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LIERE.

trumens de mufique. On y voit une chambre tas NICOLAS piffée de grands tableaux, où il a feint des rideaux DE LARGIL- un paysage & une balustrade en bas où font des perroquets, des finges, des chats parmi des fruits & des fleurs. L'humeur gaie n'a jamais abandonné Largilliere, & je me fouviens que, deux ans avant la mort, tout paralytique qu'il étoit, il me récita, en présence de fa femme, des vers qu'il avoit fait au fujet de leur mariage. Galant avec les Dames dont il faifoit le portrait, il reditoit volontiers le compliment qu'il avoit fait à une des plus aimables: Vous êtes fi belle, Madame, vous croiroit de la race des fleurs

qu'on

Ce grand peintre étoit de ces artistes qui ont des droits fur les éloges de la poftérité; on auroit fouhaité qu'il eût ceflé de travailler dans les dix dernieres années de fa vie. Les beaux arts, ainfi que les amours, n'ont qu'une faifon. Il étoit apparemment fourd à cette voix intérieure qui fe faifoit entendre à un ancien (a) poëte, & qui l'avertiffoit de fe repofer à propos lorfqu'affoibli par l'âge, il auroit pu produire des ouvrages qui auroient déparé les premiers.

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Largilliere fut attaqué en 1743 d'une paralyfie, qui ne lui permit plus de travailler pendant trois années confécutives. I conferva toujours une préfence d'efprit admirable jusqu'à son dernier moment, qui arriva le 20 Mars 1746, à l'âge de

(a) Eft mihi purgatam crebrò qui perfonet aurem,
Solve fenefcentem maturè fanus equum, ne

Peccet ad extremum ridendus, & ilia ducat.

Horat. Epift. Lib. I. v. 7.

quatre-vingt-dix ans. Il fut inhumé dans l'Eglife. NICOLAS

de faint Médéric, & n'a laiffé qu'un fils, mort

Confeiller au Châtelet; & une fille mariée deux DE LARGILfois, & morte fans avoir laiffé d'enfans.

Ses defleins font peu communs ; il jettoit tout d'un coup fa pensée fur la toile: ceux que l'on conferve de lui, font à la pierre noire, relevée de blanc de craie; quelques-uns à la fanguine, & la plume y eft fort rarement employée, excepté dans les croquis; le feu & l'efprit qui étoient affectés à ce maître, y brillent de toutes parts. Ses études de draperies font excellentes, & les mains aux trois crayons,font belles comme celles de Vandyck. On remarque dans tous les defleins des têtes négligées, formées par des ovales, ainsi que le pratiquoit le Pouffin.

Il a fait plufieurs élèves, entr'autres, les fieurs Milot & Van-Schuppen, premier peintre de l'Empereur, fils du fameux graveur de ce nom; le fieur Jans & Mrs, des Lyens & Oudry, peintres diftingués de l'académie, le fieur Meufnier fils, & le feur Chevalier Descombes, qui a fait fon portrait deux ans avant fa mort. Largilliere n'a cependant mis le pinceau à la main qu'au fieur VanSchuppen.

On voit de beaux portraits de fa main, dans la galerie de Salzdahlen, du Duc de Brunswic principalement celui du Général Jordan, qui appuye fa main fur fon cafqué.

On a gravé environ foixante morceaux d'après lui; les portraits les plus remarquables font ceux du Cardinal de Noailles, de Michel Colbert, Ar chevêque de Touloufe; de Pierre- Daniel Huet,

LIERE.

LIERE

NICOLAS Evêque d'Avranches; de l'Abbé de Louvois, de DE LARGIL- Charles Gobinet, Principal du collège du Pleffis ; du Préfident Lambert, fa femme, fa fille, trois portraits hiftoriés; Madame Titon; le Prince de Galles, de trois manieres; Magalotti, Lieutenant Général; Géoffroi pere & fils; Claude Bourdaloue, Mitantier, Bertin, la Duclos de la comédie, le Brun, Vander - Meulen, Foreft, fon portrait peint par lui-même en différens âges: le tout gravé par Edelinck, Van - Schuppen, Pitau, Smith, Roullet, Vermeulen, Drevet, Defplaces,, Chereau, Surugue, Petit, & autres.

