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ACTE II.

SCENE PREMIER E.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS.

LA PRINCESSE,

Ur. J'aime à demeurer dans ces paifibles lieux;
On n'y découvre rien qui n'enchante les yeux,

Et de tous nos palais la favante ftructure

Céde aux fimples beautés qu'y forme la nature.
Ces arbres, ces rochers, cette eau,

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ces gazons frais

moi des

appas
à ne laffer jamais.
AGLANTE.

Je chéris comme vous ces retraites tranquilles,
Où l'on fe vient fauver de l'embarras des villes.
De mille objets charmans ces lieux font embellis;
Et ce qui doit furprendre, eft qu'aux portes d'Elis
La douce paffion de fuir la multitude

Rencontre une fi belle & vafte folitude.
Mais, à vous dire vrai, dans ces jours éclatans
Vos retraites ici me femblent hors du temps,
Et c'eft fort maltraiter l'appareil magnifique
Que chaque prince a fait pour la fête publique.
Ce fpectacle pompeux de la courfe des chars
Devoit bien mériter l'honneur de vos regards.
LA PRINCESSE.

Quel droit ont-ils chacun d'y vouloir ma présence?
Et que dois-je, après tout, à leur magnificence?

Ce

Ce font foins que produit l'ardeur de m'acquérir,
Et mon cœur eft le prix qu'ils veulent tous courir.
Mais, quelque efpoir qui flatte un projet de la forte,
Je me tromperai fort fi pas un d'eux l'emporte.
CINTHIE.

Jufques à quand ce cœur veut-il s'effaroucher
Des innocens deffeins qu'on a de le toucher,
Et regarder les foins que pour vous on fe donne,
Comme autant d'attentats contre votre perfonne?
Je fais qu'en défendant le parti de l'amour
On s'expofe chez vous à faire mal sa cour,
Mais ce que par le fang j'ai l'honneur de vous être
S'oppofe aux duretés que vous faites paroître,
Et je ne puis nourrir d'un flatteur entretien
Vos réfolutions de n'aimer jamais rien.

Eft-il rien de plus beau que l'innocente flamme
Qu'un mérite éclatant allume dans une ame,
Et feroit-ce un bonheur de refpirer le jour,
Si d'entre les mortels on banniffoit l'amour ?
Non, non, tous les plaifirs se goûtent à le suivre,
Et, vivre fans aimer, n'eft pas proprement vivre.

L

A VIS.

E deffein de l'auteur étoit de traiter toute la comédie en vers. Mais un commandement du Roi qui preffa cette affaire, l'obligea d'achever le reste en profe, de paffer légérement fur plufieurs fcénes, qu'il auroit étendues davantage, s'il avoit eu plus de loifir.

AGLANTE.

Pour moi, je tiens que cette paffion eft la plus agréa ble affaire de la vie, qu'il eft néceffaire d'aimer pour Tome III.

L

vivre heureusement, & que tous les plaifirs font fades,. s'il ne s'y mêle un peu d'amour.

LA PRINCESSE.

Pouvez-vous bien toutes deux, étant ce que vous étes, prononcer ces paroles, & ne devez-vous pas rougir d'appuyer une paffion qui n'eft qu'erreur, que foibleffe & qu'emportement, & dont tous les défordres ont tant de répugnance avec la gloire de notre fexe ? J'en prétens foutenir l'honneur jusqu'au dernier moment de ma vie, & ne veux point du tout me commettre à ces gens qui font les efclaves auprès de nous, pour devenir un jour nos tyrans. Toutes ces larmes, tous ces foupirs, tous ces hommages, tous ces refpects, font des embûches qu'on tend à notrecœur, & qui fouvent l'engagent à commettre des lâchetés. Pour moi, quand je regarde certains exemples, & les baffeffes épouvantables où cette paffion ravale les perfonnes fur qui elle étend fa puiffance, je fens tout mon cœur qui s'émeut & je ne puis fouffrir qu'une ame, qui fait profeffion d'un peu de fierté, ne trouve pas une honte horrible à de telles foibleffes.

CINTHIE.

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Hé! Madame, il eft de certaines foibleffes qui nefont point honteufes, & qu'il eft beau même d'avoir dans les plus hauts degrés de gloire. J'efpére que vous changerez un jour de penfée, &, s'il plaît au ciel, nous verrons votre cœur avant qu'il foit peu.... LA PRINSESSE.

Arrêtez. N'achevez pas ce fouhait étrange. J'ai une horreur trop invincible pour ces fortes d'abaiffemens, &, fi jamais j'étois capable d'y defcendre, je ferois i. perfonne, fans doute, à ne me le point pardonner.. AGLANTE.

Prenez garde, Madame. L'Amour fait le venger des mépris que l'on fait de lui, & peut-être.......

LA PRINCESSE.

Non, non. Je brave tous les traits; & le grand pou voir qu'on lui donne n'eft rien qu'une chimére, & qu'une excufe des foibles cœurs, qui le font invincible pour autorifer leur foibleffe.

CINTHIE.

Mais enfin, toute la terre reconnoît fa puiffance, & Vous voyez que les dieux même font affujettis à fon empire. On nous fait voir que Jupiter n'a pas aimé pour une fois, & que Diane même, dont vous affectez tant l'exemple, n'a pas rougi de pouffer des foupirs d'amour.

LA PRINCESSE.

Les croyances publiques font toujours mêlées d'erreur. Les dieux ne font point faits comme les fait le vulgaire, & c'eft leur manquer de refpect, que de leur attribuer les foibleffes des hommes.

SCENE II.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS, MORON.

V

AGLANTE.

Ien, approche, Moron, vien nous aider à défendre l'amour contre les fentimens de la princeffe.

LA PRINCESSE.

Voilà votre parti fortifié d'un grand défenfeur.

MORON.

Ma foi, Madame, je crois, qu'après mon exemple, il n'y a plus rien à dire, & qu'il ne faut plus mettre en doute le pouvoir de l'amour. J'ai bravé fes armes affez long-temps, & fait de mon drôle comme un

autre ; mais enfin ma fierté a baiffé l'oreille, & (Il montre Philis.)

vous avez une traîtreffe qui m'a renau plus doux qu'un agneau. Après cela, on ne doit plus faire aucun fcrupule d'aimer ; &, puifque j'ai bien paffé par là, il peut bien y en paffer d'autres.

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Et pourquoi non? Eft-ce qu'on n'eft pas affez bien fait pour cela? Je pense que ce vifage eft affez paffable, & que, pour le bel air, Dieu merci, nous ne le cédons à perfonne.

CINTHIE.

Sans doute, on auroit tort. . . . .

SCENE

I I I.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS, MORON, LYCAS.

M

LYCAS.

vient vous trou

Adame, le prince votre pere
ver ici, & conduit avec lui les princes de Py-

le, & d'Ithaque, & celui de Messéne.

LA PRINCESSE.

O ciel! Que prétend-il faire en me les amenant? Auroit-il réfolu ma perte, & voudroit-il bien me forcer au choix de quelqu'un d'eux ?

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