existait de plus grandes entre les anges et les hommes, et une beaucoup plus grande encore entre Dieu et l'homme. Or, le Christ a tout pacifié sur sa croix; car il a fait une même chose des hommes et des anges, c'est-à-dire qu'il a établi l'égalité ou la communauté entre les anges et les hommes, puisqu'il est la pierre angulaire. Les quatre versets de ce trait figurent encore les quatre parties de la croix. Le second trait, c'est-à-dire Eripe me, est plus long et représente le fameux combat de David contre Goliath. Le Christ, notre David, a combattu et vaincu en ce jour le géant Goliath, c'est-à-dire le diable. De plus, le trait est très-long, parce que ceci nous a été promis dans la leçon d'Osée, où il est dit qu'après deux jours il nous ressuscitera, et nous devons en conserver l'espérance. De même, il est dit dans le second trait : « Tu as couvert et protégé ma tête au jour du combat, » parce que, non-seulement dans tout autre temps, mais encore le jour de la passion, la divinité n'a pas participé aux souffrances de l'humanité. Bien plus, pendant la passion, le Christ comme homme a été tellement protégé, qu'il a vaincu ses ennemis, lorsqu'il paraissait être vaincu par eux. Certaines églises chantent le second trait Qui habitat in adjutorio Altissimi, parce que le Christ fut d'abord tenté d'une manière cachée ou latente par le diable, et sous la forme pour ainsi dire du dragon caché sous la pierre ; ensuite, dans sa pas

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