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NICOLAS

Quelques bons ouvrages que Colombel fit à Rome, lui acquirent de la réputation, & le firent recevoir a l'académie de faint Luc. Il envoya à Paris, en COLOMBEL. 1682, quatre fujets d'histoire, dont les connoiffeurs parurent aflez contens; l'un eft Notre - Seigneur qui chaffe les marchands du Temple; le deuxième l'aveugle de Jéricho; on voit dans le troifiéme la femme adultère, & dans le quatrième Notre-Seigneur chez le Pharifien. Le foin qu'il avoit pris de terminer ces tableaux, avoit préconife fes talens à Paris; & il ne lui reftoir plus à fon retour en cette ville, en 1694, qu'à les faire roître dans tout leur jour.

pa

Pierre Mignard, premier peintre du Roi & Directeur de l'académie de Paris, qui goûtoit affez fa maniere d'opérer, le fit recevoir dans ce corps malgré la réfolution qu'il avoit prife de ne point augmenter le nombre des académiciens. Son humeur critique eut peut-être autant de part que fes talens à cette diftinction. Il donna pour fon tableau de réception, les amours de Mars & de Rhéa, qu'il fuppofe que ce Dieu trouva endormie fur le bord du Tibre, & dont naquirent Rémus & Romulus. L'académie le nomma Profefleur en 1795, quelques années après la mort de Mignard. Le Roi l'employa à peindre dans les appartemens de la Ménagerie, plufieurs chofes, entr'autres, un Orphée jouant de la lyre, tableau affez eftimé, On voit à Meudon deux tableaux de fa main, fçavoir, Moyfe trouvé fur les eaux, & les filles de Jéthro. On recherchoit fon pinceau pour le beau fini pour les riches fonds d'architecture, & pour un certain ton de couleur claire, fort eftimé

Colombel.

aujourd'hui dela plûpart de nos amateurs : ils nomNICOLAS ment ce ton du beau nom d'argentin, & le préferent injustement à ce ton fort & vigoureux, qui caractérife nos grands maîtres anciens. Il y a cependant des tableaux de Colombel mieux coloriés & peints dans le goût des Carraches tels que Moyle trouvé fur les eaux, le jugement de Salomon, la Samaritaine, le maffacre des Innocens, & le Paralytique où eft fon portrait. On voit, dans l'Eglife des Jacobins rue S. Honoré, un faint Hyacinthe, qui fauve l'image de la Vierge faite en marbre, des mains des ennemis du nom Chrétien : il s'eft fervi dans ce tableau des têtes des Religieux de ce couvent, qui vivoient en ce tems-là.

Il eft fâcheux que malgré la belle ordonnance de ces tableaux, leur riche architecture, leur perfpective réguliere, Colombel y ait répandu beaucoup de froid, de fechereffe, un ton de couleur trop dur qui ne fe lie point avec le fond, des airs de têtes communs, & qui fe reffemblent tous, fans nobleffe & fans aucun goût de l'antique. Avec quels yeux voyoit-il donc les ouvrages de Raphaël & du Pouffin, qui avoient cherché toute leur vie l'élégance des figures Grecques, & la nobleffe de leurs expreffions? On corrige difficilement les défauts naturels on peut les déguifer & les embellir de plufieurs connoiffances; mais le fond du caractère perce toujours. On peut dire que les graces femblent avoir fui fon pinceau; elles lui ont échappées.

Colombel mourut à Paris en 1717, âgé de foixante-onze ans, fans avoir jamais voulu fe marier, fans former aucun élève, & fans avoir eu,

ainfi

que le Pouffin, perfonne pour le fervir. Ses deffeins font très - terminés, furtout fes études d'après les antiques; elles font faites fur du papier bleu, au crayon de pierre noire relevé de blanc de craye: les hachures en font fi fines, qu'elles paroiffent eftompées, avec un trait trèsdélié & un crayon peu moelleux. On voit quelques-uns de fes deffeins dont le contour eft à la plume, lavés à l'encre de la Chine, relevés de blanc au pinceau, dont la fechereffe eft encore plus frappante: on les croiroit, fi on n'y prenoit pas garde, des copies, tant on trouve de parties négligées, touchées de petit goût, & des contours peu coulans. Les airs de têtes & les attitudes. des figures fuffilent pour connoître le génie & la main de ce maître.

