Voüet rendit les honneurs qu'il reçut da Prince 3 SIMON utiles au public, par l'ufage de fes talens. On peut VOUE T. dire que la peinture en France lui doit ce que le théâtre doit à Corneille. Les Miniftres s'emprefferent tour à tour d'avoir de ses tableaux. Le cardinal de Richelieu lui fit peindre en 1632, la cha pelle & la galerie du palais Royal; quelque tems après, il peignit celle de l'hôtel de Bullion, celle du château de Ruel, celle du château de Chilly au Maréchal Deffiat, la chapelle Seguier, & un plafond à l'hôtel Bretonvilliers. Son talent particulier de bien peindre des Vierges, étoit foutenu de la fraîcheur du pinceau, Vouet inventoit facilement, confultoit le naturel, étoit correct, & cherchoit Paul Veronefe; fes difpofitions étoient fort agréables, fans être magnifiques. Son premier goût cenoit du Valentin, & avoit beaucoup de force : il tomba enfuite dans (a) le gris.

Le Roi d'Angleterre le voulut avoir à fon fervice; mais Voüet lui repréfenta fes obligations de fervir fon Prince le premier.

Pour contenter tous ceux qui lui demandoient des tableaux, une maniere expéditive vint à fon fecours; fes élèves les peignoient fur fes deffeins, & il les retouchoit enfuite. Il laiffoit ignorer la fu périorité de fes connoiffances, & les communiquoit à fes difciples, fans leur faire fentir combien il lui en avoit coûté pour les acquérir. Ce qui a beaucoup nuit à la réputation de ce grand peintre, ce font plufieurs ouvrages dont on l'accabloit de tous

(a) Ce que les peintres modernes appellent tomber dans la farine.

côtés, & qu'il n'avoit que le tems de conduire, fans prefque y donner un coup de pinceau : mais les grands ouvrages qui font fortis de fa main, font bien voir quelle étoit l'excellence de fon génie, & combien il étoit différent de lui-même en ces occafions.

Sa facon de peindre au premier coup, quoique légère, eft un peu manierée dans les doigts de fes figures & dans fes airs de têtes peu expreffives, qu'on ne voit fouvent que de profil avec de petits nez retrouffés ; il réuffiffoit parfaitement à peindre les enfans.

Perfonne n'a tant travaillé en France que ce peintre; on connoît de fa main plufieurs galeries, quantité de plafonds, des appartemens entiers, dont il peignoit jusqu'aux lambris & aux panneaux de menuiferie, fans compter un grand nombre de chapelles & de tableaux d'autel.

Voüet peut fe vanter d'avoir formé tous les peintres qui fe font diftingués dans le dernier fiècle. Parmi tous les élèves, le Sueur & le Brun tiennent le premier rang; Jean-Baptifte Mole, Aubin & Claude Voüet, fes freres qui moururent avant lui: François Perrier, Pierre Mignart, Nicolas Chaperon, Charles Poërfon, Dorigny le pere, Louis & Henri Teftelin, & Alfonfe du Fresnoy, fe diftinguent de fes autres difciples. La gloire d'avoir formé ces grands artistes, l'a fait autant connoître que fes propres ouvrages : il aimoit mieux les ramener à force de taifons, qu'à force de reprimandes. Il mourut à Paris en 1641,âgé de cinquante-neuf ans, & fut enterré dans l'Eglife de St Jean en Grêve, laiflant deux filles, qui épouferent Dorigny & Tortebat peintres de l'académie.

SIMON

VOUET.

VOWET.

Les deffeins de Simon Voüet ne font pas rares : la SIMON liberté qui y régne, accompagnée d'une maniere vague, annonce fon génie. Ils font ordinairement faits à la pierre noire, hachés négligemment, quelquefois croifés & rehauffés de blanc de craie; fouvent un petit lavis d'encre de la Chine ou de biftre, forme les premieres ombres. Il y en a d'arrêtés d'un trait de plume, d'autres font entièrement à la mine de plomb. Le goût de Voüet est des plus aifés à diftinguer.

On voyoit à Rome, dans la chapelle des chanoines de faint Pierre, faint Chryfoftome, faint François & faint Antoine de Padoue à genoux à côté du crucifix dans le même tableau. On y voit encore à fan Lorenzo in Lucina, dans la chapelle Alaleoni, les faits de faint François fur les côtés de la chapelle; les lunettes & les angles de la coupole, où font répréfentées plufieurs actions de la Vierge, avec des anges qui jouent de plufieurs inftrumens de mufique : à côté de l'autel, il a peint faint Pierre & faint Paul, & divers autres faints.

