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SCENE IV.

IPHITAS, EURIALE, ARISTOMENE THEOCLE, LA PRINCESSE, AGLANTE, CINTHIE, PHILIS, MORON.

LA PRINCESSE à Iphitas.

Signeur, je vous demande la licence de prévenir

par deux paroles, la déclaration des pensées que vous pouvez avoir. Il y a deux vérités, Seigneur auffi conftantes l'une que l'autre, & dont je puis vous affurer également ; l'une, que vous avez un abfolu pouvoir fur moi, & que vous ne fauriez m'ordonner rien où je ne réponde auffi-tôt par une obéiffance aveugle; l'autre, que je regarde l'hyménée ainfi que le trépas, & qu'il m'eft impoffible de forcer cette averfion naturelle. Me donner un mari, & me donner la mort, c'est une même chofe; mais votre volonté va la premiére, & mon obéiffance m'est bien plus chére que ma vie. Après cela, parlez, Seigneur, prononcez librement ce que vous voulez.

IPHITA S.

Ma fille, tu as tort de prendre de telles alarmes, & jeme plains de toi, qui peux mettre dans ta pensée que je fois affez mauvais pere pour vouloir faire violence à tes fentimens, & me fervir tyrannique ment de la puiffance que le ciel me donne fur toi. Je fouhaite, à la vérité, que ton cœur puifle aimer quelqu'un. Tous mes vœux feroient fatisfaits, fi cela pouvoit arriver, & je n'ai propofé les fêtes & les jeux que je fais célébrer ici, qu'afin d'y pouvoir at

tirer tout ce que la Gréce a d'illuftre ; & que parmi cette noble jeuneffe, tu puiffes enfin rencontrer où arrêter tes yeux & déterminer tes penfées. Je ne demande, dis-je, au ciel autre bonheur que celui de te voir un époux. J'ai', pour obtenir cette grace, fait encore ce matin un facrifice à Vénus ; &, fi je fais bien expliquer le langage des dieux, elle m'a promis un miracle. Mais quoiqu'il en foit, je veux en ufer avec toi en pere qui chérit fa fille. Si tu trouves où attacher tes vœux, ton choix fera le mien, & je ne confidérerai ni intérêts d'état, ni avantages d'alliance; fi ton cœur demeure insensible, je n'entrependrai point de le forcer mais au moins fois complaifante aux civilités qu'on te rend, & ne m'oblige point à faire les excufes de ta froideur. Traite ces princes avec l'eftime que tu leur dois, reçois avec reconnoiffance les témoignages de leur zéle, & viens voir cette courfe où leur adreffe va paroître.

THEOCLE à la princeffe. Tout le monde va faire des efforts pour remporter le prix de cette courfe. Mais, à vous dire vrai, j'ai peu d'ardeur pour la victoire, puifque ce n'eft pas votre cœur qu'on y doit difputer.

ARISTOMENE.

Pour moi, Madame, vous étes le feul prix que je me propose par tout. C'est vous que je crois difputer dans ces combats d'adreffe, & je n'aspire maintenant à remporter l'honneur de cette courfe, que pour obtenir un degré de gloire qui m'approche de

Votre cœur.

EURIALE.

Pour moi, Madame, je n'y vais point du tout avec cette penfée. Comme j'ai fait toute ma vie profeffion de ne rien aimer, tous les foins que je prens ne vont point où tendent les autres. Je n'ai aucune préten

tion fur votre cœur, & le feul honneur de la courfe eft tout l'avantage où j'aspire.

SCENE V.

LA PRINCESSE, AGLANTE; CINTHIE, PHILIS, MORON.

LAPRINCESSE.

'Où fort cette fierté où l'on ne s'attendoit point? Princeffes, que dites-vous de ce jeune prince? Avez-vous remarqué de quel ton il l'a pris ? AGLAN TE. Il eft vrai que cela eft un peu fier.

MORON à part.

Ah! Quelle brave botte il vient là de lui porter!

LA PRINCESSE.

Ne trouvez-vous pas qu'il y auroit plaifir d'abaiffer fon orgueil & de foumettre un peu ce cœur qui tran che tant du brave?

CINTHIE..

Comme Vous étes accoûtumée à ne jamais recevoir que des hommages & des adorations de tout le mon de, un compliment pareil au fien, doit vous furprendre, à la vérité.

LA PRINCESSE..

Je vous avoue que cela m'a donné de l'émotion, & que je fouhaiterois fort de trouver les moyens de: châtier cette hauteur. Je n'avois pas beaucoup d'envie de me trouver à cette course, mais j'y veux aller exprès, & employer toute chofe pour lui donner de l'amour..

CINTHIE.

Prenez garde, Madame. L'entreprise est périlleuse &, lorfqu'on veut donner de l'amour, on court risque d'en recevoir.

LA PRINCESSE.

Ah! N'appréhendez rien, je vous prie. Allons, je vous répons de moi.

Fin du fecond albe

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Ah! Cruelle, fi c'étoit Tircis qui t'en priât, tu demeurerois bien vite.

PHILIS.

Cela fe pourroit faire, & je demeure d'accord que je trouve bien mieux mon compte avec l'un qu'avec l'autre ; car il me divertit avec fa voix, & toi, tu m'étourdis de ton caquet. Lorfque tu chanteras aussibien que lui, je te promets de t'écouter.

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MORON retenant Philis.

Je ne te laifferai point aller.

PHILIS.

Ah! Que de façons!

Tome III,

M

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