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JOSEPH

lequel repréfente la réunion de la famille Electorale de Baviere, défunie depuis plufieurs années par une guerre fanglante; l'allegorie, qui rend VI VIEN, les fujets plus grands & plus relevés, y eft employée avec beaucoup de génie, & ne devient point une énigme dans ce tableau. L'Electrice de Bavière paroît descendre d'une galére qu'on voit derriere elle; une femme, représentant la République de Venife, l'accompagne & lui donne azyle pendant les troubles de la guerre, & la ville de Munich perfonnifiée embraffe, par reconnoissance, cette femme l'Electeur conduit d'une main cette illus tre époufe, & donne l'autre au Prince Electoral fon fils, fuivi des quatre Princes fes freres, & de Minerve, qui, ayant préfidé à leur éducation, tient une Princeffe entre fes bras, qu'elle leur préfente. Mercure, la Juftice, l'Abondance, la Paix, avec leurs attributs, font élevées dans les airs, & environnées de plufieurs Génies occupés à garnir de feftons de fleurs les arbres des environs, pour marquer la joie des Bavarois prêts à recevoir leurs Altefles Electorales; la Difcorde & la Fraude, qu'on voit dans le bas du tableau, se précipitent dans des gouffres profonds; & les Arts, accompagnés de la Juftice & de l'Abondance, paroiffent renaître de l'aimable retour du Prince dans fes états, dont on voit le palais avec des arcs de triomphe, & le temple de Janus, fermé par l'heureufe conclufion de la paix en 1714.

Vivien employa plufieurs années à peindre ce grand ouvrage, qui fut approuvé de tous les connoiffeurs; Louis XIV le voulut voir, & on le porta à Versailles, pour joindre aux éloges de la ville les applaudiffemens de la Cour,

Tout étoit aimable dans Vivien; caractère gai JOSEPH & amufant, figure gracieuse, manieres obligeanVIVIEN. tes, un efprit qui fe montroit par-tout, avec cela peu intéreffé: on en jugera par le trait fuivant. Une jeune beauté, enchantée de fes portraits eut une envie extrême d'avoir le fien, & étoit inconfolable, de ce que fa petite fortune ne lui permettoit pas d'employer une auffi habile main. Vivien, qui le fçut, alla dès le lendemain chez elle commencer fon portrait : elle ne lui cacha point l'obftacle qui arrêtoit ce projet ; le peintre en travaillant le leva fur le champ: La beauté, lui dit-il, a des droits acquis fur toutes chofes ne fou met-elle pas les hommes & les Dieux? Cette aimable perfonne, qui avoit des doigts de Fée, broda une robe de chambre qu'elle lui envoya quelque tems après, accompagnée de très-jolis vers.

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Un jour qu'il étoit à déjeûner chez un de fes amis, l'enthousiasme lui prit de le peindre fans fortir de table; il le commença le matin, & en discourant & buvant ensemble, il fut fini parfaitement le foir. L'habileté peut- elle fe joindre mieux à la prefteffe de la main? Ce portrait, que j'ai vu, eft parfait pour la reffemblance: la tête eft digne de Vandick; l'habillement eft une vefte de bufle avec une main paffée dedans, & un chapeau de paille.

Vivien peignit une autrefois un homme qui fit difficulté de prendre fon portrait, fur ce qu'il ne le trouvoit pas affez reflemblant : le peintre lui répondit: Eh bien, Monfieur, je n'en fuis point embarraffe ; j'y mettrai une queue de finge, je l'ajusterai à ma maniere, fans toucher à la ressemblance; tout le monde vous reconnoîtra, & je trouverai vingt mar

ebands pour un; l'homme prit le tableau fur le champ, & le paya.

JOSEPH

Lorfque le grand morceau pour l'Electeur de Ba- VIVIEN. viére fut achevé, en 1734, Vivien, dans le desfein de le préfenter à leurs Alteffes Electorales de Baviére & de Cologne, entreprit, malgré fon grand âge, de le porter en Allemagne au mois de Novembre: il y falua l'Electeur de Cologne, Mais ce voyage lui fut funefte: il tomba malade à Bonne dans le palais de l'Electeur où il étoit logé & y mourut d'une fluxion de poitrine en 1735, âgé de foixante dix-huit ans.

