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PHILIPPE MEUS NIER.

CE peintre né à Paris en 1655, étoit fils de Jean PHILIPPE

Meufnier, ancien Juge-Conful de cette ville. On MEUSNIER.
le mit fous la conduite de Jacques Rousseau, dont
les talens fympatifoient extrêmement avec les in-
clinations naiflantes de Meufnier. Ce maître dé-
couvrit en lui un goût dominant pour l'architec-
ture on ne voyoit, fur les murs de fa maison,
que deffeins de chapiteaux, de moulures, de cor-
niches; il n'en fallut pas davantage pour le dé-
terminer. Il montroit en fa perfonne un affem.
blage de tous les talens propres à fon art; en un
mot, une heureuse naiffance, riche de fes
propres
fonds. Les réflexions qu'il communiquoit à Rouf-
feau, n'étoit point celles d'un écolier : Quel avan
tage, difoit-il, pour la poësie, de pouvoir expofer en
même tems plufieurs faits, tandis que
la peinture n'a
pour elle qu'un moment à représenter, une feule action,
un feul fentiment, n'étant plus permis, dans un même
tableau, de multiplier l'action, comme ont fait, dans
l'enfance de la peinture, la plupart des anciens maî-

tres.

Après les premieres inftructions, le meilleur confeil que lui donna Rouffeau, fut de les aller perfectionner à Rome; fon pere confentit à ce voyage, où il paffa huit années dans de continuelles études : la figure qu'il employoit heureufement dans fes ouvrages ne fut pas négligée, fans compter tous les morceaux d'antiquité, toutes les

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vûes des environs de la ville, qu'il deffina plufieurs PHILIPPE fois. La feule Eglife de faint Pierre l'occupa près MEUSNIER. d'un an ; il en fit plus de cent deffeins pris de diffé

rens afpects. Rien ne peut mieux former un peintre d'architecture, que les Italiens appellent un Quadraturifta, & furtout dans la partie importante de la perspective, science fi néceffaire à tous les genres de peinture, & ordinairement fi négligée parmi les gens de l'art.

Lorfque Meufnier eut rempli tous fes projets, que fes études & fes recherches furent finies, il revint à Paris, en 1680, rejoindre fon maître Rousseau continuellement occupé dans les maisons Royales, & qui, furpris de fes progrès, l'employa dans fes travaux. Quelque tems après, en 1683, Meufnier trouva un établissement avantageux, en époufant la fille d'un négociant.

Rouffeau commençoit à peindre à frefque les murs extérieurs du château de Marly, lorfque la révocation de l'édit de Nantes l'obligea de fe retirer dans les pays étrangers. Meufnier, comme le meilleur de fes difciples, lui parut mériter d'exécuter fes deffeins & de continuer l'ouvrage du château de Marly, & il le fit préférer à tous ceux qui fe préfenterent à cet effet.

Ce peintre s'en acquitta de maniere à justifier le choix que fon maître avoit fait de fa perfonne: il peignit enfuite, après avoir fini le château, les douze pavillons, qui ne font pas d'un moindre goût. Il eft vrai que l'invention en eft due au célébre le Brun, fous lequel chaque peintre le faifoit une gloire de travailler.Louis XIV voulut bien fcel ler de fon approbation celle du public; & Sa Majefté choisit Meufnier pour donner les deffeins des

feux & réjouiffances qui fe firent dans le château de Marly, à la naiflance de Mr. le Duc de Bour gogne. Son génie y parut auffi galant que magni fique, & la Cour marqua par des acclamations réitérées, la fatisfaction qu'elle en avoit eueĮ

Le même Monarque, content de fes fervices, le nomma, en 1700, pour peindre l'architecture, de la voûte de la chapelle de Verfailles. Cette archi tecture eft compofée dans le milieu de trois cartou ches, peints par Antoine Coypel, premier pein tre du Roi, entourés de bordures & de culots d'ornemens en camayeu brun rehauffé d'or, Les cinq croifées de chaque côté forment fix arcades, dont le haut eft orné de cartouches avec des infcrip tions entourées de têtes de Chérubins & d'ornemens qui foutiennent des coquilles, accompagnées de caffolettes fumantes avec des guirlandes de fleurs, qui retombent dans les embrafures. Deux des cinq lunettes des vitraux repréfentent des Evangéliftes, & les trois autres font à compartimens, avec des têtes de Chérubins & des cornes d'abondance d'où fortent des fruits, le tout peint en verd brun & rehauffé d'or.

