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IV. Il n'y a donc rien d'étonnant que ce second jour, qui a trait à cette séparation, brille moins que les autres jours de l'office par les insignes de la mort du Seigneur. Mais que la passion soit lue le lundi ou le mardi, il faut peu s'en inquiéter: car, comme les quatre évangélistes ont décrit la passion du Seigneur, c'est pourquoi on lit tour à tour la passion selon chacun de ces évangélistes et dans l'ordre où ils ont écrit, suivant l'institution du pape Alexandre. Le dimanche des Rameaux, on lit la passion selon saint Mathieu, qui a écrit le premier; le lundi ou le mardi, on lit la passion suivant saint Marc, qui a écrit le second; le mercredi, on la lit selon saint Luc, qu¡ a écrit le troisième; le vendredi, on lit la passion selon saint Jean, qui a écrit le dernier. Les Milanais ne lisent que la passion selon saint Jean le vendredi saint.

V. Celui qui doit lire la passion ne demande pas la bénédiction, parce que l'on raconte dans la passion la mort de Celui qui est l'auteur de la bénédiction. Il n'y a donc pas lieu de la demander, puisqu'il n'y a personne pour la donner. On la lit aussi sans luminaire, parce que la passion annonce la mort de Celui qui, selon saint Jean, est la vraie lumière. On agit encore de la sorte pour marquer que ses disciples alors s'éclipsèrent et s'éteignirent pour ainsi dire; ses disciples, dont il avait dit de son vivant : « Vous êtes la lumière du monde. »> On ne porte pas non plus d'encens, pour marquer qu'alors la ferveur de la dévotion ou de l'oraison, désignée par l'encens, s'attiédit ou plutôt s'éteignit pour ainsi dire dans les apôtres. On la lit encore sans salutation, c'est-à-dire sans Dominus vobiscum, pour marquer l'horreur que l'on a pour la salutation de Judas; et sans répons, car on ne répond pas. On ne dit pas non plus Gloria tibi, Domine, parce qu'on exprime dans la passion, que le Christ fut séparé, par sa mort, corporellement et spirituellement de ses disciples, qui, par crainte de la mort, l'avaient abandonné et avaient pris la fuite, et parce qu'alors il n'était environné d'aucune gloire.

VI. On ne lit pas non plus toute la passion sur le ton ordinaire de l'évangile; mais la partie du chant des paroles du Christ est plus douce et plus suave, pour marquer que les paroles du Christ retentissaient dans sa bouche plus doucement et d'une manière plus suave que dans la bouche de n'importe quel évangéliste qui rapporte ces paroles. Les paroles du Christ se chantent sur le ton de l'évangile; celles des Juifs impies et criminels sont criardes et pleines d'âpreté, pour désigner qu'ils parlaient au Christ avec rudesse et dureté. Cependant, à la fin de la passion, dans certaines églises, on demande la bénédiction, on apporte l'encens et on reprend le ton de l'évangile, parce qu'alors la narration de la passion est achevée, et toutes les paroles appartiennent à la narration de l'évangéliste, qui raconte ce qui arriva après la mort du Christ jusqu'à sa résurrection.

VII. Cependant, dans d'autres églises, la fin de la passion, qui a trait à la sépulture du Christ, se lit sur un ton plaintif, pour désigner les gémissements des femmes se lamentant sur la passion du Christ. Touchant ces lamentations, le Seigneur dit dans l'évangile : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, etc. » Et pour exciter plus de dévotion et de douleur dans l'ame de ceux qui entendent la passion, on la lit sur le pupitre nu, comme on le dira au Vendredi saint. Dans l'offertoire Eripe me, on demande à être délivré, comme dans le répons; il est du quatrième ton, à cause de la forme de la croix. Dans la postcommunion Erubescant, l'Eglise demande que ses persécuteurs soient confondus. Elle est du premier ton, afin que par là nous nous réjouissions dans la région du repos.

CHAPITRE LXIX.

DU MARDI SAINT.

1. Ce mardi a trait également à la passion, parce que les Juifs cherchaient manifestement à mettre à mort le Seigneur, comme on le dit dans l'évangile Erat autem Pascha et azyma post biduum, etc. Or, comme l'Eglise considère son salut dans la croix sous trois aspects différents, c'est-à-dire dans l'amour que notre Seigneur nous montre dans sa croix, dans l'imitation de sa croix, et dans le salut qu'il nous donne par sa croix, c'est pourquoi elle dit, dans l'introït : « Nous devons nous glorifier dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, etc.>> (aux Galates, dernier chapitre), Nos autem gloriari, etc. L'épître est Dicit Jeremias, de Jérémie (chap. x1), où on lit ces paroles des Juifs touchant le crucifiement du Christ : Mittamus lignum in panem ejus, « Mettons du bois dans son pain, » c'est-à-dire mettons-le lui-même, qui se dit être pain, sur le bois de la croix. Car ils l'avaient entendu dire: « Je suis le pain vivant descendu du ciel, » et ils avaient dit : Anéantissons-le avec sa doctrine, en le clouant au bois de la

croix.

