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l'année fuivante, le Roi l'ennoblit, & le fit fon preANTOINE mier peintre. Après la mort de Monfieur, M. le COY PEL. Duc de Chartres ayant pris le nom d'Orléans devint enfuite régent du Royaume, & voulut donner à Coypel des marques d'une diftinction dont il l'avoit toujours honoré : ce Prince le nomma fon premier peintre, & lui donna pour exercer fon pinceau, la nouvelle galerie du palais royal, où il a représenté à l'huile quatorze fujers de l'Eneide, dont fept peints fur toile, couvrent les murs en face des croifées, les fept autres ornent le plafond qui est ceintré: le fujet du milieu est l'aflemblée des Dieux, Vénus y fupplie fon pere en faveur d'Enée; on y voit les portraits de plufieurs Dames de la Cour, & un Mercure en raccourci avec la Difcorde fendant la nuée, dont l'optique fe fait admirer des connoiffeurs: on y remarque encore un Neptune qui calme la fureur des vents intitulé, le Quos ego.

Le Duc d'orléans fut fi content des travaux de Coypel, qu'il lui fit préfent en 179, d'un carroffe & d'une penfion de quinze cens livres pour Pentretenir ce Prince même, en le voyant peindre, prit du goût pour cet art; il devint un élève auffi grand qu'éclairé, & Coypel eft convenu que les queftions du difciple embarrassoient fouvent le

maître.

Ce peintre a fourni les deffeins des médailles de Louis XIV, dont l'Académie des Infcriptions étoit chargée.

Perfonne n'a mieux entendu qu'Antoine Coypel la poétique de la peinture: né pour les grandes compofitions, fon génie facile fourniffoit à tous les ouvrages. Souvent trop outré dans les airs

de têtes, il donnoit des (a) grimaces pour des graces on fçait cependant que les paffions de l'ame ne s'expriment point par des grimaces, ni par des attitudes forcées que la nature défavoueroit, ni encore par des airs de têtes équivoques, qui difent trop ou ne difent rien.

Son génie n'étoit pas borné au feul maniement du pinceau : il a compofé fur la peinture, un ouvrage en forme de conférences, avec une épître en vers adreffée à fon fils, où l'on voit que Coypel connoiffoit parfaitement les principes de fon art, & qu'il écrivoit avec beaucoup de pureté & d'élégance.

Ce peintre travailloit à une fuite de l'Iliade, & continuoit pour des tapifferies celle de l'Ecriture fainte qu'il avoit déja commencée, lorfque l'épuisement où l'avoient jetté fes grands ouvrages, le fit tomber dans une langueur qui nous en priva en 122, à l'âge de foixante-un ans, & il fut inhumé à faint Germain-l'Auxerrois.

ANTOINE

COYPEL,

Charles Coypet, fon fils & fon élève, fur fait CHARLES professeur, recteur, directeur de l'Académie, & CoYPE L nommé, en 17+7, premier peintre du Roi, Il eft mort à Paris en 1753. Dans la vie qu'il a fait de fon pere, inférée dans celle des premiers peintres du Roi, il dit au fujer de la galerie du Palais Royal, où fon pere a peint l'hiftoire d'Enée, qu'il avoit, pour ainsi dire, traduit Virgile fur la toile, Quelle traduction, pour le Prince des poëtes Latins!

Les deffeins d'Antoine Coypel font faits aux trois

(a) Voltaire dit dans fes Œuvres., Tome XV, des figures qui grimacent.

ANTOINE

COYPE LA

crayons, foutenus d'un petit lavis d'encre de la Chine ou de biltre,dont le trait des contours eft à la plume on trouve toujours de grandes compofitions avec de riches fonds d'architecture, & tout annonçe le caractère d'un habile homme : fes airs de têtes & leur forte expreffion, fuffifent

reconnoître fa main.

pour faire Ses ouvrages à Paris, outre ceux nommés cideffus, font deux tableaux dans le chœur de l'Eglife de Notre-Dame; l'un eft Notre-Seigneur dans le Temple avec les Docteurs, & l'autre eft l'affomption de la Vierge; dans le chœur des Chartreux, l'aveugle de Jéricho; dans la maison du cardinal du Bois, qui a vue fur le jardin du (a) palais Royal, le plafond d'un falon où les Amours paroiffent défarmer les Dieux de différentes manieres, paffe pour un de fes meilleurs ouvrages.

