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CHARLOTTE.

Hé bian, di, qu'est-ce que c'eft?

PIERRO T.

Vois-tu, Charlotte, il faut, comme dit l'autre, que je débonde mon cœur. Je t'aime, tu le fais bian, & je fommes pour être mariés ensemble

guienne, je ne fuis point fatisfait de toi. CHARLOTTE.

mais, mar

Quement? Qu'est-ce que c'eft donc qu'iglia?
PIERRO T.

Iglia que tu me chagraines l'efprit franchement.
CHARLOTTE.

Et quement donc ?

PIERRO T.

Têtiguienne, tu ne m'aimes point.

CHARLOTTE.

Ah, ah! N'eft-ce que ça ?

PIERRO T.

Oui, ce n'eft que ça, & c'est bian assez.

CHARLOTTE.

Mon guieu, Piarrot, tu me viens toujou dire la même chose.

PIERRO T.

Je te dis toujou la même chofe, parce que c'eft toujou la même chofe, & fi ce n'étoit pas toujou lamême chofe, je ne te dirois pas toujou la même chose. CHARLOTTE.

Mais, qu'est-ce qu'il te faut? Que veux-tu ?

PIERROT. Jerniguienne, je veux que tu m'aimes.

CHARLOTTE.

Eft-ce que je ne t'aime pas ?

PIERRO T.

Non, tu ne m'aimes pas, & fi je fais tout ce que je pis pour ça. Je t'achette, fans reproche, des rubans à tous les marciers qui paffont; je me romps le cou à

f'aller dénicher des marles; je fais jouer pour toiles vielleux quand ce vient ta fête, & tout ça comme fi je me frappois la tête contre un mur. Vois-tu, ça n'eft ni biau ni honnête de n'aimer pas les gens qui nous aimont.

CHARLOTTE. Mais, mon guieu, je t'aime auffi.

PIERRO T.

Oui, tu m'aimes d'une belle dégaîne!
CHARLOTTE.

Quement veux-tu donc qu'on faffe?

PIERRO T.

Je veux que l'on faffe comme l'en fait, quand l'en aime comme il faut ?

CHARLOTTE. Ne t'aimai-je pas auffi comme il faut?

PIERRO T.

Non. Quand ça eft, ça se voit, & l'en fait mille petites fingeries aux perfonnes quand on les aime du bon du cœur. Regarde la groffe Thomaffe comme elle est affottée du jeune Robain, alle est toujou autour de li à l'agacer, & ne le laiffe jamais en repos. Toujou alle li fait queuque niche, ou li baille queuque taloche en paffant; & l'autre jour qu'il étoit affis fur un escabiau, al fut le tirer de deffous li, & le fit choir tout de fon long par tarre. Jarni vlà où l'en voit les gens qui aimont; mais toi, tu ne me dis jamais mot, t'es toujou là comme eune vraie fouche de bois, & je pafferois vingt fois devant toi, que tu nete grouillerois pas pour me bailler le moindre coup, ou me dire la moindre chofe. Ventreguienne, ça n'eft pas bian, , après tout; & t'es trop froide pour les gens.

CHARLOTTE. Que veux-tu que j'y false? C'est mon himeur, & je ne me pis refondre.

PIERRO T.

Ignia himeur qui tienne. Quand en a de l'amiquié pour les parfonnes, l'en en baille toujou quenque petite fignifiance.

CHARLOTTE.

Enfin, je t'aime tout autant que je pis, & fi tu n'es pas content de ça, tu n'as qu'à en aimer queuque autre. PIERROT.

Hé bien! Vlà pas mon compte? Têtigué, fi tum'aimois, me dirois-tu ça ?

CHARLOTTE.

Pourquoi me viens-tu auffi tarabuster l'efprit?
PIERRO T.

Morgué, queu mal te fais-je ? Je ne te demande qu'un peu d'amiquié.

CHARLOTTE.

Hé bian, laiffe faire aufli, & ne me preffe point tant. Peut-être que ça viendra tout d'un coup fans y fonger. PIERRO T.

Touche donc là, Charlotte.

CHARLOTTE donnant fa main.

Hé bian, quien.

PIERRO T.

Promets-moi donc que tu tâcheras de m'aimer davantage.

CHARLOTTE.

J'y ferai tout ce que je pourrai, mais il faut que ça vienne de lui-même. Piarrot, eft-ce là ce Monfieu?

Oui, le vlà.

PIERROT.

CHARLOTTE.

Ah! Mon guieu qu'il eft genti, & que ç'auroit été dommage qu'il eut été naye.

PIERRO T.

Je revians tout à l'heure ; je m'en vas boire chopaine, pour me rebouter tant foit peu de la fatigue que j'ai

eue.

SCENE I I.

DOM JUAN, SGANARELLE. CHARLOTTE dans le fond du théatre.

N

D. JUAN.

Ous avons manqué notre coup, Sganarelle, & cette bourafque imprévûe a renversé avec notre barque le projet que nous avions fait ; mais, à te dire vrai, la payfanne que je viens de quitter répare ce malheur, & je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon efprit tout le chagrin que me donnoit le mauvais fuccès de notre entreprise. Il ne faut pas que ce cœur m'échappe, & j'y ai déjà jetté des difpofitions à ne pas me fouffrir long-temps pouffer des foupirs.

SGAÑARELLE.

Monfieur, j'avoue que vous m'étonnez. A peine fommes-nous échappés d'un péril de mort, qu'au lieu de rendre grace au ciel de la pitié qu'il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à attirer fa colére par vos fantaifies accoûtumées, & vos amours cr... (D. Juan prend un air menaçant. )

Paix, coquin que vous étes, vous ne favez ce que vous dites, & Monfieur fait ce qu'il fait. Allons. D. JUAN apercevant Charlotte.

Ah, ah! D'où fort cette autre payfanne, Sganarelle? As-tu rien vû de plus joli, & ne trouves-tu pas, dismoi, que celle-ci vaut bien l'autre ?

SGANARELLE.

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D. JUAN à Charlotte.

D'où me vient, la belle, une rencontre fi agréable? Quoi ! Dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres & ces rochers, on trouve des personnes faites comme vous étes?

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Ah! La belle perfonne, & que fes yeux font péné

trans!

CHARLOTTE. Monfieu, vous me rendez toute honteuse.

D. JUAN.

Ah! N'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités. Sganarelle, qu'en dis-tu? Peut-on rien voir de plus agréable? Tournez-vous un peu, s'il vous plait. Ah! Que cette taille eft jolie! Hauffez un peu la tête, de grace. Ah! Que ce vifage eft mignon! Ouvrez VOS yeux entiérement. Ah! Qu'ils font beaux ! Que je voie un peu vos dents, je vous prie. Ah! Quelles font amoureuses, & ces lévres appétillantes! Pour moi, je suis ravi, & je n'ai jamais vû une fi charmante perfonne.

CHARLOTTE

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