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toute la nuit jusqu'à la clarté du jour, afin que cette parole soit accomplie : «La nuit éclairera l'objet de mes délices, et la nuit resplendira pour moi comme le jour. >>

IV. Or, c'est pour trois raisons qu'on appelle ce jour Dies illuminata, « Jour illuminé: » Premièrement, parce qu'il brille pour éclairer les plaisirs que nous éprouvons de la rédemption ou de la résurrection des ames, quoique ayant été recouvrée dans le jour de la Parascève par la mort du Seigneur; joie et allégresse qui se sont transmises à cette nuit, pour la raison exposée à l'article du Jeudi saint, où il s'agit de la consécration de l'huile. Secondement, à cause de la résurrection des corps, que par la résurrection du Seigneur au premier jour de la semaine nous espérons devoir arriver un jour; c'est pour cela que nous veillons, et que pendant nos veilles nous chantons en l'honneur du Ressuscité. Troisièmement, à cause du sacrement du baptême, que l'on célèbre en ce jour, parce que c'est de ces raisons que le baptême tire son origine, lui qui nous a en accordé les fruits, car on célèbre en ce jour l'office des catéchumènes, afin que, ayant été ensevelis avec le Christ, ils ressuscitent et passent avec lui de la mort au baptême. Donc, cette nuit est appelée Pâques, que l'on interprète passage, transitus, parce que le Seigneur est passé de ce monde à son père; nous aussi nous passons de la mort à la vie, car le Christ, notre Pâque, a été immolé, et il est passé de l'ennemi à son Père, des ténèbres à la lumière, de l'état de péché à l'état de grâce, de la peine à la gloire, du combat à la victoire.

V. Cette nuit ou cette fête de Pâques, dans laquelle le Seigneur est ressuscité, arriva le dix-septième de la lune du premier mois, c'est-à-dire du mois d'avril, qui est le premier mois chez les Hébreux, qui comptent les mois d'après le cours de la lune. Il est ressuscité dans le premier mois, parce qu'il est le principe de tout. Il est ressuscité le dix-septième de la lune, afin que par l'observation du décalogue il nous conduisît à l'éter

nel repos de son sabbat. Il est donc ressuscité alors que la lune est au plus haut de sa course, pour désigner que l'Eglise doit parvenir au sommet des vertus et gravir vers les temples célestes. De même, il est ressuscité dans la troisième semaine de la lune, par où l'on marque que la troisième époque, c'està-dire l'époque de la grâce, est désormais arrivée. De là vient que comme nous célébrons toujours et par ordre du Seigneur cette solennité dans la lunaison d'avril et au moment de la pleine lune, nous la solennisons quelquefois dans notre mois d'avril et quelquefois aussi en mars. Mais quand nous la célébrons le douzième jour de la lune, cela insinue que nous arriverons à la gloire de la résurrection au moyen des dix commandements de la loi et des deux de la charité. Quand nous la célébrons après treize lunaisons, cela insinue que par le décalogue et la Trinité nous parviendrons à la gloire de l'éternité. On célèbre encore cette nuit dans la pleine lune, parce que la lune emprunte sa lumière à l'éclat du soleil. La lune est l'Eglise; le Christ est le soleil qui se couche, c'est-à-dire qui est mis à mort, et qui, à son coucher, illumine l'Eglise par la plénitude de sa grâce.

VI. On célèbre encore cette nuit après l'équinoxe, savoir quand les jours commencent à croître et à être plus longs que les nuits d'abord parce qu'après l'ignorance la science de Dieu est en vigueur, et là où l'iniquité a abondé surabonde la grâce; secondement, parce que les vertus doivent croître en nous et surmonter les vices; troisièmement, parce que par la résurrection du Christ la nuit de la mort a commencé à décroître et le jour de la vie à augmenter; quatrièmement, parce que c'est par lui, qui est lumière de lumière, qu'on arrive au jour de l'éternelle lumière. On célèbre encore cette nuit dans le printemps, quand après les rigueurs de l'hiver les fleurs reverdissent, quand les oiseaux font entendre leurs chants joyeux, parce qu'après la gelée de la perfidie le monde a fleuri par la beauté des vertus, et le son de leur voix s'est répandu

par toute la terre; cette nuit appartient en commun à deux jours, c'est-à-dire au samedi précédent et au dimanche suivant.

VII. Car jusque là le jour précédait la nuit; maintenant, c'est le contraire qui arrive; car Celui qui a créé le temps a ordonné que, dès le commencement, le jour précédât naturellement la nuit, d'après Fiat lux et facta est lux, « Que la lumière soit et la lumière fut. » Et la lumière s'avançant par l'hémisphère supérieur, d'Occident en Orient, il se fit un matin. Donc le jour précéda la nuit, pour désigner que l'homme ou Adam devait passer de la lumière des vertus aux ténèbres des vices, ou que l'homme devait descendre du jour du paradis à la nuit de l'enfer; mais, dans la nuit de la résurrection, le Seigneur fit ingénieusement que, par la réciproque, la nuit précédât le jour en signe de la réparation du second Adam, qui, par sa résurrection, des ténèbres du péché nous a fait passer à la lumière; d'où vient que l'Apôtre dit : « La nuit a précédé et le jour s'approche. >> Nous allons suivre par ordre l'office de ce jour. Premièrement, nous dirons qui fait les agneaux de cire en ce jour, comment et pourquoi on les fait; secondement, nous parlerons de la bénédiction du cierge; troisièmement, des leçons et des traits; quatrièmement, de la bénédiction du baptême ou des fonts, où l'on traite encore des cierges des catéchumènes; cinquièmement, du baptême, où l'on traite des vêtements que les néophytes quittent le jour de l'octave (ou le huitième jour) et des parrains; sixièmement, de la confirmation; septièmement, de la messe du Samedi saint.

