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pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conIcience, & pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puiffe vivre fans péché. Il m'eft venu des fcrupules, Madame, & j'ai ouvert les yeux de l'ame fur ce que je faifois. J'ai fait réfléxion que, pour vous époufer, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des vœux qui vous engageoient autre part, & que le ciel eft fort jaloux de ces fortes de chofes. Le repentir m'a pris, & j'ai craint le courroux célefte. J'ai crû que notre mariage n'étoit qu'un adultére déguifé, qu'il nous attireroit quelque difgrace d'en haut, & qu'enfin je devois tâcher de vous oublier, & vous donner moyen de retourner à vos premiéres chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous oppofer à une fi fainte penfée, & que j'allaffe, en vous retenant, me mettre le ciel fur les bras? Que par...

D. ELVIRE.

Ah! Scélérat, c'eft maintenant que je te connois tout entier, &, pour mon malheur, je te connois lorsqu'il n'en eft plus temps, & qu'une telle connoiffance ne peut plus me fervir qu'à me défefpérer; mais fache que ton crime ne demeurera pas impuni, & que le même ciel dont tu te joues, me faura venger de ta perfidie.

Madame....

D. JUAN.

D. ELVIRE.

Il fuffit. Je n'en veux pas ouïr davantage, & je m'ac cufe même d'en avoir trop entendu. C'est une lâcheté que de fe faire expliquer trop fa honte ; &, fur de tels fujets, un noble cœur, au premier mot, doit prendre fon parti. N'attens pas que j'éclate ici en reproches & en injures ; non, non, je n'ai point un courroux à s'exhaler en paroles vaines, & toute fa chaleur fe réserve pour fa vengeance. Je te le dis enA a iiij

core, le ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais; &, fi le ciel n'a rien que tu puifles appréhender, appréhende du moins la colére d'une femme offenfée.

SCENE IV.

D. JUAN, SGANARELLE.

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SGANARELLE à part.

I te remords le pouvoit prendre.

D. JUAN après un moment de réfléxion. Allons fonger à l'exécution de notre entreprise amoureuse.

SGAN ARELLE feul.

Ah! Quel abominable maître, me vois-je obligé de fervir!

Fin du premier alte.

ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

CHARLOTTE, PIERROT.

CHARLOTTE.

OTRE dinfe, Piarrot, tu t'es trouvé la bien

Nå point.

PIERROT.

Parguienne, il ne s'en eft pas fallu l'époiffeur d'une éplingue, qu'ils ne fe fayant nayés tous deux.

CHARLOTTE.

C'est donc le coup de vent d'à matin qui les avoit renvarfés dans la mar?

PIERRO T.

Aga quien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drait comme cela eft venu; car, comme dit l'autre, je les ai le premier avifés, avifés le premier je les ai. Enfin donc, j'étions fur le bord de la mar, moi & le gros Lucas, & je nous amufions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jefquions à la tête; car, comme tu fais bian, le gros Lucas aime à batifoler, & moi, par fouas, je batifole itou. En batifolant donc, pifque batifoler y a, j'ai aperçû de tout loin queuque chofe qui grouilloit dans gliau, & qui venoit comme envars nous par fecouffe. Je voyois cela fixiblement, pis tout d'un coup je voyois que je ne voyois plus rian. Hé, Lucas, ç'ai-je fait, je pense que vlà des hommes qui nagiant là-bas.Voire, ce m'a-t-il fait, t'as été au trépaffement d'un chat,

t'as la vûe trouble. Pal fanguienne, ç'ai-je fait, je n'ai point la vûe trouble,ce font des hommes.Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. Veux-tu gager, ç'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, ç'ai-je fait, & que ce font deux hommes qui nagiant droit ici, ç'ai-je fait ? Morguienne, ce m'a-t-il fait, je gage que non. Oh ça, ç'ai-je fait,veux-tu gager dix fols que fi? Je le veux bian, ce m'a-t-il fait, & pour te montrer, vlà argent fu jeu, ce m'a-t-il fait. Moi, je n'ai point été ni fou, ni étourdi, j'ai bravement bouté à tarre quatre piéces tapées, & cinq fols en doubles, jerniguienne auffi hardiment que fi j'avois avalé un varre de vin; car je fis hazardeux moi, & je vas à la débandade. Je favois bian ce que je faifois pourtant. Queuque gniais ! Enfin donc, je n'avons pas putôt eu gagé que j'avons vû les deux hommes tout à plain, qui nous faifiant figne de les aller querir, & moi de tirer les enjeux. Allons, Lucas, ç'ai-je dit, tu vois bian qu'ils nous appellont; allons vîte à leu fecours. Non, ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre. Oh donc, tanquia, qu'à la par fin, pour le faire court, je l'ai tant farmonné, que je nous fommes boutés dans une barque, & pis j'avons tant fait cahin, caha, que je les avons tirés de gliau, & pis je les avons menés cheux nous auprès du feu, & pis ils fe fant dépouillés tout nuds pour fe fécher, & pis il y en eft venu encore deux de la même bande qui s'équiant fauvés tout feuls, & pis Mathurine est arrivée là à qui l'en a fait les doux yeux. Vlà, juftement, Charlotte, comme tout ça s'eft fait.

CHARLOTTE Ne m'as-tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un qu'eft bien pu mieux fait que les autres?

PIERRO T.

Oui, c'est le maître. Il faut que ce foit queuque gros Monfieu, car il a du dor à son habit tout de pis le haut jusqu'en bas, & ceux qui le fervont font des Monfieux

eux-mêmes, & ftapandant, tout gros Monfieu qu'il eft, il feroit par ma fiqué nayé fi je n'aviomme été là. CHARLOTTE.

Ardez un peu.

PIERRO T.

Oh! Parquienne, fans nous, il en avoit pour fa maine de féves.

CHARLOTTE.

Eft-il encore cheux. toi tout nud, Piarrot?

PIERRO T.

Nannain, ils l'avont r'habillé tout devant nous. Mon guieu, je n'en avois jamais vû s'habiller. Que d'hif toires & d'engingorniaux boutont ces Meffieux-là les courtifans! Je me pardrois là-dedans, pour moi, & j'étois tout ébobi de voir ça. Quien, Charlotte, ils avont des cheveux qui ne tenont point à leu tête; & ils boutont ça, après tout, comme un gros bonnet de filace. Ils ant des chemifes qui ant des manches où j'entrerions tout brandis toi & moi. En glieu d'hautde-chauffe, ils portont un garderrobe auffi large que d'ici à Pâques; en glieu de pourpoint, de petites braffiéres, qui ne leu venont pas jufqu'au brichet, & en glieu de rabats, un grand mouchoir de cou à réziau, aveuc quatre groffes houpes de linge qui leu pendont fur l'eftomaque. Ils avont itou d'autres petits rabats au bout des bras, & de grands entonnois de paffement aux jambes, &, parmi tout ça, tant de rubans, tant de rubans, que c'eft une vrai piquié. Ignia pas jufqu'aux fouliers qui n'en foyont farcis tout de pis un bout jufqu'à l'autre ; & ils font faits d'eune façon que je me romprois le cou aveúc.

CHARLOTTE. Par ma fi, Piarrot, il faut que j'aille voir un peu ça. PIERROT.

Oh! Acoute un peu auparavant, Charlotte, J'ai queuque autre chose à te dire, moi.

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