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II. Suit le répons Ego autem. Il est du troisième ton, à cause du triple mérite qui s'y trouve indiqué, premièrement, par ces mots: Induebam cilicio, « Je revêtais le cilice, » c'està-dire je ne leur montrais pas ma divinité, mais mon humanité dans toute sa rigueur, et cela par humilité et par prudence. Voici un autre mérite: Humiliabam in jejunio animam meam, « J'humiliais mon ame par le jeûne; » Non reddendo malum pro malo, « << Je ne rendais pas le mal pour le mal; bien plus, je priais pour mes ennemis, » et c'est le troisième mérite. C'est pourquoi il dit : Et oratio mea, « Et ma prière reviendra

dans mon sein; » supplée : puisqu'ils ne veulent pas en profiter, parce qu'ils n'en sont pas dignes.

III. L'évangile Erat Pascha, de saint Marc (chap. xiv), a trait à la passion. On y dit que le Christ fut crucifié à la troisième heure, et il parle ainsi pour montrer l'empressement et la rage des Juifs, qui, à partir de la troisième heure, le crucifièrent par leurs clameurs, en criant sans cesse: «< Crucifie-le ! crucifie-le. » Dans l'offertoire on demande à être prémuni contre le diable et contre ses suppôts; c'est pourquoi on dit : Custodi me, « Préserve-moi de la main du pécheur, » c'est-àdire du diable, «< et délivre-moi des hommes injustes. » Il est du second ton. Dans la postcommunion Adversum me, l'Eglise montre la milice des persécuteurs et le mérite de ceux qui souffrent. Suit encore Et in me psallebant, « Et ceux qui buvaient le vin, tournaient leurs chants contre moi, etc.; » c'està-dire les enfants du diable, qui s'enivraient dans les coupes de Babylone.

CHAPITRE LXX.

DU MERCREDI SAINT.

1. Le mercredi est le jour où le Seigneur a été vendu par Judas, parce que non-seulement il a voulu souffrir pour nous, mais encore être vendu pour nous délivrer de la vente ou pour nous racheter; car notre premier père nous a vendus au diable en mangeant du fruit de l'arbre défendu, d'où vient qu'lsaïe dit Gratis venumdati estis et sine argento redimemini, « Vous avez été vendus sans en tirer aucun avantage, et vous serez rachetés sans argent. » Beaucoup se vendent encore au diable pour une satisfaction d'un moment, comme Adam s'est vendu pour manger du fruit défendu. C'est donc le mercredi qu'a été vendu le soleil de justice pour notre salut, et c'est

le même jour qu'a été formé le soleil visible pour éclairer le monde.

II. Or, le Seigneur, comme on le voit dans l'évangile de ce jour, fléchit les genoux pour prier; c'est pourquoi dans l'introït, qui est tiré de l'épître aux Philippiers (chap. 11), l'Eglise invite tout genou à fléchir au nom du Seigneur : dans le ciel, parce qu'il a réparé la ruine de ses habitants; sur la terre, parce qu'il a délivré les hommes, et dans les enfers, parce qu'il les a retirés du lac sans eau, comme le dit Zacharie. Il est du troisième ton, à cause des trois motifs qui invitent à fléchir le genou.

III. Suivent ces mots et omnis lingua, « et que toute langue confesse que notre Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père; » et il est tiré des épîtres de l'Apôtre. Cependant l'ordonnateur de l'office omet ces mots et omnis lingua confiteatur, parce que la nation juive garde le silence. et ne confesse pas le Sauveur. Après, suit la leçon Dicite filia Sion, etc., « Dites à la fille de Sion : Voici ton Sauveur qui vient » (Isaïe, chap. LXII), où il s'agit de la récompense (ou du prix que le Sauveur a payé pour nous, en nous rachetant). On y dit encore : Ecce merces ejus cum eo, «< Il porte avec lui la récompense qu'il veut donner, etc. » Et les anges dirent, car quelques-uns ignoraient l'incarnation : Quis est iste, etc., « Quel est celui qui vient d'Edom, c'est-à-dire de la terre, avec sa robe teinte d'une pourpre de sang, de la pourpre de Bosra?»>

IV. Bosra est une ville de Moab, qui signifie, par interprétation, solide ou fortifiée, ce qui s'entend de l'enfer ou lieux inférieurs, c'est-à-dire de l'habitation terrestre; car Bosra, par métaphore, c'est Jérusalem, que le Seigneur jadis consolida et fortifia de sa protection; mais, devenus Moabites, c'est-àdire s'étant livrés au diable leur père, ses rois ont teint leurs vêtements d'une pourpre de sang. Le Seigneur a répondu aux anges: « C'est moi qui prononce des paroles de justice et qui combats pour sauver [les hommes]. —Mais, reprirent les anges,

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