ACTE II. SCENE PREMIER E. LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS. LA PRINCESSE, Ur. J'aime à demeurer dans ces paifibles lieux; Et de tous nos palais la favante ftructure Céde aux fimples beautés qu'y forme la nature. ces gazons frais moi des appas Je chéris comme vous ces retraites tranquilles, Rencontre une fi belle & vafte folitude. Quel droit ont-ils chacun d'y vouloir ma présence? Ce Ce font foins que produit l'ardeur de m'acquérir, Jufques à quand ce cœur veut-il s'effaroucher Eft-il rien de plus beau que l'innocente flamme L A VIS. E deffein de l'auteur étoit de traiter toute la comédie en vers. Mais un commandement du Roi qui preffa cette affaire, l'obligea d'achever le reste en profe, de paffer légérement fur plufieurs fcénes, qu'il auroit étendues davantage, s'il avoit eu plus de loifir. AGLANTE. Pour moi, je tiens que cette paffion eft la plus agréa ble affaire de la vie, qu'il eft néceffaire d'aimer pour Tome III. L vivre heureusement, & que tous les plaifirs font fades,. s'il ne s'y mêle un peu d'amour. LA PRINCESSE. Pouvez-vous bien toutes deux, étant ce que vous étes, prononcer ces paroles, & ne devez-vous pas rougir d'appuyer une paffion qui n'eft qu'erreur, que foibleffe & qu'emportement, & dont tous les défordres ont tant de répugnance avec la gloire de notre fexe ? J'en prétens foutenir l'honneur jusqu'au dernier moment de ma vie, & ne veux point du tout me commettre à ces gens qui font les efclaves auprès de nous, pour devenir un jour nos tyrans. Toutes ces larmes, tous ces foupirs, tous ces hommages, tous ces refpects, font des embûches qu'on tend à notrecœur, & qui fouvent l'engagent à commettre des lâchetés. Pour moi, quand je regarde certains exemples, & les baffeffes épouvantables où cette paffion ravale les perfonnes fur qui elle étend fa puiffance, je fens tout mon cœur qui s'émeut & je ne puis fouffrir qu'une ame, qui fait profeffion d'un peu de fierté, ne trouve pas une honte horrible à de telles foibleffes. CINTHIE. Hé! Madame, il eft de certaines foibleffes qui nefont point honteufes, & qu'il eft beau même d'avoir dans les plus hauts degrés de gloire. J'efpére que vous changerez un jour de penfée, &, s'il plaît au ciel, nous verrons votre cœur avant qu'il foit peu.... LA PRINSESSE. Arrêtez. N'achevez pas ce fouhait étrange. J'ai une horreur trop invincible pour ces fortes d'abaiffemens, &, fi jamais j'étois capable d'y defcendre, je ferois i. perfonne, fans doute, à ne me le point pardonner.. AGLANTE. Prenez garde, Madame. L'Amour fait le venger des mépris que l'on fait de lui, & peut-être....... LA PRINCESSE. Non, non. Je brave tous les traits; & le grand pou voir qu'on lui donne n'eft rien qu'une chimére, & qu'une excufe des foibles cœurs, qui le font invincible pour autorifer leur foibleffe. CINTHIE. Mais enfin, toute la terre reconnoît fa puiffance, & Vous voyez que les dieux même font affujettis à fon empire. On nous fait voir que Jupiter n'a pas aimé pour une fois, & que Diane même, dont vous affectez tant l'exemple, n'a pas rougi de pouffer des foupirs d'amour. LA PRINCESSE. Les croyances publiques font toujours mêlées d'erreur. Les dieux ne font point faits comme les fait le vulgaire, & c'eft leur manquer de refpect, que de leur attribuer les foibleffes des hommes. SCENE II. LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS, MORON. V AGLANTE. Ien, approche, Moron, vien nous aider à défendre l'amour contre les fentimens de la princeffe. LA PRINCESSE. Voilà votre parti fortifié d'un grand défenfeur. MORON. Ma foi, Madame, je crois, qu'après mon exemple, il n'y a plus rien à dire, & qu'il ne faut plus mettre en doute le pouvoir de l'amour. J'ai bravé fes armes affez long-temps, & fait de mon drôle comme un autre ; mais enfin ma fierté a baiffé l'oreille, & (Il montre Philis.) vous avez une traîtreffe qui m'a renau plus doux qu'un agneau. Après cela, on ne doit plus faire aucun fcrupule d'aimer ; &, puifque j'ai bien paffé par là, il peut bien y en paffer d'autres. Et pourquoi non? Eft-ce qu'on n'eft pas affez bien fait pour cela? Je pense que ce vifage eft affez paffable, & que, pour le bel air, Dieu merci, nous ne le cédons à perfonne. CINTHIE. Sans doute, on auroit tort. . . . . SCENE I I I. LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS, MORON, LYCAS. M LYCAS. vient vous trou Adame, le prince votre pere le, & d'Ithaque, & celui de Messéne. LA PRINCESSE. O ciel! Que prétend-il faire en me les amenant? Auroit-il réfolu ma perte, & voudroit-il bien me forcer au choix de quelqu'un d'eux ? |