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« Au reste, je suis encore bien faible. Vous me trouverez au lit, et je ne pourrai que vous jeter à la tête ma seringue et mon pot-de-chambre; mais

que je parlais peu respectueusement de lui dans mon livre intitulé mes Pensées; que je traitais sa cour philosophe, de nains et de bouffons; que je le comparais aux petits princes allemands; et mille faussetés de cette force. M. de Maupertuis me conseilla d'envoyer mon livre au roi en droiture, avec une lettre qu'il vit et corrigea luimême. » M. de Voltaire traite cette confidence de M. de Maupertuis, de crime atroce; mais il ne rapporte pas la lettre de M. la Beaumelle en entier, dont le commencement, qu'il a prudemment retranché, aurait éclairci le fait, et justifié M. de Maupertuis, au sujet du reproche d'avoir manqué au secret qu'il devait à ce qui se disait aux soupers particuliers du roi. M. de Maupertuis n'alla chez M. de la Beaumelle, que parce que celui-ci lui avait déjà fait une visite, et il ne lui raconta l'entretien du souper, qu'après que M. de la Beaumelle lui en eut parlé lui-même, il en avait été déjà instruit par un secrétaire du roi de Prusse.

car

dès que j'aurai un peu de force, je ferai charger mes pistolets cum pulvere pyrio; et en multipliant la masse par le carré de la vîtesse, jusqu'à ce que l'action et vous soient réduits à zéro, je vous mettrai du plomb dans la cervelle; elle paraît en avoir besoin. Il sera triste pour vous que les Allemands, que vous avez tant vilipendés, aient inventé la poudre, comme vous devez vous plaindre qu'ils aient inventé l'imprimerie. Adieu, mon cher président. >>

כל

VOLTAIRE.

La lettre à M. Formey est dans le même goût. Comme elle ne se trouve dans aucune édition des œuvres de M. de Voltaire, nous croyons devoir la joindre à la précédente.

« Monsieur le secrétaire éternel,

« Je vous envoie l'arrêt de mort que le président a prononcé contre moi, avec mon appel au public, et les té

moignages de protection que m'ont donnés tous les médecins et apothicaires de Leipsick. Vous voyez que M. le président ne se borne pas aux expériences qu'il projette dans les terres australes, et qu'il veut absolument séparer dans le nord mon ame d'avec mon corps. C'est la première fois qu'un président a voulu tuer un de ses conseillers. Estce-là le principe de la moindre action? Quel terrible homme que ce président! Il déclare faussaire à gauche, il assassine à droite, et il prouve Dieu par a plus 6, divisé par z. Franchement on n'a rien vu de pareil. J'ai fait, monsieur, une petite réflexion; c'est que, quand le président m'aura tué, disséqué et enterré, il faudra faire mon éloge à l'Académie, selon la louable coutume. Si c'est lui qui s'en charge, il ne sera pas peu embarrassé. On sait comme il l'a été avec feu M. le maréchal de Sch-Metteau, auquel il avait fait quelque peine pendant sa vie. Si

c'est vous, monsieur, qui faites mon oraison funèbre, vous y serez tout aussi empêché qu'un autre. Vous êtes prêtre, et moi, je suis profane; vous êtes calviniste, et je suis papiste; vous êtes auteur, je le suis aussi; vous vous portez bien, et je suis médecin. Ainsi, monsieur, pour esquiver l'oraison funèbre, et pour mettre tout le monde à son aise, laissez-moi mourir de la main cruelle du président, et rayez-moi du nombre de vos élus. Vous sentez bien, d'ailleurs, qu'étant condamné à mort par son arrêt, je dois être probablement dégradé. Retranchez-moi donc, monsieur, de votre liste mettez-moi avec le faussaire Koenig, qui a eu le malheur d'avoir raison. J'attendrai patiemment la mort avec ce coupable: Pariterque cadentes ignovêre diis. Je suis métaphysiquement, monsieur,

votre, etc. »

:

Depuis, M. de Voltaire n'a cessé de déclamer contre son ennemi. La mort

de M. de Maupertuis n'a point appaisé sa haine. Il a fait réimprimer cet amas d'injures qu'il avait vomies; et même dans son Siècle de Louis XV, il n'a pas craint d'attaquer les observations de tant d'académiciens sur la figure de la terre, uniquement pour ravir à M. de Maupertuis la gloire de cette découverte, qui lui appartenait plus qu'à tout autre, puisqu'il avait été le principal instigateur de l'entreprise.

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