A fan Francefco à Ripa, une nativité à côté du tableau de Martin de Vos.

A notre Dame de Lorette, eft une cêne dans la chapelle du faint Sacrement.

A Gênes, à la chapelle Raggi dans l'Eglife du Jefus, un Chrift mouranr fur la croix avec la Vierge, la Madeleine & faint Jean.

A Duffeldorp chez l'Electeur Palatin, fainte Catherine à qui un ange apporte la couronne du

martyre.

A Toulouse, le ferpent d'airain, & l'invention de la vraie croix dans la chapelle des Pénitens noirs.

Dans la ville d'Eu en Normandie, un tableau

qui représente une affomption au maître-autel des SIMON Jéfuites.

Ses principaux ouvrages à Paris font, la chapelle de l'hôtel Seguier (aujourd'hui l'hôtel des fermes), où il a peint un grand plafond dont l'adoration des Mages fait le fujet; les Rois d'Arabie & de Saba chargés de préfent, & accompa gnés d'une nombreuse fuite, y font représentés derriere une balustrade qui couronne la corniche de cette chapelle : le tableau d'autel eft un Chrift en croix, & fur les lambris, onze sujets de la vie de Notre Seigneur, & onze autres plus petits audeffous, peints fur fes deffeins. Dans les falles d'en bas, on voit une affomption, & dans une autre piéce, Minerve & Bellone avec des enfans compartis dans le plafond. Une galerie au premier étage à l'hôtel de Bullion, expofe les travaux d'Ulyffe en quinze tableaux fur les murs, & en dixneuf au plafond qui eft en plein cintre; les trois du milieu font les plus grands, on y voit l'affemblée des Dieux auxquels le Soleil se plaint de ce que les compagnons d'Ulyffe avoient tué les bœufs qui lui étoient confacrés: cette galerie eft précédée d'un cabinet où font dans les lambris neuf fujets de l'histoire de Diane, & au plafond Vénus avec les Amours qui tirent des fléches. Dans la galerie du palais Royal, qu'on a en partie détruite, étoient représentés en pied les hommes illuftres du dernier fiécle : la chapelle du même palais eft circulaire; on voit à l'autel une annonciation, & une gloire d'anges au-deffus, quatre ovales ornent les pendentifs; ce font les apôtres formant des grouppes: le plafond eft en compartiment, & représente

VOUET.

le pere éternel au milieu des anges qui jouent des SIMON inftrumens, avec quatre petits ronds en camayeu VO U E T. où font les Vertus. Le fond eft occupé par une tribune qui avance en trompe avec des anges dans fon cintre; tout eft doré, avec de petits anges en grifaille dans les panneaux : le pavé de marbre eft comparti de très bon goût.

Une galerie au château de Chilly, bâtie par M. Deffiat Sécretaire d'Etat fous Louis XII. Le plafond eft à compartiment de ftuc avec de groffes bordures autour des tableaux peints à frefque au milieu, c'eft l'affemblée des Dieux, figures de demi nature. Deux grands morceaux, fçavoir, le lever du foleil & celui de la lune,se voient à chaque bout: quatorze autres pratiqués en divers compartimens, expofent l'histoire des Dieux avec deux figures à chacun. Les murs entre les croifées font ornés de cariatides & de grouppes d'enfans,avec des panneaux quarrés & ovales peints fur toile & à l'huile,au nombre de onze de chaque côté, & un fur la cheminée. On y voit Diane & Endimion, Neptune & Amphitrite, Andromede, Europe, Pan & Syrinx; au-deffous, ce font de petits payfages & des vues de châteaux peints dans la maniere de Paul Bril, & rempliffant les panneaux dorés d'une menuiferie ancienne: Voüet a fait plufieurs tableaux pour le Président de Fourcy en fa maifon de Chefly.

Les tableaux du grand autel de faint Eustache repréfentent le martyre du faint, & le pere éternel au-deflus; celui de faint Nicolas des-champs, eft la mort de la Vierge au bas, & fon aflomption audeflus; à faint Médéric, la répréfentation du faint; aux Carmélites de la rue Chapon, une nativité: on remarque un très-beau tableau de faint Fran