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vingt-deux ans, laiffant pour élève un fils habile, & de l'Académie, qui joint au talent de la peinture celui de la poefie: fon neveu Nicolas, qui porte fon nom, eft encore fon élève; mais s'étant attaché au portrait, il eft devenu celui de l'illuftre Rigaud.

Les études que Defportes a faites d'après nature font coloriées, parce qu'il ne croyoit pas moins néceffaire d'étudier la vraie couleur des objets, que leur forme. Il fe fervoit ordinairement de pierre noire fur du papier gris, fans beaucoup de hachures, relevée de blanc de craie : il y en a qui font arrêtées d'un trait de plume, avec un lavis léger d'encre de la Chine, Les deffeins coloriés font peints à l'huile fur du gros papier gris fans impreffion : manière excellente pour empêcher qu'ils ne fe collent l'un contre l'autre ; mais il faut, pour y réuffir, qu'ils foient peints au premier coup. Ses étu→ des de chiens font faites aux trois crayons, & font de la derniére beauté : l'efprit qui y règne, un feu furprenant, une touche, une précision, la nature même faifie parfaitement, publient l'habileté de la main de François Defportes.

Le Roi poffede la plus grande partie des ouvra ges de ce maître. On voit à Versailles quatorze tableaux représentant diverfes chaffes, & des animaux féparément; cinq à la Ménagerie, qui font des chafles au cerf, au chevreuil, au daim, au loup & au fanglier; fix tableaux dans l'anti-chambre du Roi à Marly, représentant, l'un trois chien nes qui arrêtent des perdrix rouges, deux autres chiennes arrêtent des faifans; deux perdrix grifes fuivies par une chienne, paroiffent dans le troifiéme tableau; le quatriéme offre l'arrêt de deux TOME IV.

Y

DESPORTES,

DESPORTES.

faifans par un chien; ce même sujet eft représenté dans le cinquième, & deux perdrix rouges dans le fixiéme. On voit à Meudon une chaffe du sanglier & du cerf; à la Muette, c'eft un canard buvant dans une fontaine, avec plufieurs oifeaux, un paon fur une baluftrade avec une bafle de viole & un chien blanc. Il y a au château de Compiegne huit tableaux des chaffes du Roi, & nombre de chiens en arrêt ; les autres font des corbeilles de fruits,avec plufieurs piéces de gibier. Il y a encore deux tableaux ; l'un de l'oifeau nommé chevalier, & l'autre de deux oiseaux des Indes. Defportes a peint à Fontainebleau un fanglier arrêté par fept chiens,& un cerf Jans l'eau pour. fuivi par cinq chiens: on voit à Choify-le-Roi, un cerf aux abois entouré de plufieurs chiens, & deux tableaux reprefentant des oifeaux des Indes. On remarque à Paris dans la galerie d'Apollon un chien qui arrête un farfan blanc, un autre avec un finge & un perroquet, un liévre, un chat noir & blanc, & un chien.

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Il y a huit tableaux à l'hôtel des Gobelins, dont les fujets font des fruits fauvages, animaux des Indes, oifeaux, éléphans, tortues, ferpens, fleurs; ils ont fervi à faire de magnifiques tentures de tapifleries.

On voit au palais Royal trois tableaux qui étoient deftinés pour une cuifine particuliere, dont tous les uftenfiles étoient d'argent; l'un eft un amas de gibier en plume placé fur la cheminée, les deux aurres fervent de deffus de porte, représentant des légumes & de la viande piquée prête à mettre en broche: on ne peut rien defirer de plus convenable à la nature du lieu.

La falle à manger de feu M. Bonier étoit ornée

DESPORTES.

de quatre grands tableaux : le veftibule du château de Virginie (a), près Palaiseau, eft rempli de fix belles challes; quatre grands tableaux de lui dans la falle à manger d'un particulier; ce font des chafles. Une galerie dans le village de Châtillon près Paris, & quantité d'autres maisons de plaifance, poffédent des ouvrages de fa main.

Il n'y a que trois morceaux gravés d'après Defportes, fon portrait à l'Académie, par Joullain ; & deux tableaux de chaffes, qui font à Virginie, & exécutés par le même.

ILOSOFF

LETRAS

(a) D'autres disent Villegeni

ANTOINE COYPE L.

