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grand génie. Il y a long-tems qu'on est convaincu que ce ne sont que les petits, ou du moins les mauvais génies, qui soient exposés à cette tentation. «Il met dans cette classe Montagne, Charron, Fontenelle, et tous les auteurs de nos jours. L'humble évêque d'Aletopolis voudrait ici nous en imposer ; mais n'en déplaise à son humilité, nous ne sommes pas la dupe de son mensonge. »Sans parler de la Prière du déiste de M. son frère aîné. Si monsieur son frère a traduit dans sa jeunesse la Prière universelle, il l'a rétractée en bon chrétien, et n'a pas fait depuis, comme M. de Voltaire, vingt ouvrages contre la religion.

« C'est une entreprise un peu forte d'écrire contre tout un siècle, et ce n'est peut-être pas avoir un zèle selon la science, que de dire: «Mes Frères, tous les gens d'esprit et tous les savans pensent autrement que moi, tous se moquent de moi. » — Ilfaut distinguer

ees gens d'esprit et ces savans; on peut dire que ceux qui se moquent ne sont ni l'un ni l'autre. C'est du devoir d'un pasteur de s'opposer, autant qu'il est en lui, aux progrès de l'irréligion; il n'y a là rien de risible. - α « Croyez donc ce que je vais vous dire. Ce tour ne nous a pas paru assez habile.

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«On dit qu'il y a dans l'in-4°. de mon confrère Jean-George, un long chapitre contre la tolérance, malgré la parole de Jésus-Christ et des apôtres qui nous ordonnent de nous supporter les uns les autres. » La tolérance vous convient sans doute; mais en vérité est-ce celle que Jésus-Christ et les Apôtres recommandent?-« Mes Frè res, je vous exhorte sur cette parole, à supporter Jean-George. » — On a sup porté M. de Voltaire, qui ne suppor tait personne.« Vous avez beau dire que son livre est insupportable, ce n'est pas une raison pour rompre les liens de la charité. » — Qu'il fut in

supportable pour M. de Voltaire, on n'a pas de peine à le croire; un livre contre les incrédules ne pouvait plaire au chef des incrédules. — « Si son ouvrage vous a paru trop gros, je dois vous dire, pour vous rassurer, que mon relieur m'a promis qu'il serait fort plat quand il aurait été battu. » — Ceci

est une plaisanterie de relieur, et M. de Voltaire fut souvent le relieur des plaisanteries des autres.

« Nous demeurons donc unis à Jean-George et même à Jean-Jacques, quoique nous pensions différemment sur quelques articles. » — Jean-George et Jean-Jacques ne voulaient point du tout être unis à M. de Voltaire; ils avaient chacun leur motif, et le public ne les ignorait pas. « Ce qui nous console, c'est qu'on nous assure de tous côtés que l'œuvre de notre confrère du Puy, est comme l'arche du Seigneur; elle est sainte; elle est exposée au public, et personne n'approche

d'elle.» Froide répétition d'un vers heureux, mais injuste. M. de Voltaire se pille ici lui-même, après avoir tant pillé les autres. D'ailleurs, cette arche n'a point été sacrée pour lui; il s'en est approché comme Oza; il en a été renversé, et il paraît s'être ébranlé le cerveau dans sa chute. Aussi on nous assure de tous côtés que c'est depuis ce tems qu'il a composé cette lettre : l'Homme aux quarante écus, l'A,B,C, les Colimaçons, la Canonisation de Cucufin, l'Epitre aux Romains. et tant d'autres sottises. - Ec Bon soir, mes Frères, salut et paix.

» M. DE VOLTAIRE.»

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CHAPITRE I X.

M. l'abbé NONOTE.

Il n'est pas surprenant que M. de

Voltaire se soit élevé avec tant d'acharnement contre M. l'abbé Nonote. Cet auteur publia, en 1762, une excellente critique (1) de l'Histoire générale ; et tout ce qui pouvait blesser l'amourpropre de M. de Voltaire, ne manquait jamais d'échauffer sa bile. Mais ce qui doit éclairer le public dans cette querelle, c'est de voir le prince des philosophes parler le langage des halles, à l'égard d'un homme qui n'a employé

(1) Cet ouvrage, qui a eu plusieurs éditions est intitulé: les Erreurs de M. de Voltaire, 2 vol. in-12.

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