Claude Duflos a gravé un grand morceau, qui eft la femme adultère, le pendant, qui repréfente Notre-Seigneur chez le Pharifien, eft de la main de Michel Doffier, qui a auffi gravé deux autres fujets en hauteur; l'un l'aveugle de Jéricho l'autre Notre-Seigneur qui chaffe les marchands. du Temple.

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NICOLAS

COLOMBEL

PARROCEL.

JOSEPH PARROCEL

JOSEPH JOSEPH Parrocel s'eft extrêmement illuftré par PARROCEL le talent de peindre des batailles. Il naquit en 1648, dans la ville de Brignole en Provence. Son pere Barthelemi Parrocel, étoit d'une famille difBARTHELEMI tinguée de la ville de Montbrifon en Forêft; on le deftina d'abord à l'état ecclésiastique; mais fa forte inclination pour la peinture, prévalut fur la volonté de fes parens. Ses p ogrès, qui répondirent à fon inclination, lui infpirerent le voyage d'Italie. Un Grand d'Espagne le rencontra dans la route, goûta fon efprit, fes talens, & l'emmena dans ce royaume. Apres y avoir paffé quelques années, & s'être mis en état par fon travail de continuer fon voyage, il s'embarqua fur un vaiffeau, qui fut pris par des corfaires & mené à Alger. Le Capitaine, qui avoit fubi le même fort, connoiffant heureufement le Conful de la nation Françoife, recouvra par un prompt échange, la liberté, ainfi que Barthelemi. Ils arriverent tous deux à Rome, où ce peintre ayant paffé quelques années à fe fortifier dans fon art, vint rejoindre le capitaine en Provence, & époufa fa fille, Ce mariage le fixa a Brignole, féjour de fon beaupere, & il y mourut en 1660, dans un âge peu avancé, laissant une veuve & trois enfans; Barthelemi, mort fort jeune; Louis qui devint l'aîné, & Jofeph dont nous allons parler: ils s'attacherent tous trois à la peinture.

Joseph n'avoit que douze ans lors du décès de

fon pere; les heureufes difpofitions dont la nature l'avoient doué,étoient toute fa reffource. Il alla trou. JOSEPH PARROCEL ver, en Languedoc, fon frere Louis, qui y exerçoit, avec diftinction, l'art de la peinture. Ce fut de Louis que Jofeph reçut les premieres inftructions. Après un féjour de trois ans, il se déroba de la maifon de fon frere & vint à Marseille, ou il peignit le dedans d'un vaiffeau, & furpassa par cet essai, les artistes les plus confommés dans ce genre de travail,

Quelqu'envie qu'il eût d'aller en Italie, ayant appris que fon frere étoit à Paris, il en prit la route; il comptoit que ce frere lui procureroit une entrée facile chez les habiles gens, dont le commerce lui paroiffoit néceflaire à fon avancement; mais, après une dangereufe maladie, les médecins avoient confeillé à fon frère d'aller prendre l'air à Avignon, où il s'établit. Les grands peintres de Paris, qui connurent les talens de Jofeph, ne purent lui refufer leur eftime & leurs confeils pendant les quatre années de féjour qu'il y fit; ses travaux furent une reffource où il puifa fuffifamment de quoi se paffer dès fecours qu'il auroit attendre de fa famille.

pu

Parrocel retourna enfuite en Provence, à l'âge de vingt ans, & paffa de-là en Italie: Rome fut la premiere ville qui l'arrêta. Bourguignon, célebre peintre de batailles, y étoit en grande eftime: il fe mit dans fon école, & fuivit ce genre de peinture, pour lequel il avoit un goût décidé, La vigueur des tableaux du Bourguignon ne le frappoit pas moins que la fierté des figures de Salvator Rofa, qui peignoit prefque toujours des gens de guerre. Bourguignon, charmé de fes progrès, lui accorda fon

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