Louis XIV parut fatisfait de l'exécution de l'architecture feinte de la voûte de fa chapelle, & fa Cour ne le fut pas moins; le Duc d'Orléans ne balança pas à choifir la même main pour orner fa galerie du palais Royal, où Antoine Coypel a peint au plafond fept fujets de l'Eneïde, fur le côté defquels font des caryatides, avec des escla ves grouppés & affis fur les focles d'une baluftrade, Ces caryatides foutiennent les arcs feints de la voûte, & des Renommées font placées, au-deffus des cadres où font les fujets d'hiftoire, entre lef TO ME IV.

T

PHILIPPE

MEUSNIER.

quels on a pratiqué des panneaux remplis de palPHILIPPE mes & d'ornemens militaires, le tout peint en MEUSNIER. camayeu verdâtre. Les extrémités du grand tableau du milieu font décorées d'une Veltale & d'une Bellone dans des panneaux de même couleur. On voit un renfoncement d'architecture au-deflus de la cheminée, & plufieurs guirlandes de fleurs fortant des mafques & autres ornemens, fervent de Haifon, & produifent un coup d'œil des plus magnifiques.

Lotfque tous ces grands morceaux furent achevés, Meulnier erut qu'il ne manquoit plus rien à fa gloire ni à fa fortune; cependant, quelques mécontentemens qu'il reçut des Contrôleurs des bâtimens, qui vouloient lui affocier un autre peintre dans les travaux de Marly, le déterminerent à tout quitter & à fe retirer à Munich chez l'Electeur de Baviere, qui le reçut avec beaucoup de joie, & lui propofa tous les avantages poffibles pour le retenir & l'attacher auprès de fa per

fonne.

Louis XIV, informé de fon abfence, donna ordre à M. de Torcy, Secretaire des affaires étran geres, d'expédier un paffeport pour le faire revenir en France. A fon retour, on lui rendit justice fur fes prétentions. Sa Majefté le gratifia d'une penfion de fix cens livres, d'un logement aux galeries du Louvre, & il recommença fes travaux dans le château de Marly. Ce Monarque lui commanda enfuite trois tableaux, qui fe confervent à la (a) Sur

(a) C'eft le lieu où l'on garde les tableaux du Roi qui ne fervent point à décorer les maisons Royales.

intendance de Verfailles; l'un eft la repréfenta- PHILIPPE tion d'une Eglife, dont l'ordonnance eft des plus MEUSNIER. belles: Watteau eut ordre de l'orner de jolies figures; les deux autres font les dedans d'un palais richement décoré, avec des figures de Pater, élève de Watteau.

La réputation que Meufnier s'étoit faite par fes talens, lui donnoit le droit de prétendre à une place d'Académicien. En effet, il fut agréé & reçu dans la même féance, en 1702, parce qu'il avoit avec lui fon tableau de réception. Ce morceau repréfente le dedans d'un palais en perfpective, ouvert de deux grandes arcades, qui découvrent un beau payfage, avec quelques figures de fa main; rien n'eft i recherché que ce tableau dans toutes fes parties. On le fit enfuite Confeiller, en 1703, & Tréforier de l'académie en 1719.

Louis XV, ayant entendu parler des tableaux commandés par fon bifayeul, vint voir Meufnier dans fon attelier pendant qu'il achevoit ces beaux ouvrages. Sa Majefté, quoique fort jeune, fit voir en les examinant fon grand goût pour les arts; les moindres beautés de détail n'échapperent point à fa pénétration ogs

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Les étrangers qui venoient en France, devoient une vifite à notre artifte; on le regardoit comme le feul dans ce genre de peinture: la vérité qui y regnoit faifoit difparoître l'illufion; & la régularité de l'architecture, élevée fur un plan géométral, ne fentoit point la fiction, comme dans la plupart de ces morceaux, qui ne doivent leurs fuccès qu'au feul caprice. Outre le beau ton, de couleur & une harmonie charmante, on trouvoit toujours dans fes

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