JOSEPH

JOSEPH VIVIE N.

IL eft dû une place dans la vie des grands peinVIVIEN. tres, à Joseph Vivien, né à Lyon en 1657. Son pere, négociant de cette ville, & Recteur de la Charité, voyant l'amour de fon fils pour la peinture, la facilité qu'il avoit à rendre fes idées fur le papier, enfin l'apparence de tous les talens proprès à cet art, fut le premier à lui en faire appren. dre les principes. L'envie de profiter & d'abréger les longs travaux d'une profeffion où la vie fuffit à peine, lui fit entreprendre le voyage de Paris.

Vitaque tam longa brevior non fufficit Arti.

Du Frefnoy, de Art. Gr. v. 496.

Il entra dans l'école de Charles le Brun, dont

le

le goût fublime pour le deffein, & les lumieres fupérieures pouvoient feules former un grand élève.

Le Brun apperçut fans peine, au bout de quelques mois, les talens naiflans de fon disciple. Les compofitions des grands fujets de l'histoire, étoient moins à fa portée que le portrait, & il fçut s'y fixer.

Ce peintre fit des progrès furprenans dans ce genre. Son nom, qui devint fameux, lui fournit en peu de tems les moyens de fe perfectionner. Pour faire un beau portrait, il le peignoit de face entiere, quoique cela foit plus difficile dans l'exécution. En effet, on ne voit, dans un profil, que la moitié du vifage, & on doit feulement l'employer, lorfqu'il y a quelque raifon particuliere, telle qu'en eut autrefois Apelle. On fçait que ce fameux artifte, peignant le Roi (a) Antigonus qui étoit borgne, le prit de profil, & fauva par fon

art le défaut de la nature.

Pour fe diftinguer, Vivien eflaya de deffiner au paftel; la légèreté de fa main lui acquit une grande facilité dans ce genre de peinture, & il fut des premiers à peindre, en paftel, des portraits en pied grands comme nature, dont la fraîcheur & la vérité étonnoient. Ce prodige nouveau fut extrêmement goûté: on ne croyoit qu'à peine ce que les yeux confirmoient; le coloris vigoureux de ces beaux morceaux faifoit douter s'ils étoient peints

(a) Pinxit & Antigoni Regis imaginem altero lumine orbam primus excogitata ratione viria condendi; obliquam namque fecit, ut quod corpori deerat, pictura potius deeffe videretur. Plin. Lib. 35. cap. x.

TO ME IV.

JOSEPH

VIVIEN.

JOSEPH

à l'huile ou au pastel. Il eft vrai que le pastel a l'avantage fur l'huile d'être plus frais, plus brillant, VIVIEN. plus vrai & plus approchant de la chair; on y trouve un moelleux, des fraîcheurs, des paffages du fang qui ne font point dans l'huile. Quel dommage que la moindre humidité ruine le pattel

entiérement !

Notre artiste représentoit toute une famille dans une riche compofition, où l'hiftoire, la fable & l'allégorie, fe prêtoient de mutuels fecours. Ce qui le diftingua le plus, ce fut la famille de Monfeigneur, appellé le grand Dauphin, pere des trois Princes de France; ce font de grands tableaux qui les repréfentent en pied féparément, & que l'on conferve dans le cabinet des tableaux du Roi, qui eft à la Surintendance de Versailles.

Louis XIV. le logea d'abord près du Louvre, enfuite aux Gobelins; l'Académie l'admit dans fon corps en 1701, & fes tableaux de réception furent les portraits, en pastel, de Robert de Cotte & de Girardon, en bufte hiftorié. L'Académie le nomma enfuite Confeiller, en 1703.

Les Electeurs de Baviére & de Cologne le choifirent pour leur premier peintre, & il fit, en grand, le portrait de Maximilien - Emanuel, Electeur de Bavière, Gouverneur des Pays - Bas. Quoique Vivien fe fût attaché au pastel, il peignoit auffi quelquefois à l'huile ; il fit de cette forte une grande adoration des Rois, pour être présentée le premier jour de Mai 1698, par les Örfévres, devant le portail de Notre-Dame de Paris. Il a fait encore plufieurs grands tableaux de famille, compofés de dix à douze figures: tel eft le beau morceau qu'il fit par ordre de l'Electeur de Cologne,

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