CHAPITRE LXXIX.

QUI FAIT LES AGNEAUX DE CIRE? COMMENT ET POURQUOI
LES FAIT ON? (4)

I. Premièrement, en ce jour, les acolytes de l'Eglise romaine font des agneaux de cire nouvelle et bénite, ou de la cire du

cierge pascal de l'année précédente, en y mêlant du chrême, et le samedi in albis ils sont distribués au peuple dans l'église par le seigneur Pape. Ces agneaux désignent cet Agneau sans tache qui efface les péchés du monde. La cire désigne son humanité, comme le dit le bienheureux Grégoire : « Le miel se trouve dans la cire, et la divinité dans l'humanité. » L'abeille qui fait la cire avec le miel ne se reproduit point par les voies naturelles ordinaires aux autres animaux. La bienheureuse Vierge aussi a conçu, sans aucun concours de l'homme, Celui qui est Dieu et homme. On mêle à la cire l'huile ou le chrême, parce que notre Seigneur est plein de miséricorde, et que la miséricorde est désignée par l'huile. On les distribue dans l'octave, parce que c'est dans l'octave de sa résurrection que le Seigneur a distribué ses récompenses à ses disciples. De plus, l'agneau de cire nous préfigure et nous rappelle l'agneau immolé dans la Pâque. C'est le bienheureux Grégoire qui a institué que l'on verserait de l'huile sur l'agneau de cire, lorsqu'il a dévoilé les mystères de l'agneau pascal.

II. Ces agneaux de cire figurent encore les agneaux nouveaux que l'Eglise célèbre dans ses chants, le samedi in albis. C'est pourquoi on les fait quelquefois en ce samedi, comme nous l'enseigne encore l'usage apostolique, parce que le dimanche suivant, lorsque le seigneur Pape se met à table et se dispose à distribuer des agneaux de cire à ses chapelains et aux gens de sa maison, un acolyte porte solennellement ces agneaux et les lui présente en disant trois fois : « Seigneur, seigneur, seigneur, voici les agneaux nouveaux qui ont annoncé l'Alleluia; tout nouvellement, ils se sont présentés aux fonts du baptême, etc. >>

III. Ces agneaux protègent contre la foudre et la tempête les fidèles et les croyants, par la vertu de la consécration et de la bénédiction. Suivant la coutume de certaines églises, on distribue le cierge au peuple, dans l'octave de Pâques, pour embaumer les maisons par la fumée odoriférante de la cire et pour

désigner qu'à la dernière résurrection le Christ sera donné en récompense aux fidèles. C'est pour exprimer ceci avec plus d'énergie que l'Eglise romaine a fait les agneaux précités.

CHAPITRE LXXX.

DE LA BÉNÉDICTION DU CIERGE PASCAL (5).

I. En second lieu, on bénit le cierge pascal. A ce sujet, il faut savoir qu'au commencement de l'office on doit éteindre toutes les lumières dans l'église et tirer un feu nouveau des veines de la pierre que l'on frappe avec un briquet, ou bien le produire avec un verre concentrique exposé au soleil, et l'alimenter avec des sarments. Le feu ancien désigne l'ancienne loi, dont les figures ont été accomplies à la mort du Christ; c'est pourquoi elles ont dû cesser comme étant éteintes. Mais on tire un feu nouveau du sein de la pierre, c'est-à-dire du Christ, lui qui, broyé entre les bras de la croix, a laissé échapper sur nous l'Esprit saint; ou bien ce feu est produit par le cristal interposé entre le soleil et la lune, c'est-à-dire par le Christ, qui a été un médiateur entre Dieu et l'homme et qui, comme il l'atteste, est venu apporter le feu sur la terre. Le nouveau feu s'allume lorsque, par la passion et la résurrection du Christ, le SaintEsprit descend en nous, alimenté par le sacrement (sacramentum; jeu de mots avec sarmentum), c'est-à-dire par le Christ qui est la vraie vigne (sarmentum). Le cristal transparent, c'est l'humanité du Christ, illustrée et rendue éclatante de gloire par la résurrection. On bénit encore le nouveau feu afin que', de même que Celui qui est la lumière intarissable et qui illumine tout homme venant en ce monde a éclairé Moïse de son divin feu, ainsi il daigne illuminer nos sens et nos cœurs, pour que nous méritions de passer des ténèbres de cette vie à la lumière et à la vie éternelle. Et ce n'est pas par un motif de

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