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et l'abus du génie. Un grand nom bre d'hommes de lettres estimables, soit par leurs mœurs, soit par leurs talens, ont été l'objet de sa haine; et leur réputation, pour n'avoir pas plié sous son despotisme, fut la victime de sa jalousie ou de sa malignité. En recherchant la cause d'une inimitié si acharnée, on est étonné d'y trouver les fondemens les plus minces, en même tems qu'on y découvre les excès les plus inexcusables. C'eût été peu pour lui de se montrer injuste à l'égard de leur mérite littéraire ; il a cherché à rendre leur personne odieuse et méprisable. Aveuglé par son amour-propre, il a cru tenir dans ses mains le fléau du ridicule; il a cru pou

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voir se rendre l'arbitre des jugemens du public; et quiconque a été son ennemi, ou n'a pas voulu être son admirateur, s'est vu im→ pitoyablement déchiré par ses traits. Jamais haine ne fut plus féconde en querelles, en injustices, en satires, en imputations. De lä ce déluge de libelles qui consigneront sa hònte à la postérité, sans nuire aux personnes qu'il s'est efforcé de décrier.

C'est par un sentiment de jus tice, que nous avons entrepris de présenter aux yeux du lecteur le tableau des proscriptions de M. de Voltaire. Ses partisans outrés né manqueront pas de crier à l'anathême; mais qu'ils apprennent que nos sentimens nous mettent au

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dessus de leurs injures. Nous n'ignorons pas qu'ils se sont arrogé le droit de diriger les lumières, de décider du goût, de juger le mérite, d'assigner les rangs; et tous ceux qui n'embrassent point leurs idées, sont exposés à leur ressen timent: leurs lumières sont dangéreuses en bien des occasions, leur goût est équivoque en mille autres, leurs sentimens presque toujours injustes, leurs éloges même suspects. Ce sera donc pour avoir été les amis du vrai, les défenseurs du bon goût, les zélateurs de la justice, et peu jaloux de leurs louanges, que nous aurons encouru leur disgrace.

Avant d'entrer dans le détail de

ses démêlés littéraires, nous pro

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testons, avec assurance, que nous sommes très-éloignés de vouloir affaiblir en rien les éloges dûs à ses productions qui n'attaquent ni la religion, ni les mœurs, ni les réputations. Nous ne craignons pas de le dire, il eût été le premier homme de son siècle, s'il n'eût pas été peut-être le plus sensible, le plus emporté, le plus intolérant contre tout ce qui a osé contredire ses prétentions. Les discussions littéraires peuvent servir à aigui ser les esprits, à approfondir les matières, à développer la vérité. Quand elles sont contenues dans de justes bornes, on peut alors les regarder comme des fermentations utiles qui éclairent et enrichissent les lettres; mais quand une plume

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sé dégrade pour venger un amourpropre excessif, on oublie aisément le grand homme, pour ne reconnaître que l'homme faible et trop enivré de lui-même.

On sera à portée d'en juger par l'exposé fidèle des démêlés de M. de Voltaire, avec des littérateurs de toutes les classes. On verra les déclamations, les procé dés, les contradictions, les faussetés qu'il a employées pour décrier ses adversaires. Nous avons rassemblé les faits, expliqué les textes, vérifié les citations, confondu les impostures, repoussé les satires. Selon les différens sujets qu'il nous a fournis, nous nous sommes laissé aller tout naturellement aux impressions qu'ils doivent faire sur

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