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ce qui fait un auffi grand effet que fes tableaux. Ses figures, fes chevaux font bien deffinés ; tout eft JOSEPH touché avec efprit, avec feu, cependant un faire faire PARROCEL tout différent de celui du Bourguignon & de Vander-Meulen, fervira à le faire diftinguer de ces deux grands maîtres.

Dans une Eglise de Dunkerque, à la chapelle de la communion, on voit un fujet de l'apocalypse; ce font les vingt-quatre vieillards, profternés devant le trône de l'agneau.

Ses ouvrages à Paris font, la prédication de faint Jean-Baptifte dans le défert, grand tableau qu'on voit à Notre-Dame; dans le refectoire des petits peres de la place des Victoires, saint Augustin qui fait des miracles.

On voit de lui à l'hôtel de Soubise, le pere du Prince à cheval, & de grands portraits en pied de plufieurs perfonnes de cette maison, dont il a peint tous les fonds ces morceaux ornent la grande falle, & font placés entre les croifées.

Il a peint un des quatre refectoires de l'hôtel des Invalides, où il a représenté, à frefque, en fix grands tableaux, les principales actions de Louis XIV.

Souvent il faifoit d'excellens morceaux de batailles dans les fonds des grands portraits de Rigaud.

On voit à Versailles, dans les appartemens du Roi, onze fujets de batailles, qui ornent la falle où le Roi mange; & fur la cheminée de la falle des gardes, un combat où des gardes du Roi terraffent quelques cavaliers avec des lances. On l'appelle la bataille de Leuze.

Il y a cinq grands tableaux de lui à l'hôtel de

Touloufe; l'un repréfente la foire de Bezons, les JOSEPH quatre parties du monde font les fujets des quatre

PARROCEL. autres.

Ce maître a gravé de fa main, à l'eau forte, une fuite de la vie de Notre-Seigneur, en quarantehuit morceaux ; un miffel pour l'Eglife de NotreDame, ornée de dix à douze vignettes, quatre ba tailles moyennes, & les quatre Heures du jour.

Roullet a gravé d'après lui un Frontispice, où David apporte à Saül l'épée & la tête de Goliath, & quatre différentes vignettes, qui ont fervi à des livres.

ELIZABETH CHERON.

ELIZABETH-SOPHIE
CHERO N.

IL feroit injufte de donner ici l'exclufion aux

femmes que
leurs talens ont illuftrées. Elifabeth-
Sophie Cheron naquit à Paris en 1648, de Henri
Cheron, Peintre en émail de la ville de Meaux,
qui feconda la forte inclination que fa fille avoit
pour le deffein. Son mérite fe fit connoître en
peu de temps, & elle peignit beaucoup de por-
traits dont la parfaite reffemblance étoit la moin-
dre partie. Un beau ton de couleur, un goût de
deffein exquis, une entente de l'harmonie, des
draperies bien jettées, joints à une grande faci-
lité de pinceau, fe trouvoient réunis dans cette
illuftre artifte. Elle faifoit, même de memoi-
re, des portraits qui pouvoient le disputer aux

autres. Charles le Brun, qui aimoit à foutenir les arts, la présenta à l'Académie, où elle fut reçue avec distinction en l'année 1676 fon portrait peint de fa main fut fon tableau de réception.

Mademoiselle Cheron peignoit également l'hiftoire & le portrait, & même ce dernier étoit toujours traité allégoriquement; c'eft ce qu'on appelle portrait hiftorie. Elle deffinoit beaucoup d'après l'antique, & fur-tout d'après les pierres gravées; talens que peu de perfonnes ont poffédé comme elle la pierre par fa petitefle ne vous donnant que la compofition, il faut y fuppléer par la correction, la variété des caractères & l'expreffion; c'eft fortir entierement de la qualité de copiste. Ces deffeins font en effet au-deffus de l'imitation & il faut que le deffinateur y mette beaucoup du fien.