Vivien fut marié deux fois, & eut plufieurs en fans, dont il n'y en eut qu'un qui fuivit fa profeffion. Ce jeune homme, étant allé avec lui en Allemagne, découvrit aux ennemis le lieu où étoient les tableaux que fon pere avoit faits de la famille de l'Electeur. Ces morceaux furent enle vés par un parti, & l'Electeur, à force d'argent, eut affez de peine à les ravoir; ce fils mourut à Bruxelles à l'âge de trente ans.

Ce peintre avoit encore mené une de fes filles, qui fe retira après fa mort à Munich, pour folliciter chez l'Electeur le payement des ouvrages de fon pere. Ce Prince, voulant lui marquer l'eftime qu'il confervoit pour le défunt, la renvoya en France quelque temps après, comblée de les libéralités.

Une réputation foutenue durant plufieurs années, a juftifié depuis la favorable opinion qu'on avoit conçue de les ouvrages, & fa mémoire sera vengée de l'oubli, par le burin du graveur qui a placé fon portrait dans cet ouvrage.

Ses élèves & fes deffeins ne font nullement

connus.

JOSEPH

VIVIEN.

Le Roi a de ce peintre, outre la famille en grand de Monfeigneur le Grand Dauphin, le portrait en bufte de Monfeigneur le Duc de Berry fon fils, & celui de Maximilien - Emanuel, Electeur de Baviére, & Gouverneur des Pays-Bas.

Vermeulen a gravé, d'après Vivien, le portrait, en grand, de la Comteffe d'Arco, l'Electeur de Bavière ci-deffus, eft encore de lui; Jean Audran l'a auffi gravé en pied, ainfi que le portrait de l'Electeur de Cologne; Nicolas Blanpignon, Curé de faint Médéric, eft d'Edelinck; l'Abbé Bignon, par le même; M. Dormesson, par Flippart; Girardon, en bufte hiftorié, par Drever; Gherardi, comédien Italien, & JulesHardouin Manfard, par Edelinck; Benoît Audran, par lui-même ; Jean Berrein, par du Flos; Corneille Vancleve, par J. B. Poilly.

HYACINTHE RIGAUD.

RIGAUD. LA France a perdu fon Vandyck dans la perfonne d'Hyacinthe Rigaud, né à Perpignan en 1659. Son pere Mathias & fon ayeul, qui étoient peintres, lui infpirerent aifément le goût de leur profeffion. Il n'avoit que huit ans, quand le premier mourut fa mere ne voulant point s'oppofer à l'inclination qu'il fembloit avoir héritée de fes parens, l'envoya à l'âge de quatorze ans à Montpellier, pour y étudier fous Pezet & Verdier, peintres affez médiocres: quelques perfonnes af furent qu'il travailla aussi chez Ranc le pere, dont

les portraits approchoient de ceux de Vandyck RIGAUD. Quatre années furent employées dans cette étude, & fes talens ne commencerent à éclore que dans, la ville de Lyon, où il fut occupé pendant quelque tems. Le goût de Vandyck a toujours été fon objet ; rarement s'en est-il écarté.

Rigaud, dans la vue de fe perfectionner, vint à Paris en 1681. L'année fuivante, il fit connoître fon avancement par le premier prix de peinture qu'il remporta à l'Académie ; un évènement imprévu l'empêcha de jouir du fruit de cette victoire, qui d'ordinaire eft la penfion pour aller à

Rome.

Quelques portraits commencerent fa réputation; le premier fut celui d'un nommé Materon, joaillier, qu'il fit au premier coup, dans le goût de Vandyck; ce portrait pafla fucceffivement au fils & au petit-fils du joaillier. Ce dernier, voulant s'affurer s'il étoit de Rigaud, le fit porter chez lui. Sur les affurances du poffeffeur que ce portrait étoit de fa main, & fur le nom de Materon, Rigaud reconnut fon ouvrage La tête, dit-il, pourroit être de Vandyck, mais la draperie n'est pas digne de Rigaud, & je la veux repeindre gratuitement. Le portrait du fameux Girardon fut fon fecond mor ceau.

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Charles le Brun, premier peintre du Roi, ayant vû plufieurs productions de ce jeune artiste lui trouva un fi grand talent pour le portrait, qu'il le détourna de faire le voyage d'Italie, qu'il méditoit depuis long-tems.

Rigaud alla en Rouffillon, en 1695, pour revoir fa mere: une de fes principales vues, en faifant ce voyage, étoit de la peindre, & de remporter

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