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Mais quand on ne fixe pas un nombre déterminé de cierges et que chaque laïque apporte son cierge à sa volonté, ces cierges alors désignent les prophètes et les autres saints Pères qui prédirent la venue du Christ, notre lumière, et, après avoir annoncé les paroles du salut, moururent et s'éteignirent en souffrant divers supplices. Or, on n'éteint pas tous ces cierges à la fois, mais l'un après l'autre, parce que les disciples ne s'éloignèrent point du Christ tous à la fois, mais successivement et l'un après l'autre. Voici encore une autre raison.

XXIII. Certains éteignent les cierges à la fin de chaque cantique, jusqu'à ce que tous soient éteints, pour figurer qu'à chaque cantique ou psaume nous sommes plongés dans la tristesse, parce que le vrai soleil s'est éclipsé, et que notre joie s'est changée en deuil, d'après ces paroles: La couronne de notre tête est tombée, notre chœur ou nos chants ont été changés en chants de tristesse. D'autres éteignent les cierges en trois fois, pour rappeler les trois jours que le Seigneur resta dans le sépulcre.

XXIV. Dans certaines églises encore, les cierges sont éteints par une main de cire qui désigne la main de Judas, dont le Seigneur a dit : «< Celui qui met la main au plat avec moi, etc. » Ce fut cette main de cire, pour ainsi dire, c'est-à-dire flexible et encline à faire le mal, qui livra le Christ notre roi et notre véritable lumière, et le fit périr autant qu'il était en son pouvoir.

XXV. Mais on n'éteint point le cierge qui se trouve au milieu; on le garde allumé et on le cache sur une fenêtre ou dans un coin, pour le relever ensuite et éclairer l'église avec sa lumière; car ce cierge, dérobé à la vue, comme nous venons de le dire, et dont la lumière est cachée, désigne, premièrement, la foi qui ne résida que dans la Vierge, par qui ensuite tous les fidèles furent instruits et éclairés. Secondement, il désigne le Christ qui, bien qu'il parût éteint et anéanti selon la chair, vivait cependant selon la divinité qui

restait cachée aux yeux des hommes, et qui ensuite, à sa résurrection, se manifesta à ses disciples, environné de la plus éclatante lumière. Troisièmement, l'apparition du cierge caché, qui paraissait éteint, marque la lumière ou l'illumination de la foi dans les apôtres et dans les autres, où elle paraissait presque éteinte. Quatrièmement, elle désigne la foi après l'infidélité. Cinquièmement, que le feu de l'Esprit saint, qui paraît être éteint dans les infidèles, brillera de nouveau en eux. Sixièmement, le renouvellement de la lumière signifie la rénovation du Nouveau-Testament.

XXVI. Septièmement, on éteint successivement les cierges l'un après l'autre et on en cache un, qui est censé éteint, pour le faire reparaître ensuite, afin de marquer que les vignerons pervers et la génération dépravée ont tué les courriers du père de famille, c'est-à-dire les prophètes qui, à différentes époques, accomplirent le ministère des prophètes et, en dernier lieu, ont mis à mort son héritier que nous figurons dans le sépulcre par le cierge caché, dont la réapparition désigne la manifestation et le souvenir de la résurrection de cet héritier du père de famille. Or, le cierge que l'on éteint le dernier est plus grand que les autres, selon quelques-uns, et il figure le Christ qui fut le Seigneur des prophètes. Selon d'autres, quand il n'est pas plus grand que les autres cierges, il désigne également le Christ qui est considéré comme l'un des prophètes et qui périt le dernier; car après lui aucun prophète ne s'éleva parmi les Juifs; mais, en mourant, il les laissa au sein des ténèbres de leur perfidie. On éteint ce cierge au moment où l'on dit le cantique évangélique, parce que le Christ fut mis à mort pendant qu'il évangélisait. Et remarque que, pendant cet office, on supprime ce qui a trait aux fonctions du pasteur, comme le capitule, parce que les pasteurs furent dispersés; cependant on ne supprime pas le verset, qui a trait à la fonction des minorés, parce que les disciples moins connus ne se cachèrent point. C'est pourquoi cet office des trois

jours est surtout célébré par les minorés, qui représentent les moindres disciples et les femmes qui suivaient le Seigneur.

XXVII. Les vociférations qui ont lieu à Benedictus et le bruit causé alors par le peuple désignent la conversation (le caquetage) du traître Judas et le tumulte de la cohorte armée d'épées et de bâtons que Judas amena contre le Christ, ou le salut de l'aveugle disciple, lorsqu'il dit : « Je te salue, maître. » Troisièmement, on dit alors ce cantique à haute voix, pour marquer que beaucoup se réjouiront après la mort de l'Antechrist. Le son de voix de ceux qui chantent Kyrie, eleison, désigne le tumulte et le bruit de ceux qui poursuivaient le Seigneur et qui l'adoraient ironiquement, ou bien encore les lamentations des saintes femmes qui suivaient le Seigneur et qui ensuite, comme on le lit, se lamentaient, se tenant assises près du sépulcre. Les tropes, poot, c'est-à-dire les versets qui pendant ces trois nuits se chantent sur un ton lugubre avec le Kyrie, eleison et le Domine, miserere, figurent les lamentations et la douleur des femmes de sa parenté qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée, parmi lesquelles se trouvaient Marie-Madeleine; Marie, mère de Jacques; et Marie, mère de Salomé, qui pleuraient auprès du sépulcre.

