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de fromage dans la cachette, et je réponds de tout. Ceci convenu, l'agent le Petit-Pompier et l'un de ses collègues vinrent à dix heures du soir trouver M. Harel, qui les introduisit furtivement dans son cabinet et referma la porte sur eux.

La nuit se passa sans incident, mais à six heures du matin, le bruit d'une clef qu'on introduisait dans la serrure se fit entendre. La porte s'ouvrit tout doucement, puis le secrétaire; alors les agents sortirent tout à coup de leur retraite et s'emparèrent du voleur, qui était le domestique du directeur. Interrogé, il avoua que tous les matins, en allant chercher les effets de son maître pour les nettoyer, il s'emparait de ses.clefs pendant son sommeil et qu'après avoir pris quelques pièces de cinq francs, il remettait les clefs à leur place en même temps que les effets. M. Harel, qui avant tout était bon et humain, ne voulut donner aucune suite à cette affaire et se contenta de chasser le domestique infidèle.

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Le 14 décembre 1834, un crime horrible jetait l'épouvante et l'effroi parmi les habitants d'un des quartiers les plus populeux de la capitale. Une vieille femme, la veuve Chardon, demeurant avec son fils, rue Saint-Martin, passage du Cheval-Rouge, était trouvée assassinée dans son domicile, et la même main qui avait frappé la mère avait aussi frappé le fils. Leur logement était composé de deux chambres ayant chacune une fenêtre, l'une donnant sur la rue Saint-Martin au-dessus de l'éntrée du passage, l'autre sur le passage. Dans la première pièce, le fils Chardon était étendu au milieu d'une mare de sang; une hache ensanglantée, abandonnée non loin de lui, et la manière dont la tête était fracturée, indiquaient assez comment le crime avait été commis. Dans la seconde pièce, on trouvait le cadavre de la mère, mais étendu sur le lit; il était recouvert d'oreillers, de draps et de couvertures, comme si le meurtrier eût voulu s'en épargner la vue. Partout, du reste, les

meubles fracturés, les serrures forcées, le linge bouleversé, attestaient hautement que le vol avait été le premier mobile de l'assassinat, et que l'un et l'autre avaient été consommés.

Le fils Chardon, généralement surnommé la tante, était bien connu pour ses goûts antiphysiques, et ce fut naturellement sur les êtres abjects dont il faisait partie que l'accusation publique tomba tout d'abord. Parmi ces hommes immondes, plusieurs furent arrêtés, puis relâchés faute de preuves. D'autres furent simplement surveillés, sans que cette surveillance produisit de meilleurs résultats. La police en était là de ses recherches, lorsqu'une tentative tout aussi coupable que le crime dont je viens de parler vint de nouveau jeter l'émoi dans la population et fixer l'attention de l'autorité.

Le 29 décembre, un individu, paraissant décidé à quitter Paris sous quelques heures, se rendait rue du Faubourg-Poissonnière, 50, et chargeait MM. MaigreMorstadt et Mallet, banquiers, du recouvrement de deux traites, dont l'une payable fin courant au domicile du sieur Mahossier, rue Montorgueil, no 66.

Le 31 décembre, le sieur Genevey, âgé de dix-huit ans, garçon de recette de cette maison de banque, se rendait, vers trois heures et demie de l'après-midi, au domicile indiqué sur l'effet à toucher, et trouvait au quatrième étage, sur le derrière, une porte où le nom de Mahossier était écrit en grosses lettres, à la craie blanche. Il frappa; deux hommes paraissaient l'attendre dans une pièce ayant pour tous meubles

deux bottes de paille et un panier recouvert d'une planche. A peine fut-il entré, que la porte se ferma derrière le garçon de recette. Un des inconnus chercha à s'emparer de son portefeuille renfermant 10,000 francs en billets de banque, et de sa sacoche contenant 1,100 francs en espèces, et lui porta en même temps à l'épaule droite un violent coup d'un instrument aigu et triangulaire qui pénétra presque dans la poitrine, tandis que l'autre inconnu cherchait à étouffer les cris de la victime en lui comprimant fortement la bouche avec les mains. Mais Genevey était robuste; il leur résista malgré sa blessure et se mit à crier avec tant de force que les deux assassins, effrayés, craignant d'être ainsi trahis et arrêtés en flagrant délit, prirent la fuite, sortirent de la maison en refermant la porte de l'allée et se mirent à courir dans la rue pour simuler la poursuite d'un malfaileur, en criant eux-mêmes: Au voleur!

Tels étaient les renseignements qui avaient été transmis à la préfecture et d'après lesquels, le chef de la sûreté s'étant rendu sur les lieux, les agents de ce service commencèrent des informations qui restèrent sans succès. Ce ne fut que dix jours après le crime, le 9 janvier 1835, que l'on se décida à me charger de la recherche des deux assassins que chacun déclarait introuvables.

Je résolus, pour ma première démarche, d'aller voir le sieur Gousseaux, fruitier et principal locataire de la maison de la rue Montorgueil, n° 66, et, comme première lumière à projeter sur cette

affaire, je lui demandai le signalement exact des

assassins.

Mahossier était venu à différentes reprises chez le principal locataire, et celui-ci me le dépeignit sans difficulté. Quant à son compagnon, il n'avait été aperçu qu'une seule fois, et encore fort imparfaitement; aussi ne put-on me fournir aucune indication utile. Muni du signalement du premier, j'examinai attentivement le nom de Mahossier qui, ainsi que je l'ai dit plus haut, était écrit à la craie blanche sur la porte de la chambre où le crime avait été commis, et j'allai visiter les garnis où les malfaiteurs ont l'habitude de loger. Je parcourus inutilement les maisons sises rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, rue de Lourcine, rue Jean-de-Lépine, 12, rue des Vertus, 4, etc.; mais en arrivant rue du Faubourg-duTemple, no 107, je remarquai sur le livre de police du sieur Pageot le nom de Mahossier, et immédiatement au-dessous celui de Ficellier, portés tous deux entrés et sortis le même jour. J'interrogeai l'hôte et sa femme; j'appris que les deux individus en question n'avaient occupé qu'un seul lit, et bientôt j'acquis la certitude que c'était bien eux que j'avais mission d'arrêter. L'hôtesse, en réponse à ma demande, me dépeignit Ficellier, et à chaque parole qu'elle prononçait, à chaque nouveau trait qu'elle ajoutait pour donner de la ressemblance à son portrait, mon étonnement allait croissant. Je restai immédiatement convaincu que ce signalement-là se rapportait exactement à celui d'un certain François, arrêté depuis quelques

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