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LE MARIAGE FORCE

LE

MARIAGE

FORCE,

COMÉDI E.

29 Janvier 1554

SCENE PREMIER E.

SGANARELLE parlant à ceux qui font dans fa maison.

JF

E fuis de retour dans un moment. Que l'on ait bien foin du logis, & que tout aille comme il faut. Si l'on m'apporte de l'argent, que l'on me vienne querir vîte chez le Seigneur Géronimo, &, fi l'on vient m'en demander, qu'on dife que je fuis forti, & que je ne dois revenir de toute la journée.

SCENE I I.

SGANARELLE, GERONIMO.

GERONIMO ayant entendu les derniéres paroles de Sganarelle.

Voilà un ordre fort prudent.

SGANARELLE.

Ah! Seigneur Géronimo, je vous trouve à propos; & j'allois chez vous, vous chercher.

GERONIMO.

Et pour quel fujet, s'il vous plaît ?

SGANARELLE.

Pour vous communiquer une affaire que j'ai en tête; & vous prier de m'en dire votre avis.

GERONIMO.

Très-volontiers. Je fuis bien aise de cette rencontre, & nous pouvons parler ici en toute liberté.

SGANARELLE.

Mettez donc deffus, s'il vous plaît. Il s'agit d'une chofe de conféquence, que l'on m'a propofée; & il eft bon de ne rien faire fans le confeil de fes amis.

GERONIMO.

Je vous fuis obligé de m'avoir choisi pour cela. Vous n'avez qu'à me dire ce que c'eft.

SGANARELLE.

Mais, auparavant, je vous conjure de ne me point flatter du tout ; & de me dire nettement votre pensée. GERONIMO.

Je le ferai, puifque vous le voulez.

SGANARELLE.

Je ne vois rien de plus condamnable, qu'un ami qui me nous parle pas franchement.

GERONIMO.

ous avez raison.

SGANARELLE.

Et, dans ce fiécle, on trouve peu d'amis fincéres.
GERONIMO.

Cela eft vrai.

SGANARELI. E.

Promettez-moi donc, Seigneur Géronimo, de me parler avec toute forte de franchise.

GERONIMO.

Je vous le promets.

SGANARELLE.

Jurez-en votre foi.

GERONIMO.

Oui, foi d'ami. Dites-moi feulement votre affaire.

SGANARELLE.

C'eft que je veux favoir de vous, fi je ferai bien de me marier.

Qui? Vous ?

GERONIMO.

SGANARELLE.

Oui, moi-même, en propre perfonne. Quel eft votre avis là-deffus?

GERONIMO.
Je vous prie, auparavant, de me dire une chofe.

Et quoi ?

SGANARELLE.

GERONIMO.

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Ma foi, je ne fais; mais je me porte bien.

GERONIMO.

Quoi ! Vous ne favez pas, à peu près, votre âge? SGANARELLE.

Non. Eft-ce qu'on fonge à cela?

GERONIMO.

Hé, dites-moi un peu, s'il vous plaît, combien aviez vous d'années, lorfque nous fimes connoiffance? SGANARELLE.

Ma foi, je n'avois que vingt ans alors.

GERONIMO.

Combien fûmes-nous ensemble à Rome ?

SGANARELLE.

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Combien y a-t-il que vous étes revenu ici ?

SGANARELLE.

Je revins en cinquante-deux.

GERONIMO.

De cinquante-deux à foixante-quatre, il y a douze ans, ce me femble. Cinq ans en Hollande, font dixfept; fept ans en Angleterre, font vingt-quatre; huit dans notre fejour à Rome, font trente-deux; & vingt que vous aviez lorfque nous nous connûmes, cela fait justement cinquante-deux. Si bien, Seigneur Sganarelle, que, fur votre propre confeffion, vous étes environ à votre cinquante-deuxième, ou cinquante troifiéme année.

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