XXVIII. Dans certaines églises, quand on a chanté les tropes, on se prosterne à terre et on dit au milieu des ténèbres et en silence Miserere mei, Deus, et la collecte Respice, quæsumus, Domine, par où l'on désigne la frayeur des apôtres. qui se cachaient. On frappe ensuite un coup avec la main ou d'une autre manière, avant de faire reparaître le cierge que l'on a caché; ce bruit représente ou la terreur dont furent frappés les apôtres, ou le tumulte de la cohorte, ou le tremblement de terre. Cependant, dans certaines églises on allume le cierge en tirant une nouvelle lumière des veines d'un caillou, parce que le Saint-Esprit est infus en nous par le moyen du Christ, notre médiateur.

XXIX. A partir de ce jour jusqu'à l'octave de la Pentecôte,

dans certaines églises on supprime encore l'office de la bienheureuse Marie, pour que nous fixions avec plus d'ardeur notre esprit sur le souvenir et sur le respect dus à la passion et à la résurrection dont l'Eglise célèbre la mémoire en ce temps. Car, comme l'honneur et l'obéissance que l'on rend spécialement dans ce temps au Christ qui a souffert et qui a été glorifié dans son humanité rejaillissent sur sa mère, on ne lui fait aucune injure en supprimant son office. On supprime aussi l'office des morts, parce que, comme le souvenir des bienfaits du Christ, surtout de ceux qu'il nous a accordés dans le temps de sa passion et de sa résurrection, absorbe tous nos sentiments affectueux et toute notre intelligence, l'Eglise, par suite, ne s'occupe dans ce temps que de l'office qui a trait au Christ et dans lequel on traite de sa passion et de sa résurrection, afin que, n'étant point préoccupée de plusieurs offices à la fois, elle consacre toute l'ardeur de son zèle à dire ce seul office. Pourtant, les ames du purgatoire n'en souffrent pas préjudice, parce que, comme elles nous sont unies par la charité, elles participent à nos bienfaits dans la proportion de leurs mérites, et on ne saurait faire de mémoire pour elles qui soit plus efficace que celle que l'on fait de la mort et de la résurrection du Christ dont elles attendent la délivrance de leurs peines. Cependant, hors de l'église, il est utile de réciter ces offices.

CHAPITRE LXXIII.

DE L'OFFICE DE JOUR DU JEUDI SAINT.

I. Parlons maintenant de l'office du jour de ce jeudi. Or, ce jour est remarquable par les sacrements qui ont été institués tant par l'Eglise que par le Seigneur. C'est en ce jour d'abord qu'on introduit dans l'Eglise les pénitents qui en ont été chassés le mercredi des Cendres, en tête du jeûne; c'est

pourquoi voici ce qu'on lit dans le Canon d'Innocent: <«< Pour ce qui concerne les pénitents qui ont fait pénitence soit de fautes plus graves, soit de fautes plus légères, s'il ne leur arrive pas dans l'intervalle d'autres maladies de l'ame, l'usage de l'Eglise romaine nous apprend qu'il faut les absoudre le jeudi de la semaine avant Pâques.» Donc, premièrement, puisque nous devons parler de l'introduction des pénitents dans l'Eglise, commençons par dire quelques mots touchant l'expulsion de l'Eglise de ces mêmes pénitents. Or, le Seigneur, plein de miséricorde et de compassion, lui, dont la miséricorde est infinie, comme on le lit dans le psaume; qui agit toujours d'une manière miséricordieuse et qui a soif du salut des pécheurs, a préparé spécialement, entre un grand nombre d'autres remèdes, deux barques ou deux planches de salut pour ceux qui naviguent sur la mer périlleuse du monde et qui sont quelquefois emportés à la merci de ses flots tumultueux. Cette première planche de salut est le baptême.

II. La seconde est la pénitence, comme l'Apôtre le dit aux Ephésiens or, quand les pénitents sont renvoyés de l'Eglise, ils figurent l'exil et l'expulsion d'Adam et Eve du paradis, pour avoir mangé le fruit défendu. Nous renvoyons donc les pécheurs de l'Eglise et nous leur imposons une pénitence de sept semaines, ou une autre, suivant la gravité de leurs crimes. Ainsi chassés, ils restent hors de l'Eglise pendant sept semaines, parce que le genre humain, par la chute d'Adam, est condamné par le jugement de Dieu à un exil de sept mille ans. Marie, sœur de Moïse, après sa faute, resta aussi sept jours hors du camp. Le Concile d'Agde décrit la cérémonie ou la forme de l'expulsion. L'Eglise, en excommuniant les hommes de sang, surtout par les cierges éteints, nous représente Caïn chassé loin de la face du Seigneur, parce que Caïn et les criminels en question ont éteint l'esprit en eux par leurs vices. Ces cierges, quand on prononce l'anathème, doivent être jetés à terre et foulés aux pieds, et on ne doit plus s'en servir

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