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légant et le flatteur Voltaire était celui qui lui avait joué ce tour (1). Quel

(1) Il en joua un tout-à-fait semblable à M. de Crébillon, dans le tems même qu'il se glorifiait d'être son ami, et qu'il le citait en témoignage pour prouver qu'il était bien éloigné d'être jaloux de la gloire d'autrui..

« J'ai défendu à mon esprit d'être satirique dit-il dans la préface d'Alzire, et il est impossible à mon cœur d'être envieux. J'en rappelle à l'auteur de Rhadamiste et d'Electre. Ses succès ne m'ont jamais coûté d'autres larmes que celles que l'attendrissement.m'arrachait aux représentations de ses pièces. Il sait qu'il n'a fait naître en moi que de l'émulation et de l'amitié. »

Ces beaux sentimens n'empêchèrent pas M. de Voltaire de publier, peu de tems après, sous le nom de M. Dumolard, une Dissertation sur les principales tragédies anciennes et modernes qui ont paru sur le sujet d'Electre, où M. de Crébillon était fort maltraité. Cet illustre académicien ne se méprit point sur le véritable auteur de cette dissertation; (M. de Voltaire l'a avouée depuis, et on la trouve dans la collection de ses Euvres) mais il se contenta de gémir en silence sur la perfidie de son confrère, qui l'accablait de

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parti prendre dans une conjoncture aussi révoltante? M. le marquis Maffei

louanges sous son propre nom, tandis qu'il le déchirait sous le nom d'autrui.

Après la mort de M. de Crébillon, pendant que la nation était occupée à rendre des honneurs à sa mémoire, M. de Voltaire fit paraître une nouvelle satire contre ce grand homme, où il ne respectait pas plus ses mœurs que ses talens. Cette brochure, de 34 pages in-8°. d'impression, avait pour titre: Eloge de M. de Crebillon. Cet éloge prétendu excita tellement l'indignation du public, que M. de Voltaire s'empressa de le désavouer. Personne ne fut la dupe de ce désaveu. Il y a même apparence que M. de Voltaire ne voulait pas qu'on le crût sincère, puisque dans un dialogue composé depuis, il fait parler ainsi Tullia, qu'il suppose assister à la toilette d'une célèbre marquise qui n'est plus. « Dans quel tems viviez-vous, madame?» Tullia répond: « Du tems de Sylla, de Pompée, de César, de Caton, de Cicéron, dont j'ai l'honneur d'être la fille; de ce Cicéron qu'un de vos protégés a fait parler en vers barbares. J'allai hier à la comédie de Pâris; on jouait Catilina et tous les person

prit celui d'un homme sage, le silence et le mépris. Nous approuvons sa conduite, en accordant toutefois à M. de Voltaire le tribut de louange qui lui est dû :

Artê suâ astutos qui posset vincere Græcos.

nages de mon tems; je n'en reconnus pas un seul ». Nowv, mélang, troisième partie. — Qu'on concilie toutes ces satires avec le juste hommage qu'il rendait à ce célèbre auteur, dans son dis¬ cours à l'Académie Française : « Le théâtre, je l'avoue, est menacé d'une chute prochaine; mais au moins je vois ici ce génie véritablement tragique, qui m'a servi de maître quand j'ai fait quelques pas dans la même carrière. Je le regarde avec une satisfaction mêlée de douleur, comme on voit sur les débris de sa patrie, un héros qui l'a défendue.»>

CHAPITRE X I.

M. l'abbé GUYON.

Les oracles savaient se taire quand ou les avait convaincus de mensonges, où ils s'étudiaient à parler plus juste pour rétablir leur réputation et leur honneur. M. de Voltaire n'a fait ni l'un ni l'autre. Oracle enveloppé, insinuant, captieux, il est devenu tout-à-coup un énergumène furieux, dès qu'il s'est aperçu qu'on avait dévoilé les secrets de son sanctuaire.

M. l'abbé Guyon, justement alarmé du progrès des systêmes dangereux de ce célèbre écrivain, qui gardait alors quelque espèce de ménagement avec le public, entreprit de faire connaître ses erreurs, et de réfuter ses sophismes. Dans ce dessein, il composa un livre

:

intitulé l'Oracle des nouveaux Philosophes, où il rapproche souvent M. de Voltaire de lui-même, le fait tomber en contradiction sur ses propres principes, et renverse l'édifice du mensonge qu'il prétendait établir.

La divinité, forcée dans ses retranchemens, ne garda plus de mesures. Elle éclata vivement contre le témé raire qui avait eu l'audace de dévoiler ses mystères; mais on peut dire que son langage n'annonce rien de divin.

M. de Voltaire parle en effet de M. l'abbé Guyon d'un ton qui annonce plutôt un homme décontenancé, qu'un interprète de la Divinité. Pour ne pas entrer en preuve sur ses principes, il s'est borné à de vagues déclamations et aux injures. C'est ainsi qu'il en use ordinairement, quand il ne peut pas se justifier.

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C'est sur-tout une troupe d'écrivains affamés, dit-il, qui se vantent de défendre le christianisme à

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