ANTOINE

NTOINE Coypel, fils de Noël, vint au monde ANTOINE à Paris en 1661. Il fut élève de fon pere, dont la ré- COYPEL. putation & les bons ouvrages font affez connus en France. Les heureuses difpofitions d'Antoine Coypel plûrent infiniment à M. Colbert,& il confeilla à fon pere, qui venoit d'être nommé par le Roi Directeur de l'Académie de Rome, de le mener avec lui, quoiqu'il n'eût alors que onze ans,& qu'il fût au colléges

Antoine s'attacha particuliérement à étudier à Rome les ouvrages de Raphaël, de Michel-Ange & d'Annibal Carrache; il remporta un prix à l'Académie de faint Luc,& fes progrès furprenoient les plus habiles gens de Rome, le cavalier Bernin & Carlo Maratti étoient de ce nombre: fon amitié pour

COYPEL.

ce dernier fut extrême. Les antiques entretent ANTOINE dans fes études, il n'en falloit pas davantage pour former un grand peintre. Ses amis, après trois ans de féjour à Rome, lui confeillerent de voir la Lombardie, où il alla admirer les chefs-d'œuvres du Corrége, du Titien & de Paul Veronese.

De retour en France, Coypel fit connoître par plufieurs ouvrages qu'il avoit utilement employé fon tems en Italie, il peignit à dix-huit ans les deux tableaux de la croifée de l'ancienne paroiffe de Versailles, & à dix-neuf ans celui que les orfévres avoient coutume de préfenter tous les ans à l'Eglife de Notre-Dame de Paris le premier Mai, c'est l'affomption de la Vierge. L'année suivante, il fit trois tableaux pour les religieufes de l'Affomption, qui font la vifitation & la purification peintes fur toile dans les trumeaux des croifées du dôme, & la conception dans une arcade au - dessus de la porte d'entrée; les Chartreux ont de lui l'aveugle de Jéricho; le (a) plafond dans le pavillon qui étoit au bout du jardin du château de Choily, & qui vient d'être détruit, représentoit Phaeton demandant à fon pere la conduite de fon char; il paffoit pour un de fes meilleurs

morceaux..

Tous ces ouvrages lui acquirent une fi grande réputation, que Monfieur, frere unique de Louis XIV, le nomma fon premier peintre, & qu'il fut reçu à l'Académie en 1681, à l'âge de 20 ans :

(a) On a eu la précaution, avant d'abbattre ce pavillon, d'enlever de deffus le plâtre toute la peinture, dont on a formé quatre tableaux, que j'ai vus, & dont les jointures inévitables, ont été répeintes par fon

fils.

le fujet de fon tableau de réception eft Louis XIV qui fe repofe dans le fein de la gloire après ANTOINE la paix de Nimégue. Ses talens le firent nommer COYPEL. un de ceux qui devoient travailler à la chapelle de

:

Verfailles il y a peint à l'huile, au milieu de la voûte, le Pere éternel dans fa gloire, & dans les extrémités deux grouppes d'anges tenant la croix & la colonne de la paffion; douze bas-reliefs en camayeu représentant les évangéliftes; faint Louis, S, Charlemagne, & quelques ornemens mêlés d'en. fans font compartis dans le plafond. Il y a encore douze prophétes affis fur le focle de la grande corniche cette heureufe diftribution fait connoître quelle étoir la capacité d'antoine Coypel. Plufieurs grands tableaux pour des tapifferies dont les fujets font tirés de l'Ecriture fainte, fortirent de ton pin. ceau dans le même tems, tels qu'Atalie, Jephté, Sufanne, le jugement de Salomon, Esther, Tobie, Jacob, Laban & autres.

L'Académie le nomma en ce tems-là, profeffeur & recteur en 1707.

Son nom fit alors grand bruit en Angleterre, & on lui fit des offres fi avantageufes pour l'engager à s'y rendre, que le Duc de Chartres qui l'aimoit voulut s'y oppofer; il vint fecrétement chez lui dans un fiacre, & le fit avertir par un de fes gens traveftis, qu'un de fes amis qui ne vouloit point être connu, avoir un mot à lui dire: Coypel entra dans le carroffe, & reconnut le Prince avec étonnement. Ils furent ensemble aux champs Elifées, où les offres & les carreffes de ce grand protecteur détournerent entiérement Coypel de ce voyage.

L'Académie le nomma directeur en 1714, &

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