Son pere l'avoit élevée dans le Calvinisme; mais fa mere, Marie Lefevre, qui étoit catholique, lui inspira fes fentimens, & elle fe convertit à la Religion catholique, après une année de retraite dans la Communauté de Madame de Miramion, où elle fit abjuration entre les mains de M. de Pouffé, Curé de Saint Sulpice. Sa charité fut extrême à l'égard de fa famille, & de tous ceux qu'elle fçavoit être dans le befoin. Elle a entretenu pendant dix-huit ans en Italie fon frere Louis pour faciliter fes progrès dans la peinture; & il a répondu à fes grands foins.

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Elifabeth Cheron étoit parvenue à l'âge mûr, fans paffer par les foibleffes de l'enfance. Ses talens ne fe bornoient pas à la feule pratique du dèffein: elle s'attacha à la poëfie, & en 1693 elle traduifit en vers françois quelques Pfeaumes & Cantiques

ELIZABETH

CHERON.

du Roi prophète, ornés de figures gravées par Louis ELIZABETH Cheron fon frere, avec un Poëme des cerifes renCHERON. verlées, imprimé à la fin de la Batrachomiomachie d'Homere, mife en vers françois par M. Boivin. Ces ouvrages lui mériterent le fuffrage des connoiffeurs, & une place dans l'Académie des Ricovrati de Padoue en 1699, fous le nom de la Muse Erato.

La mufique fe joignoit à fes autres connoiffan ces; elle jouoit fort bien du luth, & tous les foirs en fortant du travail elle s'exerçoit dans fon falon avec fes niéces, qui étoient fes élèves, & auxquelles elle avoit fait apprendre à jouer de divers inftrumens. Louis XIV, pour recompenfer tant de differens talens, lui donna une penfion de cinq cens livres.

Tous les gens de Lettres étoient fes amis, & fe raffembloient chez elle. M. de Piles a fouvent admiré l'affemblage de fes rares qualités; il s'étoit retiré exprès dans fa maifon, pour s'entretenir avec elle du bel art de la peinture. Son efprit orné & naturellement enjoué fe prêtoit volontiers à toutes fortes de converfations; elle fçavoit s'ajuster à la portée de chacun, faifant valoir le mérite des autres fans affecter de faire paroître le fien. Sa générofité alla même fi loin, qu'elle peignoit les portraits de fes amis, ou pour leur en faire préfent, ou pour les placer dans fon cabinet: J'ai, difoit-elle, en leur abfence le plaifir de m'entretenir avec eux.

Elle le maria, à l'âge de foixante ans, au lieur le Hay, Ingénieur du Roi, qui n'étoit guères plus jeune qu'elle. Ce mariage philofophique n'avoit

d'autre

d'autre but que d'avantager fon mari, qu'elle ELIZABETH eftimoit depuis long-temps; le foin de fes biens, CHERON. qui étoient affez confidérables, y entroit pour quelque chofe. On lui entendit dire en fortant de l'Eglife: Nous voilà donc mariés, Monfieur; à la bonne heure l'eftime féparée de l'amour ne nous en demande pas davantage, & elle lui tint parole. Sa modeftie paroiffoit jufques dans les habits; & je pourrois dire, l'ayant vue fouvent, que la nature s'étoit méprife dans Mademoiselle Cheron, ainfi que dans Madame Dacier on voyoit, pour ainfi dire, dans ces deux illuftres femmes, les traits de deux grands hommes. Elle mourut à Paris en 1711, âgée de foixante-trois ans, & fut enterrée à Saint Sulpice.

Ses deux niéces de la Croix ont été fes élèves. Les deffeins d'Elifabeth Cheron font la plûpart des copies d'après des pierres antiques; rarement en voit-on de fa compofition. Elle a fait encore beaucoup d'études d'après Raphaël, les Caraches & les grands maîtres. Sa maniere de deffiner étoit de laver au biftre, d'arrêter les contours au pinceau, & de les relever au blanc d'une ma-niere auffi propre qu'intelligente. Souvent elle fe fervoit de fanguine, avec un petit lavis de biftre. Ses études étoient toutes au crayon de fanguine bien manié, haché & croifé comme la gravure: le goût de l'antique, que cette habile main a fçu conferver, la fera diftinguer facilement.

İl y a une fuite de cornalines gravées d'après fes deffeins, de vingt-quatre feuilles, dont trois font de fa main; l'une, la Nuit qui répand fes pavôts; l'autre, Bacchus & Ariane, & la

TO ME IV.

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