On voit chez le Roi dans la chapelle de Verfailles, une gloire célefte au milieu de la grande voûte dont on vient de parler; les appartemens font ornés de l'histoire de Rebecca, & de la fable d'Apollon avec Daphné; dans le palais de Trianon, on trouve Zéphire & Flore; dans la Ménagerie, la naiffance de Vénus; dans le grand falon du château de Marly, Zéphyre & Flore figurés par le Printems; Efther & Affuérus, dans la galerie d'Apollon à Paris; une réfurrection & une annonciation qui ornent les deux autels de la chapelle du château de Meudon ; dans les appartemens du même château, dans le billard, deux tableaux ovales

(a) Cette maifon appartient aujourd'hui à M. le Marquis d'Are genfon, ci-devant Ministre de la guerre.

par

COYPE L

placés dans les lambris, Hercule qui ramene Alcefte des enfers, Silene barbouillé de mûres ANTOINE la Nymphe Eglée; dans un autre appartement, on voit Pfyché qui admire l'Amour endormi l'Amour qui abandonne Pfyché; & dans le cabinet des glaces, Mars aux forges de Lemnos.

Il a peint, dans l'ancienne paroifle de Versailles, deux tableaux qui repréfentent, l'un saint Louis au lit de la mort, & le fecond le martyre de faint Julien, avec deux petits tableaux placés dans chaque chapelle au devant d'autel, concernant l'histoire du faint.

A Toulouse, dans la galerie de l'hôtel de ville, il a peint un grand tableau, où eft représenté le retour des Tectofages dans leur ville, chargés des dépouilles du temple de Delphes.

Dans l'Abbaye de faint Riquier, à deux lieuës d'Abbeville, il a peint dans un autel autour du chœur, le baptême de Jefus Chrift, en concurrence avec Jouvenet, les Boullongnes, & Hallé, Ce tableau balança long-tems la victoire.

i

On voit dans la falle d'affemblée de l'Académie des Sciences de Paris, une Minerve affife tenant le portrait de Louis XIV; dans celle de l'Académie des Belles-Lettres, il a fait quatre tableaux ; un Apollon, un Mercure, Minerve qui découvre la Vérité, & Saturne qui menace avec fa faulx, le Menfonge & l'Ignorance qui fuyent; l'Hiftoire tenant une plume, fait le quatrième, elle tient un livre ouvert, & elle contemple le bufte de Louis XIV que le fameux Rigaud à peint dans un cartouche, foutenu par Mercure ; on voit dans le même tableau, au-deffus de la figure de l'Hiftoire, Saturne, & à côté un Génie qui grave, & dans le

lointain, un balancier que font mouvoir deux

ANTOINE Génies, & fur le devant, plufieurs medailles réGOYPEL pandues. Coypel a donné à l'Académie de peinture, fon portrait peint par lui-même.

M. le Duc d'Orléans a de ce maître une grande galerie, où eft peinte l'hiftoire d'Enée en quatorze tableaux, qui ont été décrits ci-dessus.

On a gravé considérablement d'après Antoine Coypel; les quatorze morceaux de la galerie font exécutés par Poilly, Defplaces, Tardieu, Duchange, B. Picart, les autres piéces de fon œuvre font gravées par Edelinck, les Audran, Simonneau, Drevet & les graveurs ci-deffus: on compte plus de cent piéces, dont il en a gravé à l'eau forte, douze de fa main, le portrait de la Voifin grand & petit, un Satyre entouré de deux Génies, une Judith, fainte Cécile, la Galathée, Ariane & Bacchus en grand, un Ecce-Homo, un Parnafe, & autres,

NICOLAS BERTIN.

NICOLAS C'EST 'EST un grand avantage à l'homme qu'une belle BERTIN. (a) figure; les anciens l'appelloient un paffeport des Dieux. Nicolas Bertin naquit à Paris avec cette forte de mérite, en 1667, d'un pere fculpteur, qu'il perdit à l'âge de quatre ans. Son frere, auffi fculpteur, & valet de chambre du Prince de Condé,

(a) Formofa facies muta commendatio.

Vers de Laberius.

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