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PRÉFACE.

La vie du grand Condé, peinte dans la galerie de Chantilly, représentait, d'un côté, la Muse de P'histoire, arrachant du recueil des actions de ce prince, les feuillets qui contiennent celles qu'il avait à se reprocher contre son roi et sa patrie; et de l'autre, le héros arrêtant la trompette de la Renommée, prête à publier indiscrètement les bonnes et les mauvaises. Si les statues qué l'on a érigées à M. de Voltaire, l'eussent ainsi représenté foulant aux pieds ce tas igno minieux de brochures enfantées contre la vérité et la décence, et le poëte rejetant avec un air d'in

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dignation et des larmes de repentir, cette plume de fer et de boue qui a déchiré la religion ou avili les hommes de lettres, nous nous dispenserions, avec plaisir, de Publier l'ouvrage que nous avons entrepris. Mais il s'en fallait bien que ces sentimens fussent communs au héros de la littérature ! Il n'eut jamais l'intention d'interrompre le cours de ces productions qui ont terni sa gloire. On l'a vu jusques dans la vieillesse la plus avancée, donner un nouvel essor à l'amertume de son fiel, porter de nouveaux coups au christianisme et à ceux qui le respectaient ou le défendaient. On eût dit que son génie ne reprenait de forces que quand il était inspiré

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par la haine ou par l'impiété. Combien d'hommes célèbres ont été en butte à ses invectives et à ses sarcasmes! Une malheureuse facilité de tourner en plaisanterie les injures les plus atroces et les calomnies les plus absurdes, le rendait l'amusement des gens frivoles, et lui faisait oublier qu'il était un sujet d'indignation pour la sagesse et la vertu.

Dans un siècle et chez un peuple où un seul homme pourrait jouir du privilège de diffamer les autres hommes, sans que personne eut le droit de lui répondre, nous nous contenterions de dire : Malheur à cet homme, malheur au siècle qui le goûte, malheur au pouple qui le tolère. Heureuse

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ment nous n'en sommes pas venus à ce degré d'avilissement et de perversité, Malgré l'enthousiasme des approbateurs de M. de Voltaire, il est encore des ames honnêtes que l'indécence révolte. C'est pour elles que nous écrivons, En parcourant cet ouvrage, plus d'un lecteur se dira à lui-même : Par quelle fatalité le génie qui s'est élevé au plus haut degré de gloire, n'a-t-il pas craint de dégrader les talens et les lettres, en répandant l'opprobre sur les lettres et les talens?

Le premier poëte du siècle passé, l'apôtre prétendu de la tolérance, a pourtant donné cet exemple si propre à faire connaître le déréglement des passions

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