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drait la gloire des plus grands auteurs, si leurs lauriers n'étaient à l'abri du blâme mérité par quelques faibles productions échappées à leur plume ?> On lit ce qui suit dans une précédente édition du Temple du Godt, ainsi que dans les variantes de la der

nière.

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« On lui dit que c'était Rousseau. Elle ferma la porte au plus vite. Il fut tout étonné de ce procédé, et jura de s'en venger par quelque nouvelle allégorie contre le genre humain, qu'il haissait par représailles. Il s'écriait en

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rugissant:

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Adoucissez cette rigueur extrême,

Je viens chercher marot, man compagnon:

J'eus comme lui, quelque peu de guignon;
Le dieu qui rime est le seul dieu qui m'aime.
Connaissez-moi; je suis toujours le mêmes
Voici des vers contre l'abbé Bignon:

O vous! Critique, ô vous! déesse utile, cauoit
C'était par vous que j'étais inspiré.
En tout pays, en tout tems abhorré,
Je n'ai que vous désormais pour asile,

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Les six premiers vers ont été changés plusieurs fois. Voici ceux que l'auteur y a substitués, et qu'on trouve dans les variantes du Temple du Goût.

Ah! montrez-vous un peu moins difficile;
J'ai près de vous mérité d'être admis.
Reconnaissez mon humeur et mon style;
Voici des vers contre tous mes amis.

O vous! Critique, ô vous! déesse utile, etc.

L'une et l'autre de ces tournures sont également injustes et mal- adroites. M. de Voltaire lui-même fournira matière à des vers plus propres à l'humilier, si on les lui mettait dans la bouche; mais nous n'envisageons ici que la critique.

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Quelque injuste qu'on soit, les agrémens de l'esprit peuvent quelquefois adoucir la malignité du sentiment; mais pourra-t-on pardonner à l'ennemi de Rousseau, de faire parler la déesse en vers encore plus mauvais que ceux qu'il a choisis dans les œuvres du poëte qu'il traite si mal? Qu'on en juge.

«La Critique entendit ces paroles rouvrit la porté et parla ainsi :

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Rousseau, connais mieux la critique;
Je suis juste, et ne fus jamais
Semblable à ce monstre caustique
Qui t'arma de ses laches traits,
Trempés au poison satirique
Dont tu t'enivres à longs traits.
Autrefois de félonie

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Themis te donna le guerdon;

Par arrêt ta muse est bannie
Pour certains couplets de chanson,

'Et pour un főft mauvais fàétum
Que te dicta la calomnie.
Mais par l'équitable Apollon,
Ta rage fut bientôt punie.

Il rota le peu de génie z

Dont tu dis qu'il' t'avait fait don;
Il te priva de l'harmonie,

Et tu n'as plus rien aujourd'hui
Que la faiblesse et la manie

De rimer encor malgré lui,

Des vers tudesques qu'il renie (1).

(1) Ils n'étaient pas toujours si tudesques; témoins ceux-ci que M. de Voltaire s'est bien gardé de citér.

J'ai pris un vol qui m'élève au-dessus

De a Hature et des communs abus

1

«La Critique ne décida pas mieux qu'elle ne versifie. D'après son jugement, << Rousseau doit passer devant Lamote en qualité de versificateur; mais Lamote aura le pas toutes les fois

Et le bon sens, la justesse et la rime
Dégraderaient mon tragique sublime.

Ouvrez les yeux, ignorans sectateurs
De mes grossiers et vils compétiteurs ;
Ils tirent tous leur lumière débile
Des vains secours d'une étude stérile.
Pour moi, l'éclat dont je brille aujourd'hui
Vient de moi seul; je ne tiens rien d'autrui.
Mon Apollon ne règle point sa note
Sur le clavier d'Horace et d'Aristote.
Sophocle, Eschyle, Homère ni Platon
Ne m'ont jamais rien appris.
On le voit bien, etc. etc.

Vraiment non;

Rousseau, comme on le voit, n'a pas besoin de prêter à son antagoniste un style plat et trivial, pour le tourner en ridicule. Ces vers sont trèsbien écrits, et le ridicule n'en sort pas moins dans ce langage présomptueux. Ne sont-ce pas là les vrais sentimens de celui qui a dit qu'il valait mieux frapper fort que de frapper juste?

qu'il s'agira d'esprit et de raison. » Quelle inconséquence! Si l'on jugeait Rousseau par les vers que l'auteur du prétendu Temple du Got a rapportés de ce poëte, Rousseau mériterait-il même une place parmi les versificateurs? ou pour mieux dire, quiconque a lu les deux auteurs qu'il met ici en concurrence, ne décidera-t-il pas que c'est Lamote qui n'est que le versificateur, et que Rousseau est le véritable poëte? Celui-ci sera toujours regardé comme un homme de génie, et son émule n'aura jamais de place que parmi les beaux esprits.

Nous ferons remarquer, en passant, la malignité de M. de Voltaire, toujours acharné à relever les plus petites taches dans les grands hommes, afin de les déprimer au moins par quelques endroits. Il met ensuite Rousseau aux prises avec Fontenelle; et pourquoi dire? «Eh quoi ! je verrai ici cet homme contre qui j'ai tant fait d'épigrammes ?

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